Plan directeur d’aménagement des terrains vacants des districts Pointe-Gatineau et Lac-Beauchamp

Étude de cas | septembre 1, 2021

Les urgences climatiques sont aujourd’hui l’une des situations les plus pressantes auxquelles est confrontée la population canadienne. Le nombre, l’intensité, la durée et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les inondations, les feux de forêt et le vent, augmentent considérablement au Canada, tout comme les menaces et les effets nuisibles sur la santé des personnes qui vivent et travaillent dans des zones à haut risque.

Introduction

Les cinq inondations les plus destructrices de l’histoire du Canada ont été enregistrées entre 2010 et 2020 et ont touché des centaines de milliers de personnes. Parmi ces inondations, citons celles de 2013 en Alberta et à Toronto, et celles de 2011 au Manitoba. Les dommages enregistrés pour les cinq inondations ont été estimés à près de 1,5 milliard de dollars. Selon la Base de données canadienne sur les catastrophes, le nombre d’inondations pouvant être classées « inondations catastrophiques » augmente chaque décennie depuis un siècle, et la population ne dispose pas de toutes les informations nécessaires pour prendre la mesure du risque. Selon une évaluation des risques d’inondation réalisée en 2016, plus de 20 % des habitations au Canada présentent un risque élevé d’inondation, et 10 % un « risque très élevé ». Floodsmart Canada estime que seuls 6 % des personnes vivant dans des zones à haut risque sont conscientes du danger et que seuls 30 % prennent des mesures pour se protéger et protéger leurs biens.

À Gatineau, les résidents de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp ont subi des inondations désastreuses, non pas une, mais deux fois. En 2017 et 2019, la hausse des températures printanières, les fortes précipitations et la fonte des neiges ont contribué à des inondations qui ont dû être gérées pendant plus de 2 mois, entraînant l’évacuation de milliers de résidents et causant des dommages irréversibles dans ces deux districts. Après la deuxième inondation qui a causé la destruction et l’évacuation de nombreux foyers, la Ville de Gatineau s’est retrouvée avec une centaine de parcelles cédées conformément à une des mesures établies par la Zone d’Intervention spéciale (ZIS) décrétée par le gouvernement du Québec. En date du 26 mai 2021, le nombre de parcelles cédées s’élève à 144.

«Le moratoire instauré par la ZIS, qui va au-delà des droits acquis, est accompagné d’un programme d’indemnisation du gouvernement visant à soutenir les propriétaires de maisons situées en zones inondables devant déménager. S’ils quittent leurs résidences, les propriétaires doivent démolir les maisons et bâtiments présents sur leurs terrains et ont l’opportunité de les céder à leurs municipalités qui en deviennent alors propriétaires.»
En 2019, la Ville de Gatineau a mandaté le Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (CREDDO) pour l’élaboration d’un plan directeur pour l’aménagement des terrains vacants de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp.

 

 

Bien que les terrains vacants de ces districts soient situés dans des zones à haut risque d’inondation et que la ZIS interdit pour l’instant la reconstruction de bâtiments affectés par les inondations, ces parcelles ouvriront de nouvelles possibilités pour les résidents.

« Il faut peut-être plus que des plans directeurs pour guérir de ce type d’événements, mais ce projet donne de l’espoir aux résidents et renforce la résilience collective. Il accroît le niveau de sensibilisation et donne une idée de ce qui peut être accompli en travaillant ensemble », a déclaré Mélanie Sarazin, ancienne responsable du programme de Revitalisation urbaine intégrée (RUI) du Vieux-Gatineau.

Bien que différents sur les plans géographique et démographique, ces deux districts ont uni leurs forces pour offrir de nouvelles perspectives à leurs résidents. Ils proposent un plan directeur commun et innovant qui vise à transformer les terrains vacants en lieux publics dynamiques et résilients.

Le contexte du projet

La Ville de Gatineau avec le Conseil régional de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO), les Amis des parcs et la studio de design Mandaworks ont travaillé ensemble pendant 18 mois sur une proposition de plan directeur pour les districts à risque situés près de la rivière des Outaouais. Les districts de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp se trouvent sur le territoire traditionnel des Iroquoiens du Saint-Laurent, des Anishinabewaki ᐊᓂᔑᓈᐯᐗᑭ, des Mohawks et des Omàmìwininìwag (Algonquins) et sont situés sur les rives de l’Outaouais. Les deux districts possèdent une longue histoire. Colonisés au début des années 1820, ils ont largement contribué aux premières activités du commerce de la fourrure et du bois au Canada.

La rivière des Outaouais figure « parmi les plus importantes du continent ». Elle prend naissance à environ 250 km au nord d'Ottawa, dans la région de l'Outaouais. D'une longueur de 1271 km2, elle se jette dans le fleuve Saint-Laurent. Son bassin versant, d'une superficie de 146 300 km2, dépasse la Suisse en superficie.

Le destin des districts de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp s’est croisé lors des inondations dévastatrices de 2017 et 2019. Déjà situés sur une plaine inondable bien connue, ils ont été victimes du réchauffement climatique qui a entraîné une augmentation des précipitations et une fonte des neiges précoce au printemps. Au printemps 2017, sur plus d'un mois, les fortes précipitations associées à la fonte des neiges ont fait dépasser les niveaux d'eau habituels de trois mètres par rapport aux normes saisonnières, entraînant les pires inondations observées depuis des décennies. À peine deux ans plus tard, en avril 2019, la région a connu à nouveau une situation similaire. Les fortes pluies et la fonte du manteau neigeux ont fait déborder la rivière des Outaouais, entraînant un état d'urgence et des crues record.

Pour de nombreux résidents, les répercussions psychologiques, physiques et financières liées aux inondations perdureront pendant longtemps, a déclaré Myriam Nadeau, conseillère municipale de Pointe-Gatineau, à la Ville de Gatineau, à propos de cette région frappée deux fois par des inondations catastrophiques en un peu moins de deux ans : « À court terme, les gens veulent savoir comment se remettre sur pied, et à long terme, ils se rendent compte qu'il s'agit d'une force de la nature qu'on ne peut pas contrôler. Les résidents passent de l’idée « aidez-moi à garder mon logement » à « aidez-moi à partir ».

 

 

Les deux crues de la rivière ont engendré des pertes, non seulement sur le plan individuel, mais aussi sur le plan collectif, pour la population de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp. Les résidents ont perdu des voisins, ainsi que leur confiance dans le territoire sur lequel ils vivent.

