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« Le consensus est une cérémonie de communication » : Conversation avec Lewis Cardinal sur la collaboration basée sur le principe d’abondance

mai 20, 2022
Park People

En préparation de la Conférence des Amis des parcs qui se tiendra en ligne du 21 au 23 septembre 2022, nous avons rencontré Lewis Cardinal, spécialiste de la communication et de la sensibilisation, qui a consacré sa vie à établir et à cultiver des relations dépassant les divisions culturelles. Lewis appartient à la Première Nation Cris des bois de Sucker Creek, dans le nord de l’Alberta, au Canada. Sa société de conseil appelée Cardinal Strategic Communications est spécialisée dans l’éducation, la communication et la conception de projets Autochtones. Actuellement, Lewis dirige le projet « kihciy askiy – terre sacrée » à Edmonton, le premier lieu de cérémonie Autochtone urbain au Canada.

La Conférence des Amis des parcs, qui porte sur le thème de l’abondance, présentera de nouvelles façons d’établir des partenariats, d’obtenir des ressources, de créer des espaces verts et de maximiser le potentiel des parcs urbains. Chaque journée de la conférence sera dédiée à un aspect de ce thème. La présentation de Lewis donnera le coup d’envoi de la première journée consacrée au thème des collaborations basées sur le principe d’abondance : des collaborations intersectorielles à l’origine de toutes nouvelles possibilités dans les parcs urbains.

Les inscriptions à la Conférence des Amis des parcs ont déjà commencé.

 

 

Jodi Lastman : Vous avez commencé à travailler sur le projet kihciy askiy – Terre sacrée en 2006. Vu de l’extérieur, 16 ans ça peut paraître très long pour concevoir et mettre en œuvre un projet. Que pensez-vous du temps qu’il a fallu pour que le projet kihciy askiy se concrétise à Edmonton?

Lewis Cardinal : Établir des relations prend du temps. Personne n’avait jamais réalisé un tel projet auparavant, et nous avons donc dû partir de zéro. La Ville d’Edmonton ne disposait d’aucune politique ni d’aucun processus pour lancer un projet comme celui-ci. Nous avons donc dû résoudre toutes ces questions au fur et à mesure et cela a naturellement ralenti la cadence.

C’est-à-dire que la Ville n’a pas l’habitude de rendre des terres aux Autochtones.

Il a fallu beaucoup de concertation publique pour que le projet kihciy askiy voie le jour; que ce soit avec les communautés Autochtones et aussi les groupes non Autochtones. Les aînés avaient clairement exprimé leur désir de voir ce projet mené en bonne intelligence et avaient souligné la nécessité de prendre le temps nécessaire pour établir de bonnes relations.

Alors, nous nous sommes dit qu’il fallait continuer à avancer et essayer d’être aussi patients que possible, car le but du projet résidait dans le processus lui-même. Pour que ce lieu sacré incarne la bienveillance, la confiance, le respect et la compréhension, nous devions nous-mêmes mettre tout cela dans le processus.


Tente de sudation circulaire et zone de tipi, kihciy askiy, depuis la Ville d’Edmonton

JL : Qu’entendez-vous par « mener ce projet en bonne intelligence »? Sur quelles méthodes repose cette approche?

LC : La municipalité et la population devaient accepter l’idée d’apprendre les uns des autres en gardant le cœur et l’esprit ouverts. En ce qui nous concerne, nous commençons toujours par une cérémonie traditionnelle, nous respectons notre relation avec la municipalité et respectons les personnes avec lesquelles nous travaillons, car en fin de compte, nous ne sommes que des êtres humains essayant d’avoir un impact positif dans la vie de nos semblables.

Nous avons dû sensibiliser la Ville à notre façon de faire et avons eu également l’occasion de collaborer avec celle-ci pour apprendre comment elle travaille.

Pour ce faire, nous avons chacun dû développer une vision claire de ce que nous essayions de construire ensemble. Nous avons ensuite fait part de ces ambitions à nos collègues, proches et partenaires. Ils ont ainsi commencé à visualiser ces ambitions et à s’imaginer en faire partie. Il ne s’agit pas uniquement de l’ambition des peuples Autochtones, mais plutôt d’une ambition partagée.

Travailler en bonne intelligence, c’est aussi continuer à faire preuve de respect, même en cas de désaccords. Nos traditions Autochtones mettent fortement l’accent sur les relations et leur importance pour faire avancer les choses.

Nous sommes tous des êtres humains, n’est-ce pas? Nous perdons patience. Lorsque les choses commencent à aller de travers et que l’on commence à sentir la tension monter, les cérémonies traditionnelles nous aident à retrouver un sentiment d’équilibre pour pouvoir continuer à avancer en bonne intelligence.

