À la rencontre des amis de parc de Montréal : RaCINE Mtl-Nord

Étude de cas | juin 11, 2021

Faciliter la cohabitation par le verdissement: quand des organismes locaux s’unissent et des citoyens deviennent des acteurs du changement.

L'Espace Lapierre, en bref:

  • Arrondissement : Montréal-Nord (secteur Nord-Est).
  • Emplacement :11900 Rue Lapierre, Montréal, Communauté-Urbaine-de-Montréal, Québec, H1G 3R9.
  • Format : Espace semi-public (terrain privé ouvert au public), cour de quatre immeubles de la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM) de la rue Lapierre.
  • Superficie : inconnue.
  • Équipements : Mobilier urbain (tables à pique-nique), bacs potagers, murale, arbuste, vivaces.
  • Faits historiques : La rue Lapierre n’a pas une réputation enviable en raison de tensions sociales, notamment causées par la criminalité. Démarche participative avec les résidents et les organismes du milieu et de l'inauguration d'un espace sécuritaire et convivial.
  • Accessibilité : 33 minutes en autobus du métro Henri-Bourassa, 16 minutes à pied de la gare Saint-Léonard-Montréal-Nord, à proximité du CÉGEP Marie-Victorin.

Mise en contexte

Pice-Marc Ntigahera, porte-parole et membre depuis 2016 de RaCINE Mtl-Nord, Rassemblement des citoyens du Nord-Est de l’arrondissement Montréal-Nord, témoigne d’entrée de jeu des conditions de vie des populations du secteur: pauvreté grandissante, difficulté d’accès aux logements, désuétude des espaces de socialisation pour les jeunes, décrochage scolaire et forte criminalité.

“ RaCINE Mtl-Nord c’est un espace pour la communauté. On parle de tout ce qui touche la vie du quartier. On lutte contre la discrimination, le racisme, les préjugés et on travaille à améliorer le vivre-ensemble, la situation des jeunes, les conditions de vie des citoyens. “ Pice-Marc Ntigahera

Devant les enjeux de cohabitation de ce quartier densément peuplé, avec les gens qui y vivent depuis longtemps et l’augmentation de nouveaux arrivants, Parole d’excluEs, qui lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale par la mobilisation citoyenne, initie en 2014 la création du comité citoyen RaCINE. De plus, les besoins criants en sécurité alimentaire, verdissement et accès aux espaces verts, et la volonté des citoyens d’avoir droit à un milieu de vie sécuritaire, sain et agréable, mène à ce que le projet Quartier 21: Vivre, nourrir et valoriser Montréal-Nord voit le jour en 2016. Dans ce projet d’envergure de verdissement contre les îlots de chaleur et d’agriculture urbaine dans un système alimentaire pour tous, qui comporte plusieurs axes d'intervention, on compte le réaménagement de 16 terrains de la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM).

 

Source: Page Facebook Racine Mtl-Nord.

 

Dans la première phase, quatre cours arrière asphaltées appartenant à la SHAPEM qui composent un futur espace collectif (L’Espace Lapierre), sont aménagées temporairement avec du mobilier éphémère, des jardins et animés pendant la saison estivale 2017. On y retrouve 56 logements habités par des familles issues des communautés magrébines et haïtiennes, dont plusieurs sont impliquées dans le projet. La seconde phase (2018-2019) consiste à réfléchir, imaginer et réaliser l’espace collectif Lapierre de manière permanente. Après plusieurs défis relevés pour sa réalisation, c’est le 20 septembre 2019, qu’on assiste à l'inauguration officielle de L’Espace Lapierre. Fruit d’une démarche participative avec les résidents et les organismes locaux, ce projet a permis de créer un milieu de vie sécuritaire, convivial et confortable pour les résidents.

“Il faut une communauté et des gens qui se parlent, qui partagent des repas, partagent des recettes, apprennent à se connaître. Pour défaire la peur de l’autre, trouver les points communs, malgré des différences culturelles, économiques, sociales.” Pice-Marc Ntigahera

Vision et aspirations

 

Source: Page Facebook Racine Mtl-Nord. Photo prise avant mars 2020. 

 

“Quand les jeunes font du sport, ils décrochent moins et sont en meilleure santé. Jouer sur de beaux terrains ça amène un sentiment de fierté.” Pice-Marc Ntigahera

À la fois espace de rencontre et oasis de fraîcheur, l’Espace Lapierre met en évidence l’esprit de solidarité de Racine Mtl-Nord. Bien sûr la place des jeunes est importante, mais l’objectif demeure de rassembler toute la communauté, que ce soit avec des activités sportives, sociales et culturelles animées (ex.: match de basketball, projection de films, lecture de contes, pièce de théâtre, fête de voisins), mais aussi propice à la détente et aux discussions. En été, l'espace est vivant lance fièrement Pice-Marc. Il note tout de même que l’hiver, les enfants s’amusent souvent à jouer dans la neige dans cet espace de proximité. Si bien que cette année, on a pu assister à la création d’une patinoire-maison et de sculptures de neige, comme en témoigne une publication sur le groupe facebook de RaCINE Mtl-Nord.