« Guérir de ces événements prendra de nombreuses années, et chaque printemps, la menace d'une autre inondation engendre un climat de peur pour les gens », explique Mélanie Sarazin. Ce projet a permis aux deux districts de se rassembler afin de rendre ces espaces plus agréables et résilients, et peut-être pour commencer à guérir ensemble.

Le projet

Les résidents de ces deux districts ont, depuis longtemps, un lien fort avec l’eau et la terre. Ils sont très fiers de leur ville natale.

En repensant aux inondations de 2017 et de 2019, Myriam Nadeau, conseillère municipale de Pointe-Gatineau, confie : « À ce moment-là, je n’étais plus leur conseillère; j’étais leur voisine. J'étais leur voisin. Nous nous sommes entraidés et nous avons travaillé ensemble pour survivre. »

Les résidents et les entreprises ont pu dans certains cas (lorsque les dégâts étaient estimés à moins de 50% de la valeur de la propriété) reconstruire, en sachant qu’ils pouvaient à tout moment revivre les inondations de 2017 et 2019.

Description des districts

Pointe-Gatineau et Lac-Beauchamp sont deux districts riverains de la Ville de Gatineau. Sur le plan démographique, Pointe-Gatineau se compose de quartiers résidentiels de classe moyenne avec des maisons unifamiliales, ainsi que de quartiers de type suburbain. Lac-Beauchamp comprend à la fois des zones commerciales et des quartiers à faible revenu avec un nombre plus élevé de logements de location et d’immeubles à appartements. Après l’inondation de 2019, les résidents des deux districts ont cédé plus de 100 terrains à la Ville de Gatineau. Beaucoup de ces parcelles étant adjacentes, ce sont de vastes étendues et un véritable casse-tête de rues, qui ont été abandonnés.

La vie quotidienne des résidents reste marquée par les effets persistants des inondations. Au plus fort de celles-ci, les gens ont uni leurs forces pour contribuer à la protection et à l’évacuation des lieux, notamment en empilant des sacs de sable pour protéger les maisons et en aidant leurs voisins à quitter les lieux. Au lendemain des inondations, certains résidents ont pu commencer à reconstruire, et un fort sentiment d’appartenance et de bienveillance a soutenu leurs efforts. Plusieurs années après, les incidences à long terme de la perte des terrains privés et de la compensation gouvernementale ne peuvent être ignorées. Les quartiers résidentiels se reconnaissent désormais en fonction du nombre de maisons et de terrains vacants. Dans certaines zones, une grande partie des communautés (ex : communautés du ruisseau et Notre-Dame) ont été cédées à la Ville. Par le biais de ce projet, des militants et des alliés politiques ont voulu apporter un certain dynamisme et un sentiment d'appartenance à ces districts.

Le projet présenté ici détaille l’élaboration d’un plan directeur pour les terrains vacants de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp. L’aménagement de ces terrains n’est encore, à ce stade, qu’un projet futur, mais le plan directeur proposé vise à définir avec les citoyens, les organisations locales et la municipalité différentes typologies d’aménagement du territoire, lesquelles alimenteront les réflexions d'un plan d’action.

Ces prochaines années, le passage de la phase de conception à la phase de mise en œuvre du plan directeur dépendra essentiellement du niveau d’engagement de la municipalité, soutenue par un engagement communautaire et citoyen continu, vis-à-vis de son financement et de sa mise en exécution.

Contexte du projet

Myriam Nadeau, conseillère municipale de Pointe-Gatineau, a défendu ce projet devant le conseil municipal, tandis que les résidents ont uni leurs forces de leur côté. À Lac-Beauchamp, le programme de Revitalisation urbaine intégrée (RUI) a commencé à organiser des réunions informelles pour discuter de la possibilité de transformer les terrains vacants en espaces publics. En 2019, 2 sites ont été réaménagés par les citoyens et la RUI. À Pointe-Gatineau, des marches exploratoires et des consultations ont été menées par M. Nadeau, donnant naissance à un comité citoyen CRIC qui a réaménagé 1 terrain en 2020, soit un placotoire et des jardins communautaires .La ville de Gatineau s’est ensuite positionnée pour octroyer un mandat officiel de réalisation d’un plan directeur d’aménagement pour ces 2 districts. Ce mandat a été confié au Conseil régional de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO).

Laurence Coulombe, coordonnatrice en adaptation aux changements climatiques au CREDDO, a pris en charge la gestion de ce mandat. Pour assurer l’atteinte des objectifs le CREDDO a invité l’organisme Amis des parcs pour une collaboration et la constitution d’une équipe de conception stratégique de l’ensemble du projet. L’expertise de la firme Mandaworks s’est ensuite jointe à cette équipe de conception. Le CREDDO a aussi mis en place, coordonné et animé le comité de travail central au projet, composé de conseillers et fonctionnaires municipaux, d’experts locaux en santé publique, de résidents et d'organisations communautaires locales.

Laurence décrit le rôle de son organisation dans le projet : « Le CREDDO a assuré la concertation des acteurs, entretenu la relation stratégique avec la Ville et soutenu le développement d’une vision commune ». Enfin, le CREDDO a supervisé la définition des stratégies d’aménagement et de mise en œuvre du plan directeur ralliant l’administration municipale et les citoyens.

Caroline Magar, responsable du développement au Québec et chargée de ce projet pour les Amis des parcs, précise qu

“en tant que partenaire principal du projet, les Amis des parcs ont eut la chance de suivre l’expertise de concertation locale du CREDDO et d’assurer un accompagnement stratégique à la réalisation de l’ensemble de la démarche.”

Les Amis des parcs ont été en mesure d'offrir leur perspective unique en tant qu’organisation canadienne dédiée à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens grâce aux parcs et aux espaces verts urbains. L’organisme a aussi été en mesure de fournir une nouvelle perspective afin d'évaluer les rôles sociaux et environnementaux des parcs urbains et d’en tirer parti dans un contexte de crise. Enfin, Les Amis des parcs ont bonifié la stratégie de concertation du CREDDO, par la définition d’une séquence d’outils consultatifs, conçu et animé l’atelier de co-création final avec la communauté, soutenu la collaboration avec l’expertise de design du studio Mandaworks et coordonné avec le CREDDO la rédaction du rapport final du projet.

Processus du projet

Le Plan directeur d'aménagement des terrains vacants de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp a été présenté et approuvé au conseil municipal de juillet 2021. On estime que la durée totale du projet aura été de 18 mois. Il a été divisé en trois phases principales et composé d'une série de jalons.