Ce que ce projet m’a appris, c’est que l’on ne peut forcer personne à aller là où ils ne veulent pas aller. Ils doivent vous suivre de leur plein gré. C’est pourquoi les ambitions doivent être partagées afin que toutes les personnes concernées y trouvent leur compte.

 


Légende : un tipi à kihciy askiy, Teresa Marshall

 

JL : Ce que vous décrivez ressemble à une approche très positive de la recherche du consensus.

LC : Oui, c’est vrai. Nous aurions pu tirer toutes sortes de ficelles au niveau politique et essayer de forcer la Ville à faire ce que nous voulions. Mais, le projet kihciy askiy aurait pris plus de 16 ans ou aurait tout simplement échoué.

Nous nous rappelons continuellement les uns et les autres que nous avons établi de bonnes relations, et cela devient presque un mantra qui nous rappelle continuellement pourquoi nous menons ce projet.

Imaginez un jeune homme à un arrêt d’autobus à Edmonton avec sa mère et sa petite sœur, avec une serviette sous le bras. Quelqu’un lui demande : « Où allez-vous nager? » Il répond : « Je ne vais pas nager. Je vais dans une hutte de sudation. Je veux que ma mère et ma sœur vivent aussi cette expérience. »

En faisant part de ce genre d’ambitions, nous remettons en cause certaines idées préconçues. Nous remettons en cause les étiquettes que chaque personne porte et implantons cette idée dans le cœur de l’être humain avec lequel nous travaillons. Selon moi, cette approche fonctionne, car elle est cohérente; c’est comme une cérémonie.

Le consensus est une cérémonie de communication. Le consensus est un processus sacré qui consiste à respecter la perspective de chaque personne afin qu’elle puisse développer une idée à sa manière. Lorsque la communication échoue, cela crée des ombres. Ces ombres créent le doute et la confusion. C’est ainsi que certaines personnes peuvent s’emparer du processus en profitant de cette rupture de communication. Voilà pourquoi la cohérence du dialogue et l’établissement d’ambitions communes sont essentiels.

 


Légende : Une illustration de l’entrée du pavillon offerte par la Ville d’Edmonton.

 

JL : Existe-t-il des manières concrètes de parvenir à ce consensus?

LC : Nous commençons toujours par une cérémonie, une prière et un exercice de pleine conscience, car ceci nous ramène à l’essence même de notre projet. Chercher un consensus peut être un processus déconcertant au début, car cette pratique n’est pas habituelle et peut nous faire perdre nos moyens. Mais lorsque cela devient une habitude, les choses vont alors très vite. Tout le monde finit par tomber d’accord en ayant les mêmes ambitions.

Nous veillons toujours à apprécier et à honorer nos partenaires. Chaque fois que j’ai l’occasion de parler aux médias ou à des groupes de personnes, je dis toujours que nous avons une merveilleuse relation avec la municipalité et que nous sommes honorés de travailler avec la Ville d’Edmonton. Ceci est un acte de réconciliation.

En honorant nos partenaires, nous renforçons et consolidons la relation.

Chaque relation a son côté sombre. Ceci est le défaut des êtres humains : nous avons tendance à embrouiller les choses plus qu’elles ne devraient l’être. Nous voulons parfois prendre le contrôle et tout anéantir. Mais l’inverse est également vrai. Nous pouvons faire preuve de créativité, de compassion et d’ouverture d’esprit, et avoir un impact positif pour beaucoup de gens. Travailler en cherchant un consensus et en établissant des relations est donc fondamental.

 


Légende : Cérémonie de bénédiction de la Terre de kihciy askiy, Teresa Marshall

 

JL : En quoi la réalisation du projet kihciy askiy a-t-elle changé la donne pour Edmonton?

LC : Ces 18 dernières années, le Edmonton Urban Aboriginal Accord*, la Edmonton Declaration* et le nouveau Indigenous Framework* ont vu le jour. Cela a permis à la Ville de repenser la manière dont elle travaille avec les autres groupes de populations, au-delà des groupes Autochtones. Cela a créé des possibilités nouvelles.

En langue crie, nous utilisons le mot tatawâw, qui veut dire « vous êtes bienvenu·e ». Ce terme exprime la volonté d’accepter toutes les personnes et communautés qui composent Edmonton. Il traduit l’idée qu’ « il y a de la place pour vous ici ».

Voici quelques ressources (en anglais) qui vous permettront d’en savoir plus sur Lewis Cardinal et son œuvre :

Les inscriptions à la Conférence des Amis des parcs ont déjà commencé.

Nous espérons que vous participerez à la Conférence des Amis des parcs du 21 au 23 septembre 2022.

Cette discussion a été résumée et modifiée dans un souci de clarté.

Photo de couverture: Cérémonie de bénédiction de la Terre kihciy askiy, Teresa Marshall

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