“Les gens étaient surpris au départ, mais ils ont apprécié.” Pice-Marc Ntigahera

Pour le verdissement et les aménagements comestibles, le soutien de Ismael Hautecoeur, architecte paysagiste et chargé d’expertise en production alimentaire du Système alimentaire pour tous, permet de transmettre des connaissances aux citoyens, par exemple : les étapes à suivre pour partir des semis, l’entretien de bacs-potagers. De cette manière, ceux-ci sont autonomes et partagent les tâches tous ensemble pour prendre soin de leur milieu de vie. Pice-Marc confie aussi que pour le groupe RaCINE Mtl-Nord, la place de la nature est essentielle et l’idée de transmission aux jeunes générations est centrale.

Comme c’est le cas de bien des blocs appartements du quartier, les cours des résidents de la rue Lapierre ont été asphaltées dès la construction des blocs appartement, il y a des décennies. Le simple fait de verdir ces espaces constitue un « rattrapage historique », selon l’architecte paysagiste de Parole d’excluEs, Ismael Hautecoeur.

“Ça permet de transmettre aux tout-petits la valeur des plantes, d’aimer la terre, de prendre soin de l’environnement. De prendre conscience qu’au printemps c’est beau les fleurs. De planter. De verdir. D’embellir notre espace de vie, ça change tout et le monde est content.”Pice-Marc Ntigahera

Le réaménagement de l’espace contribue à enrichir les principes de vivre-ensemble et a des effets directs sur le civisme, la sécurité, la cohabitation et le bon voisinage.

Besoins et défis

Par rapport à l'Espace Lapierre :

Un des principaux défis auquel le groupe Racine Mtl-Nord s'est attelé par la revitalisation de l’Espace Lapierre est la gestion des déchets. D’une part, les citoyens et les organismes du quartier réclament depuis plusieurs années des conteneurs semi-enfouis pour améliorer la propreté et la qualité de vie des résidents. D’autre part, la prise en charge de l'espace par les citoyens et le soutien des organismes locaux, soit par les actions de verdissement, les corvées de nettoyage ou l’animation, à l'effet de créer un fort sentiment d’appartenance et de mobilisation, mais aussi un puissant désir de prendre plus soin du domaine semi-public.

“Les gens s’entraident pour l’arrosage des plantes, se mobilisent aux projets et aiment ça. Ce n’est pas difficile d’aller chercher l’implication. Les organismes sont aussi des facilitateurs dans ce type de projet dans le quartier. L’arrondissement nous aide aussi et nous prête de l’équipement.”Pice-Marc Ntigahera

Selon une publication du Conseil régional de l’environnement de Montréal : Depuis 2016, Parole d’excluEs a observé certains changements d’habitudes et des signes de réappropriation notables qui confirment que nos démarches portent leurs fruits. De plus en plus de familles viennent occuper les espaces aménagés, une plus grande présence des enfants et des femmes, un nouvel engouement des enfants pour le verdissement, des balcons plus verts, très peu de vandalisme et un sentiment de fierté indéniable. Nous convainquons tranquillement les plus sceptiques qu’il est possible d’embellir et d’améliorer le quartier.

Pour le groupe :

La diversité socio-économique et culturelle du secteur apporte un lot important de différences, et c’est pourquoi la démarche derrière la création et l’organisation du groupe implique un processus à très long terme et une participation de divers acteurs clés du milieu (organismes, décideurs municipaux, citoyens). Nomez Najac, Chargé de mobilisation secteur Nord-Est de Montréal-Nord chez Parole d’excluEs joue un rôle essentiel de courroie de transmission. Toutefois, comme en témoigne le groupe Racine Mtl-Nord, le sous-financement de ces organismes alliés est flagrant. Le groupe croit aussi que certaines compensations, par exemple de donner des billets de transport en commun, serait un bon moyen de reconnaître la valeur de l’implication de plusieurs des bénévoles.

Source: Page Facebook Racine Mtl-Nord. Photo prise avant mars 2020. 

 

Parmi les besoins identifiés par le groupe pour poursuivre leur mission, est l’accessibilité à un plus grand espace communautaire pour faire le pont avec l’Espace Lapierre.

“On fait des rencontres tous les derniers jeudis du mois”, confirme Pice-Marc Ntigahera.

Leur aspiration : un lieu d’échange intérieur et extérieur à la hauteur de leurs ambitions pour adresser les enjeux de santé publique et de justice sociale dans le quartier. Devant la hausse des injustices sociales, amplifiées par la pandémie, qui augmente l'insécurité urbaine et stigmatise, encore plus, ces communautés, des organismes communautaires du milieu (Comité logement de Montréal-Nord, Hoodstock, La Société d’habitation populaire de l’Est-de-Montréal, Parole d’excluEs et Un Itinéraire pour tous) ont récemment uni leurs voix dans un cri du coeur pour Un avenir paisible pour Montréal-Nord.

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