  • Phase 1 : Étude préparatoire (janvier - avril 2020)
    Principales tâches : Comprendre les besoins et les idées des résidents, ainsi que des parties prenantes, et réaliser une étude géophysique et sociale de la zone.
  • Phase 2 : Conceptualisation du projet (mai-septembre 2020)
    • Principales tâches : Déterminer les possibilités d'aménagement du territoire, réaliser les premiers croquis, ainsi que les plans schématiques des outils et de la boîte à outils, et créer un système dédié aux retours d'information.
  • Phase 3 : Plans d’ensemble(octobre 2020 - mai 2021)
    • Principales tâches : Définir les stratégies d’aménagement et de mise en œuvre, établir l'ordre des priorités et la planification des parcelles, ainsi que l'estimation des coûts, et formuler une proposition de mise en œuvre et de mise en exécution.

 

Processus de réalisation détaillé du PDA

Éléments principaux du projet

La mise en œuvre des différentes phases de cette approche comprenait les éléments suivants :

  • Concertation des parties prenantes : Mise en place du comité de travail et définition de la stratégie de concertation
  • Mobilisation citoyenne : hautement itérative, la stratégie de concertation a offert aux résidents et aux membres de la communauté la possibilité de donner plusieurs fois leur avis, que ce soit en personne, sur papier ou sur Internet, grâce à un processus de conception itératif et co créatif.
  • Prise de décision s’appuyant sur la collaboration (Concertation) : le comité de travail composé d'une chargée de projet local (CREDDO), d'élus locaux, de membres du personnel de la Ville, de représentants des citoyens, d'organisations locales et d'experts en mobilisation citoyenne, en planification participative et en architecture de paysage, le groupe souhaitait représenter les différents interlocuteurs, ainsi que les parties prenantes. Les Amis des parcs ont collaboré avec le CREDDO et la Ville de Gatineau pour promouvoir la proposition de plan directeur ainsi que les stratégies d'aménagement du territoire, qui ont été élaborées avec la volonté de passer des paroles aux actes.
  • Communication et sensibilisation : s’appuyant sur des bulletins d'information réguliers, des panneaux in situ, des boîtes à idées, des kiosques d'information, des appels téléphoniques, des mises à jour sur le site Internet, ainsi que des sondages en personne et en ligne, une stratégie de communication complète a permis, en mars 2020, de réaliser la transition requise pendant la pandémie en passant d’une mobilisation en personne à une mobilisation sur Internet.
  • Boîte à outils sur les possibilités d'aménagement du territoire : le Plan directeur des districts de la Ville de Gatineau propose des solutions intégrées pour l’aménagement de surface afin d’accroître la résilience climatique du paysage et d’améliorer la qualité de vie de la population. Ces possibilités d’aménagement du territoire reposent sur 5 grandes orientations qui se déclinent en une série de 25 « outils » intégrés dans une « boîte à outils ». qui illustrent des possibilités d’aménagements réalisables au regard de la réglementation en vigueur et qui sont définis en fonction des besoins exprimés par les citoyens et les différentes parties prenantes. En fonction des conditions et rôles sociaux et environnementaux des terrains individuels et des quartiers environnants, les 25 typologies d’aménagement uniques sont alors évaluées, classées par ordre de priorité, attribuées et présentées en vue d’une mise en œuvre démocratique.
  • Passage à l’action et mise en œuvre : pour que le projet passe du stade de la conception à celui de l'exécution tout en renforçant les capacités des parties prenantes, trois ressources principales ont été créées pour compléter la boîte à outils :
    • des fiches d'information descriptives bien illustrées pour chaque outils proposés qui permettront aux résidents et aux élus d’imaginer les résultats et les possibilités de mise en œuvre.
    • Un plan de priorisation présentant un ordre de priorité décrivant en des termes simples la manière de maximiser le potentiel des terrains à court, moyen et long termes.
    • Un plan de localisation détaillé pour associer des terrains à des typologies d’outils,qui y sont bien adaptés notamment avec des caractéristiques et des contraintes spécifiques (niveau d’ensoleillement, accès au système d’eau public, connexion à la rue, proximité des lieux de résidence, etc.).
Résultats du projet

Les résidents des deux districts ont subi des traumatismes considérables, ainsi que des préjudices sociaux, psychologiques et physiques qui perdureront. Tous souhaitent retrouver un sentiment d'appartenance et de solidarité, et s’entraider pour se relever ensemble de cette période douloureuse. S’appuyant sur des approches innovantes et collectives, la stratégie de concertation et le plan directeur peuvent aider les résidents et la Ville de Gatineau à se relever des dernières inondations grâce à des aménagements qui sont adaptés à leurs besoins et résilients face à de nouvelles inondations. Cette approche de revitalisation permet de renforcer la résilience des communautés et contribue à outiller les villes à faire face aux futures crises climatiques qui sont devenues inévitables. Ils peuvent aussi servir de modèles au Canada en montrant comment des terrains privés cédés aux gouvernements municipaux peuvent être réinvestis et réappropriés par les communautés, devenir des parcs et des lieux communautaires résilients face aux changements climatiques.

 

Deux districts et un pays menacés

La fréquence et la gravité accrues des phénomènes météorologiques extrêmes, l'absence de cartographie précise des zones inondables accessible au public, ainsi qu'une approche cloisonnée de la préparation et de la gestion des crises, ont nui à la préparation des districts de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp en cas d’inondation, ainsi qu’à celle de leurs résidents, en particulier ceux qui vivent et travaillent dans des zones présentant des risques élevés d'inondation.

Le Centre Intact d'adaptation au climat a publié un rapport sur l'état de préparation des provinces en cas d’inondation à travers le Canada. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les quatre piliers de la gestion des urgences : atténuation, préparation, intervention et rétablissement. Ces quatre piliers reposent sur des critères essentiels (comme la cartographie des zones inondables, l'aménagement du territoire et la gestion des urgences). Chaque province/territoire s'auto évalue au moyen d'entretiens approfondis conformément à ces critères.

À partir de ces autoévaluations, le Canada a obtenu en 2019 la note C en matière de préparation aux inondations, soit une amélioration par rapport à la note de C- obtenue en 2016. Quant au Québec, il se trouve dans la moyenne avec la note C. Il obtient aussi une note supérieure à la moyenne dans de nombreux domaines, bien qu'il soit nettement inférieur à la moyenne régionale en termes de gestion des urgences. Parmi les points faibles de cette province, citons l'aménagement du territoire, les nouveaux projets de développement et l'évaluation des infrastructures essentielles.

 

 

Après les inondations de 2017 et 2019, le gouvernement du Québec a mis en place une Zone d'intervention spéciale (ZIS). Au total, 776 municipalités sont visées par la ZIS. Ce décret « instaure un moratoire sur la construction de bâtiments et sur la reconstruction de bâtiments détruits par une inondation. » Cette initiative vise à favoriser et à encourager une gestion plus rigoureuse des zones inondables, et constitue un pas en avant.

Le rapport d’Intact a déterminé trois domaines d’amélioration pour accroître le niveau de préparation aux inondations des municipalités au Canada : l'aménagement du territoire, l'évaluation des infrastructures essentielles, ainsi que la santé et la sécurité de la population. À l’heure actuelle, les gouvernements provinciaux et territoriaux ne sont généralement pas tenus d’identifier les zones inondables dans leurs juridictions. Pourtant, le fait de disposer de cartes des zones inondables à la fois précises, actualisées, faciles à comprendre et accessibles au public est d’une importance cruciale. Ces renseignements peuvent permettre aux citoyens d’être mieux sensibilisés aux risques d'inondation et de les aider à prendre des décisions éclairées sur leur lieu de résidence. Ils peuvent aussi permettre d’identifier les risques qui pèsent sur des infrastructures essentielles et aider les gouvernements à prendre des mesures de préparation face aux inondations dans leurs juridictions. Au Canada, il existe peu de cartes sur les risques d'inondation qui soient accessibles au public. Par conséquent, les résidents, les entreprises et les gouvernements ne peuvent pas prendre la pleine mesure des risques d'inondation imminents qui pèsent sur eux et ne peuvent donc pas se préparer adéquatement.

Au Canada, 90 % des événements météorologiques extrêmes et des catastrophes naturelles, y compris les inondations, sont gérés au niveau local, avec un certain degré de gestion au niveau provincial/territorial. Au Québec, la préparation aux inondations et leur gestion se font généralement au niveau municipal. Malheureusement, un cours d’eau aussi long et aussi large que la rivière des Outaouais traverse de nombreuses municipalités avant d'atteindre son bassin versant. Les décisions et les mesures prises par des municipalités situées en amont peuvent avoir une incidence considérable sur les municipalités en aval.

Pour gérer les inondations, des municipalités se trouvant aux quatre coins du Canada s'efforcent actuellement de passer à une approche intercommunale qui engloberait les municipalités en amont et en aval et réduirait les entraves et le manque d’efficacité dans les divers niveaux gouvernementaux.

À cet égard, la gestion naturelle des inondations peut consister à allouer suffisamment de place pour les cours d'eau en limitant le développement urbain et en incorporant des éléments naturels et de biodiversité dans des infrastructures généralement « grises ».

« Le Canada commence à suivre la même évolution que celle que nous avons observée en Europe et aux États-Unis : en passant d’un plan traditionnel de défense contre les inondations et de contrôle, à une gestion plus naturelle des inondations, ainsi qu’en misant sur les processus naturels et en les valorisant », explique Joanna Eyquem, directrice des programmes climatiques pour le Québec, du Centre Intact d'adaptation au climat.

Parmi les autres possibilités, citons les infrastructures conçues pour être inondées, comme les parcs et les terrains de jeux. Globalement, le Canada a fait des progrès dans sa préparation aux inondations, mais ces progrès restent lents. Par ailleurs, réduire les risques d'inondation ne relève pas seulement de la compétence des gouvernements. Chacun de nous a une part de responsabilité : que ce soit en changeant notre manière de vivre ou en nous préparant aux inondations, que celles-ci soient causées par des cours d’eau ou des pluies intenses. Par ailleurs, il est nécessaire d'agir à différentes échelles : que ce soient les propriétaires prenant des mesures simples chez eux pour réduire les risques d'inondation de leur sous-sol, ou les municipalités en utilisant stratégiquement les infrastructures naturelles pour ralentir, stocker et absorber l'eau. Ces mesures permettront peut-être d’éviter que la situation à laquelle les résidents de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp ont fait face en 2017 et en 2019 ne se reproduise.

Les piliers du projet

Prioriser la concertation

La concertation pour ce projet s'est déroulée en trois phases. Pour élaborer et mettre en œuvre la stratégie de concertation, l’équipe de conception du plan directeur a d’abord mise en place d’un comité de travail qui a assuré une concertation représentative du milieu, agile et active tout au long du processus.

Comme l'a déclaré Mélanie Sarazin, représentante de la RUI au sein du comité de travail, « notre stratégie de mobilisation citoyenne consiste à placer le public au centre de tout ce que nous faisons. »

L’équipe de conception du PDA a ainsi prévu une série d’outils de concertation qui ont été mis en œuvre suivant les 3 phases du projet, de même qu'une stratégie de communication plus large. La stratégie de concertation a proposé au public de donner son avis à la fois sur la vision générale et sur les stratégies d’aménagement et de mise en oeuvre proposés, que ce soit en personne ou sur Internet. La stratégie de communication a reposé sur diverses tactiques, comme la création d'une brochure simple sur le projet, qui a ensuite été distribuée, ainsi que la diffusion d’information grâce à des courriels et des bulletins d'information envoyés tous les mois. Le comité de travail a invité le public à donner son avis sur Internet et a tiré parti du site Web du CREDDO pour publier des mises à jour et informer les parties intéressées.

« L’aspect le plus passionnant de ce projet a été de collaborer avec toute une série de personnes différentes, dont celles qui ont été touchées par les inondations, celles qui vivent ici, mais qui n'ont pas été inondées, ainsi qu’avec des entreprises, des organisations, la municipalité, etc. Tous ont fait partie intégrante du processus, et chacun a été traité en tant qu’expert à part entière avec une opinion digne d’intérêt », explique Mélanie Sarazin à propos du processus de consultation.

L’équipe de conception, conseillée par les membres du comité de travail ont également fait tout leur possible pour veiller à ce que le plus grand nombre de personnes soient informées du projet et aient la possibilité d’y participer. Afin de mettre en œuvre cette approche plus personnalisée, ils ont appelé les gens directement, utilisé des panneaux in situ et des tableaux d'affichage publics pour promouvoir le projet ou mené des consultations spécifiques, sans oublier le bon vieux porte-à-porte. À Lac-Beauchamp, le groupe a dégainé son arme secrète : Edward. Lorsque les résidents de Lac-Beauchamp souhaitent diffuser une information, ils s’assurent toujours d’en aviser Edward qui fera alors passer le message bien plus vite que n'importe quel bulletin d’information ou chaîne de courriels.

En mars 2020, lorsque la pandémie est survenue,l’équipe de conception a dû réagir et s’adapter rapidement. Au cours des premiers mois de crise, elle a été contrainte de ralentir le rythme et d’adopter une nouvelle approche en effectuant désormais tout leur travail à distance et sur Internet. Ainsi, grâce à son approche itérative et agile, le groupe a rapidement pu organiser des consultations en ligne et poursuivre ses réunions en ligne. La deuxième phase de consultation (été 2020) s'est appuyée sur une large gamme de supports d’information en ligne (illustrations détaillées et vidéos explicatives, p. ex.), ainsi que sur des outils d'information sur le terrain (installation de panneaux d'information pendant un mois dans chaque quartier et distribution de questionnaires avec une boîte de dépôt pour les réponses). La troisième phase de consultation a pris la forme d’un atelier de co-création avec une mobilisation citoyenne axée sur la recherche d'idées pour la mise en œuvre du projet.

Les champions du projet

La création d'un comité de travail a constitué un aspect central du projet. Afin d’assurer une large mobilisation citoyenne et d’obtenir l'adhésion des bonnes parties prenantes, le comité de travail était composé de représentants de la municipalité, du public, des organisations locales et des partenaires de mise en œuvre. Le comité du groupe de travail s'est réuni six fois pendant toute la durée du projet afin de suivre l'évolution du projet et se conformer au processus.

Ajout de l’équipe de conception :

  • Laurence Coulombe (CREDDO - coordonnatrice)
  • Caroline Magar (les Amis des parcs/Park People - conseillère en planification participative)
  • Manon Otto (Société de design Mandaworks - conceptrice)

Les membres du groupe de travail :

  • Benoit Delage (CREDDO - Directeur général)
  • Myriam Nadeau (Ville de Gatineau - conseillère municipale de Pointe-Gatineau)
  • Jean-François Leblanc (Ville de Gatineau - conseiller municipal de Lac-Beauchamp)
  • Magdalena Dudek (Ville de Gatineau - Centre de services de Gatineau)
  • Catherine Marchand (Ville de Gatineau - Service de l'urbanisme et du développement durable)
  • Suzie Perreault (citoyenne de Pointe-Gatineau)
  • Mélanie Sarazin (Revitalisation urbaine intégrée du Vieux-Gatineau)
  • Gille Delaunais (Direction de santé publique de l'Outaouais - agente de planification, programmation et recherche Santé environnementale)
  • Josée Charlebois - Agente de planification, de programmation et de recherche Responsable de la coordination professionnelle, Direction de santé publique, Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais

Les catégories auxquelles appartenaient les membres du groupe de travail :

  • 1 chargée de projet
  • 1 directeur de conseil régional en environnement
  • 2 élues locales/élus locaux
  • 2 employées/employés de la Ville
  • 2 représentantes/représentants des citoyens
  • 2 organisations locales
  • 2 expertes/experts externes (1 en mobilisation citoyenne et planification participative, 1 en design urbain)
  • 2 expertes/experts locaux en santé publique

Le comité de travail a grandement contribué à la réussite du projet. La possibilité de travailler avec différents acteurs municipaux et régionaux, le personnel municipal, les organisations locales et les résidents a permis dès le départ d’obtenir plus facilement l’adhésion des parties prenantes et de communiquer avec les bonnes personnes au bon moment.

Parvenir à une solution

Grâce au processus de conception participative pendant lequel la Ville et les résidents ont identifié des solutions adaptées à leurs besoins et au contexte, le plan directeur représente une grande innovation en matière d'aménagement du territoire pour faire face aux changements climatiques.

Le produit final de ce processus de 18 mois, s’appuyant sur 3 consultations publiques, 6 réunions du comité de travail, 1 boîte à outils, 3 stratégies d’aménagement, des recommandations pour la mise en oeuvre ainsi qu’une collaboration continue, a été présenté et approuvé par la Ville de Gatineau en juillet 2021.

 

Plans de priorisation pour lac-Beauchamp et de Pointe-Gatineau.

 

Compte tenu des réalités hydrologiques, réglementaires et sociologiques particulières des secteurs concernés qui impliquent des défis climatiques et urbains tels qu’un risque d’inondations récurrentes, la vulnérabilité des communautés résidentes et une dévitalisation conséquente des milieux de vie, les parties prenantes du plan directeur ont créé une stratégie intégrant davantage d’éléments naturels et tenant compte du retrait graduel de la présence de résidences sur ces zones inondables. Cette démarche s’inscrit davantage dans une approche adaptative, permettant aux communautés affectées et aux résidents de vivre et d’avoir accès à un environnement naturel et social plus résilient.

Vision d’aménagement proposée :

“ La vision proposée ne suit pas une approche de protection directe contre les inondations, mais plutôt une approche d'adaptation conséquente à des inondations, dans une dynamique de retrait graduel des communautés et d'atténuation des impacts sur la santé par une revitalisation des communautés.” p.33 du rapport final. 

 

Un plan directeur environnemental et social intégré

En utilisant cette approche adaptative, le plan directeur d'aménagement des terrains vacants a été présenté et approuvé par la Ville de Gatineau en juillet 2021, sous forme d’une boîte à outils pour l'aménagement du territoire.

La boîte à outils contient 25 typologies illustrées pour l'aménagement des terrains individuels des deux secteurs, répartis en cinq catégories (ou familles) d'aménagement du territoire. Ces 5 familles constituent les orientations stratégiques d’aménagement du plan directeur. Elles ont été définies en considération des réglementations applicables et des besoins des résidents identifiés lors des consultations : Lots nature, Lots nourriciers, Lots rassembleurs, Lots en rive et Lots éponges. Chaque catégorie représente une utilisation et une approche d'activation différentes.

Les typologies suggérées sont évaluées en fonction de leur capacité d’adaptation, puis hiérarchisées et attribuées aux terrains vacants dans chaque district, en fonction des besoins sociaux et environnementaux des quartiers concernés. Elles peuvent être mises en œuvre de manière indépendante, combinée ou conçues pour plusieurs terrains adjacents. Leur objectif est d’inspirer les résidents et la municipalité, et de construire des espaces plus diversifiés et plus résilients pour l’avenir.

 

Les catégories des typologies de terrain.

 

Il existe 25 typologies de terrain réparties en 5 catégories, comme :

  • Les Lots nature : Parcelles permettant à la nature de s’épanouir. Des parcelles destinées aux pollinisateurs, des prairies et des zones boisées font partie des propositions.
  • Les Lots nourriciers : Parcelles conçues à la fois pour les résidents et pour la nature. Ceci comprend des arbres fruitiers, des terrains pour l’agriculture urbaine et des serres.
  • Les Lots rassembleurs : Parcelles offrant des possibilités de rassemblement social. Tables communales, aires de jeu (terrains de basketball), amphithéâtre, art dans l’espace public et parcs à chiens font partie des propositions.
  • Les Lots en rive : Parcelles intégrant l’eau et la terre. Ces parcelles sont composées de terrasses sur les rives, de bassins de filtration et de passerelles.
  • Les Lots éponges : Parcelles présentant un intérêt écologique. Elles comprennent des plantes hydrophiles.

 

Les 25 typologies de terrain par catégorie. 

 

L'équipe de conception a tenu compte des besoins spécifiques du projet. Étant donné que le projet porte sur deux districts et plus de 100 terrains, les résidents et le comité de travail savaient qu'une approche unique ne fonctionnerait pas. Chaque terrain et quartier adjacent nécessitent un aménagement spécifique au lieu et à l'objectif. Au lieu d’établir un plan directeur unique, comme c'est souvent le cas dans ce type de projet, le comité de travail a présenté au public une « boîte à outils » avec plusieurs possibilités.

Il a proposé aux résidents des typologies d ‘aménagement basées sur les besoins identifiés lors des premières activités de concertations Ces activités ont permis de comprendre les principales préoccupations du public concernant les futures inondations, le manque d'espaces verts, l'insécurité alimentaire, le manque de biodiversité et la demande pour des programmes permettant aux résidents de créer du lien social. Les résidents ont approuvé cette approche et ont apprécié l’attention avec laquelle chaque typologie de terrain a été conçue :

  • « Privilégier les terrains qui auront des effets bénéfiques à long terme pour l'environnement; nous manquons de ce genre d’espaces à Gatineau. Les Lots nature serviront de terrain de jeu pour les enfants qui pourront y faire jaillir leur imagination et faire des activités de plein air; ils amélioreront aussi la santé des gens et des autres espèces vivantes. »
  • « Vos catégories sont super. Ce serait fantastique d’intégrer n'importe laquelle d'entre elles. »
  • « Belle initiative, je suis vraiment heureux de voir ce genre d’aménagement dans mon quartier! »
  • « N’oubliez pas de tenir compte du type de foyers situés à proximité de la zone aménagée. Pas de terrain de basket si le nombre d'enfants/adolescents à proximité du sentier (500 m) ne le justifie pas. »
    (Commentaires anonymes extraits des consultations)

La structure initiale de la boîte à outils s’est inspirée des besoins de la population. Les Lots nourriciers seraient composés de jardins collectifs et permettraient de répondre aux problèmes de l'insécurité alimentaire. Les Lots rassembleurs permettraient aux gens de se rencontrer et d'améliorer la cohésion sociale. Les Lots éponges offriraient un plus grand accès aux espaces verts, des zones de biodiversité et contribueraient à atténuer les effets des inondations. Les Lots nature répondent au besoin des résidents de disposer de plus d'espaces naturels. Les Lots en rive visent, quant à eux, à répondre à la nécessité d'intégrer des espaces publics sur les terrains situés au bord de la rivière. Toutes ces initiatives favoriseraient un meilleur rapport entre la population et la rivière.

Le comité de travail a ensuite évalué chaque terrain en utilisant les critères de hiérarchisation suivants :

 


Critères de hiérarchisation des terrains.

 

Il a ainsi attribué à chaque terrain une typologie suggérée et hiérarchisée.

 

Lots prioritaires et typologies suggérées pour les terrains prioritaires.

 

Les stratégies d’aménagement et la boîte à outils visent à adopter une approche de mise en œuvre combinée, comprenant des terrains activés et aménagés par la Ville, mais constituent avant tout des outils destinés aux résidents. La boîte à outils a pour objectif de soutenir et d’encourager les groupes citoyens et les résidents afin qu’ils puissent activer les terrains situés dans leurs quartiers.

« L'un des principaux objectifs du projet était d'inspirer les gens et de leur donner l’impulsion pour passer à l'action. De plus, nous voulions vraiment donner un coup de pouce à la Ville et aux résidents pour les inciter à agir grâce aux outils que nous avons créés ensemble », explique Manon Otto, de Mandaworks.

Chaque terrain a été évalué en fonction des critères de hiérarchisation, et les informations ont été présentées dans une fiche descriptive illustrée et destinée aux résidents.

 

Fiche descriptive de la typologie.

Les résidents pourront se renseigner sur la boîte à outils et le travail de hiérarchisation pour voir quelle typologie fonctionnera le mieux pour les terrains vacants qui se trouvent dans leur quartier. Nous espérons que la Ville de Gatineau adoptera une approche favorisant leur participation et éliminera tout obstacle pour activer ces espaces.

Pour parvenir à cette solution, les membres du comité de travail se sont largement inspirés des principales approches qu'ils ont utilisées durant le projet (agilité, flexibilité et priorité aux résidents) afin de concevoir une approche itérative et innovante qu’ils ont continué d’appliquer tout au long du processus.

D’après Manon Otto, il était important de choisir une approche pouvant être adoptée autant par les résidents que par la Ville de Gatineau : « au lieu de soumettre une proposition basée sur un seul scénario, le projet a évolué pour fournir une gamme d'interventions plus diversifiées. En fait, cela n'avait aucun sens de soumettre une proposition statique avec un calendrier prédéfini, car le projet n’allait pas être mis en œuvre par un seul acteur, mais plutôt par plusieurs acteurs : que ce soient le personnel municipal, les familles qui y résident ou les groupes citoyens. Nous devions donc tirer parti de leur énergie et de leur intérêt pour ce projet en proposant une boîte à outils réellement démocratique qu’ils apprécient et qu’ils puissent s’approprier. »

 

Une vision pour l'avenir.

Bien que les terrains vacants des districts de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp soient situés dans des zones à haut risque d’inondation et que les habitations ne seront pas reconstruites comme avant, ces terrains ouvriront de nouvelles possibilités pour les résidents.

De la conception à la mise en œuvre

L’équipe de conception s'est appuyée sur une approche de hiérarchisation des priorités afin d’évaluer les différents terrains et faire en sorte que le projet passe de l’idée à la réalité. La boîte à outils ainsi que les 3 stratégies d’aménagement proposée par l’équipe de conception à la Ville de Gatineau offrent des pistes d’action favorisant la future mise en œuvre, une évaluation préliminaire de l’échelle des coûts associés aux interventions suggérées, une liste de terrains ou de groupe de terrains (lots moteurs) prioritaires où intervenir. Le plan directeur propose aussi des recommandations, ainsi que des conditions de succès générales et spécifiques aux principales parties prenantes (services municipaux et acteurs communautaires) pour la mise en œuvre

Cependant, le passage de la phase de conception à la phase de mise en œuvre représente le prochain grand défi à relever

Pour ce faire, le CREDDO et certains acteurs publics impliqués dans le comité de travail souhaitent collaborer avec les divers niveaux de gouvernement en vue de la mise en œuvre du projet. La prochaine phase reposera sur la recherche d'un soutien financier et de ressources, le maintien d’un dialogue continu avec les résidents et l’obtention du soutien permanent de la Ville. La transition d'un plan directeur unique à une série de typologies de propositions d’aménagement de terrain prêtes à être appliquées présente des opportunités, mais aussi des défis. Le comité de travail souhaite collaborer avec la Ville pour l’encourager à mettre en œuvre des activités graduelles qui permettront de stimuler, de renforcer et d'activer en permanence ces futurs espaces publics. Pour faciliter la mise en œuvre, la Ville pourrait embaucher un animateur en vue de coordonner l'activation des terrains, supprimer ou réduire tout obstacle de la municipalité pour faciliter la mise en œuvre par les résidents, ou bien lancer un programme municipal d'activation de ces espaces.

L’ensemble des conditions de succès sont disponibles à partir de la page 56 du plan directeur.

Enseignements tirés du projet

Les piliers de la réussite

La réussite d'un tel processus de planification repose sur plusieurs éléments clés. La conception d'un projet similaire pourraient notamment reposer sur des piliers comme ceux présentés ci-dessous :

  • Une approche sensible et de compassion donnant la priorité aux résidents : Compte tenu du traumatisme subi par les résidents après les inondations, il était essentiel d’adapter le projet et les résultats en conséquence, et de planifier leur éventuelle exécution avec la plus grande attention. Pour tout projet ultérieur, les concepteurs auraient avantage à utiliser une approche reposant sur la compassion, la concertation, la co-création et la mobilisation participative afin que les résidents soient au centre de la prise de décision. Ceci peut passer par une mobilisation multimodale, comme :
    • la possibilité de donner son avis en personne et sur Internet,
    • différents outils pour différents publics : des outils concrets et sur Internet pour donner son avis et transmettre des informations, des panneaux, des activités de mobilisation formelles et informelles, des vidéos explicatives, une mobilisation par téléphone et des partenaires sur le terrain,
    • une stratégie de communication globale,
    • un calendrier de mise en œuvre efficace, mais tourné vers l'avenir.
  • Processus itératif et agile pour la réalisation du plan directeur : afin d’adopter un processus agile, le comité de travail pourrait énoncer des idées concrètes, s’investir activement dans le projet et faire preuve de flexibilité. Plonger valoriser et reconnaître les avantages d'un processus itératif dès le lancement du projet. Organiser de courtes réunions hebdomadaires avec le groupe de gestion principal afin de maintenir le contact tout au long du projet. Planifier les différentes étapes et s'en tenir au plan, tout en permettant un certain niveau d'agilité et de flexibilité. Il n'est pas toujours facile de travailler sans visibilité à long terme, toutefois le résultat final est souvent meilleur.
  • Un groupe de travail représentatif : le comité de travail doit représenter les intérêts et les perspectives des principales parties prenantes. Lors de la constitution du comité de travail, il est important d'avoir un échantillon représentatif des participants : des membres du public pour représenter les intérêts des résidents et des entreprises; des organisations locales avant-gardistes pour donner une impulsion; des employés municipaux pour fournir des directives réalistes sur ce qui peut être fait et dans quel délai; et des spécialistes pour concevoir le projet une fois que les priorités sont bien définies. L'ouverture d’esprit et la participation immédiate des parties prenantes issues de divers horizons ont joué un rôle important dans la qualité de la conception initiale. Lors de la constitution d'un groupe de travail, veuillez identifier :
    • des résidents et des organisations locales : inviter des personnes qui s’investissent activement dans leur quartier et qui peuvent représenter les intérêts à la fois des résidents et des entreprises, ainsi que les enjeux environnementaux. Il est important d’intégrer aux discussions des personnes ayant des points de vue différents. Si ce projet porte sur des sujets nécessitant la représentation de certains groupes vulnérables, comme les personnes itinérantes, ou si le terrain revêt une importance particulière pour les peuples Autochtones, ces personnes doivent alors être invitées à participer à la prise de décision.
    • des représentants de la fonction publique municipale : que ce soit par exemple à travers ses conseillers municipaux, des députés ou son personnel, la municipalité doit s'engager sur le plan politique à garantir le respect des conditions réglementaires et s’investir dès le départ dans le projet. Gardez à l'esprit que le personnel municipal et le monde politique évoluent à un rythme différent. Les acteurs politiques travaillent en fonction d’objectifs généraux, et la fonction publique a souvent des capacités limitées et est soumise à différents niveaux de responsabilité. Il peut être difficile de concilier ces deux perspectives, mais ces éléments font néanmoins partie du processus.
    • différents experts locaux et externes : le présent projet a fait appel à des représentants locaux en santé publique, des experts des inondations et des chercheurs en foresterie, ainsi que des experts nationaux en participation citoyenne et des experts de renommée internationale en architecture de paysage afin de représenter les exigences uniques de ce projet et de cette zone.
  • Établir un climat de confiance : le projet étant composé de nombreuses parties prenantes étroitement impliquées dans les résultats définitifs et étant donné les échéances très serrées, il était essentiel d'établir un climat de confiance entre elles dès le début, et de continuer à inspirer la confiance, que ce soit dans les bons comme dans les mauvais moments. À cet égard, l’équipe de conception a dû faire preuve d’une compréhension fine des tensions existantes entre les élus municipaux (vision politique) et les services publics (vision technique et de responsabilité civile) et s’assurer d’une médiation constante pour permettre des réflexions constructives. L’équipe agit aussi comme médiatrice entre les besoins des organismes communautaires et les limites respectives des services publics impliqués. Plusieurs rencontres et discussions additionnelles aux plan de travail préliminaires, ont offert l’opportunité aux participants de se sentir davantage écoutés, et de poursuivre le processus avec un meilleur sentiment de cohésion. La réussite du processus repose sur la création d’un environnement de travail démocratique où chacun peut s'exprimer, mais aussi se comprendre.
  • Renforcer la résilience : dans l’avenir, de plus en plus de Villes devront faire face à ce genre de situations. Il leur incombe donc d’encourager et de renforcer la résilience de leurs résidents, de leurs infrastructures, de leurs pratiques et de leurs politiques pour mieux réagir et être mieux préparées face aux grands défis qui les attendent. Pour mettre en place un projet similaire, il est nécessaire d’identifier et de mobiliser des experts et des parties prenantes de manière stratégique pendant toutes les phases du projet : de la conception à la mise en œuvre jusqu’à l’exécution. De plus, il est essentiel d’obtenir l'adhésion immédiate des parties prenantes et de comprendre clairement les exigences environnementales, réglementaires et sociales pour faire en sorte que le projet puisse passer de l’idée à la réalité. Dans ce projet, plusieurs comités consultatifs d'experts (en hydrologie et en développement des collectivités), dirigés par différents services de la Ville de Gatineau, ont été mobilisés. Cette initiative s'est déroulée parallèlement au processus de mobilisation citoyenne et a permis à la Ville d’établir une base de connaissances large et approfondie sur les différents aspects du projet.
Les défis du projet

Les défis énumérés ci-dessous ont contribué à guider les objectifs, l'approche et la réalisation de ce projet, et continueront à influencer l’évolution du projet lorsque celui-ci passera de la phase de conceptualisation à la phase de mise en œuvre.

Complexité et bienveillance

Les effets des changements climatiques dans ces quartiers ont entraîné le déplacement de centaines de résidents et de leurs familles. Par ailleurs, cette zone est soumise à des contraintes réglementaires complexes qui limitent les possibilités en termes d’aménagement. Dans un projet comme celui-ci, il est important d'intégrer des participants pouvant représenter les exigences d’ordre social, réglementaire et environnemental qui s’appliquent à ces secteurs.

La complexité et le caractère délicat du projet d’aménagement demandent une approche authentique, souple et axée sur les résultats, plutôt que des mesures rapides.

Mobilisation des parties prenantes

Un projet comme celui-ci doit mettre l’accent sur l’inclusion, la flexibilité et la créativité pour mobiliser et gérer les parties prenantes et les résidents. Pour ce faire, il est parfois nécessaire de sortir des sentiers battus, d’aller frapper aux portes ou de dégainer son « arme secrète » (comme Edward) pour veiller à tenir compte de toutes les considérations et perspectives pertinentes. Similairement, l'ajout d'une rencontre auprès d'une diversité de représentants de divers services publics pour recueillir leur avis a beaucoup aidé à bâtir leur adhésion envers l'avenir du projet.

L'urgence d'agir

Face au traumatisme vécu par les résidents, les membres du comité de travail ont ressenti l'urgence de faire avancer les choses rapidement. Concilier les exigences du processus, le désir de mettre en œuvre un projet utile et innovant, tout en gardant à l'esprit les contraintes réglementaires, a demandé de trouver un équilibre délicat entre les échéances, les attentes et la mobilisation des participants. Dans l’optique d’un projet ultérieur, les organisateurs pourront encourager l’esprit créatif des participants, tout en gérant leurs attentes, en augmentant la communication et en établissant des points de contact réguliers avec les parties prenantes, les membres du comité de travail et les résidents.

La responsabilité de tous

La gestion des risques d'inondation et la préparation aux situations d'urgence relèvent généralement de la province, tandis que les municipalités sont généralement responsables des projets d'aménagement du territoire dans leur juridiction, comme celui-ci. Ainsi, une municipalité située en aval d’un cours d'eau peut être exposée à un risque élevé d'inondation, tandis que les municipalités situées en amont ne seront pas conscientes de leur part de responsabilité sur les zones en aval.

Pour améliorer la résilience de ces Villes, ainsi que la cohérence des initiatives de préparation aux inondations, il faudrait que les différents niveaux de gouvernement fassent preuve d’un plus grand engagement et d’une meilleure cohésion. Les gouvernements au niveau fédéral, provincial et municipal ont tous un rôle à jouer dans ces initiatives. Elles doivent s’investir suffisamment tôt et de manière régulière dans le processus et apporter leur soutien grâce à des financements et des ressources. Ces ressources permettront aux municipalités et aux résidents de lancer le processus de consultation publique et de le rendre plus efficace en vue de la reconstruction après une inondation.

Effets durables

Lors du passage de la phase de conceptualisation à la phase de mise en œuvre, les parties prenantes concernées pourraient être amenées à se poser des questions fondamentales comme :

  • « Comment concrétiser cette idée? »
  • « Comment financer cette idée? »
  • « Comment continuer à maintenir les liens avec les résidents lors de la prochaine phase du projet? »

Comme nous l'avons mentionné précédemment, le Canada a enregistré une note moyenne de C pour sa préparation aux inondations et leur gestion . L'augmentation de la gravité et de la fréquence des inondations à travers le pays engendrera indéniablement des situations similaires dans les années à venir qui affecteront de plus en plus de villes, d'économies et de personnes.

À travers leur travail, les Amis des parcs continuent de mettre en évidence l’importance vitale des parcs dans les villes : en tant qu'outils d'atténuation des inondations et d'adaptation à celles-ci, en tant qu’infrastructures renforçant la résilience collective, et en tant que ressources directes pour la santé mentale et physique des résidents. Ce projet illustre toute la complexité d'établir un plan directeur après des inondations dans des zones à risque, ainsi que la nécessité d'avoir recours à un processus de mobilisation à la fois agile et mettant les résidents au centre des préoccupations.

Les Amis des parcs continuent de fournir ce genre de ressources au niveau national, tout en travaillant au niveau local pour concrétiser ces idées.

Lorsque nous avons demandé aux membres du comité de travail de décrire comment ils imaginaient les quartiers de Pointe-Gatineau et de Lac-Beauchamp dans 15 ans, ils ont le plus souvent répondu : « un quartier avec des liens forts ». Afin de créer le sentiment d’appartenance et de cohésion sociale auquel les résidents aspirent tant, nous devons avant tout répondre à la situation écologique et aux inondations qui menacent leur quartier. Ce projet a donc le potentiel de redonner vie à des quartiers qui ont subi des traumatismes importants, tout en les aidant à se reconstruire en créant des nouveaux lieux de vie plus forts, plus solidaires et plus résilients.

 

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Cette étude de cas bénéficie du soutien Intact Corporation financière