Militer pour la justice climatique dans les parcs : entretien avec des experts

Ressource | mars 2, 2022

Nous avons discuté avec des intervenantes et intervenants venant du monde universitaire, de groupes citoyens, ainsi que des professionnels des parcs. Nous avons parlé des grands défis auxquels font face celles et ceux qui militent pour la justice climatique, et de la façon dont ces défis touchent les parcs et espaces verts. Nous avons aussi parlé de la façon de tirer parti de l’action collective pour créer un système de parcs urbains porteur de plus d’équité.

Dans le Rapport sur les parcs urbains du Canada 2021 des Amis des parcs, nous nous sommes plongés dans des études de pointe sur le rôle que jouent les parcs en matière de résilience climatique et sur l’importance cruciale d’aborder ce travail du point de vue de la justice environnementale.

À partir de ces recherches, nous avons organisé en novembre dernier un webinaire intitulé « Militer pour la justice climatique : comment les considérations liées à la justice environnementale peuvent contribuer à favoriser la résilience aux changements climatiques et résoudre les inégalités dans les parcs. » Nous avons eu le plaisir d’accueillir parmi nous Larissa Crawford, fondatrice et directrice générale de Future Ancestors Services, Lorien Nesbitt professeure adjointe, Foresterie urbaine et justice environnementale à l’ Université de la Colombie-Britannique et Zamani Ra, fondatrice de l’organisation CEED Canada.

  1. De l'injustice climatique à la justice climatique

    Celles et ceux qui ressentent les plus lourdes conséquences des changements climatiques ne profitent pas des avantages découlant des activités d'atténuation du dérèglement climatique, comme l'accès aux parcs et aux arbres. Tandis que les quartiers plus aisés ont souvent un meilleur accès aux parcs, aux zones ombragées et aux logements pour se protéger des éléments, les personnes marginalisées et racialisées se retrouvent quant à elles confrontées aux effets des îlots de chaleur, des inondations et d'autres phénomènes météorologiques extrêmes.

    « Même si nous sommes tous dans le même bateau, nous ne ressentons pas tous ces effets de la même manière », explique Zamani Ra.

    Les groupes en quête d'équité sont touchés de manière disproportionnée par l’incidence des changements climatiques. Pour passer de l'injustice climatique à la justice climatique, il est fondamental d’adopter des solutions climatiques centrées sur la question de l’équité, en commençant par les groupes de population qui en ont le plus besoin.

  2. S'attaquer aux problèmes à grande et petite échelles

    Les changements climatiques sont souvent perçus comme une crise mondiale, ce qui donne l'impression qu'il s'agit d'un problème lointain. Cependant, c'est ignorer le fait que de nombreuses personnes en subissent actuellement les conséquences directes et bien réelles, que ce soit dans leur ville, dans leur quartier et au niveau individuel.

    Des tempêtes de verglas, des inondations et des incendies de forêt touchent déjà de nombreuses villes canadiennes. Nous devons faire passer le message que la crise climatique nous impacte déjà. Ses répercussions se font déjà sentir ici et maintenant, et ce, de manière très inégale dans différents quartiers de nos villes.

    Tandis que les effets de la crise climatique se font sentir au niveau des quartiers, les solutions peuvent venir elles aussi de ces mêmes quartiers. Le fait de prendre part à de petits projets hyperlocaux, comme un événement de plantation d'arbres, peut être une manière facile de commencer à s'engager dans l'action climatique.

  3. La justice procédurale doit faire partie des solutions

    Les personnes les plus touchées sont aussi les moins susceptibles d’avoir la capacité d’agir sur leur environnement qui pourtant a un effet direct – positif ou négatif – sur les changements climatiques. Nous devons faire changer les choses.

    L’une des approches innovantes qui a été avancée est d’avoir recours au leadership Mosaïque. Cette méthode permet à des groupes de population d’adopter un regard différent, des mesures différentes, des comportements et des méthodes de gestion différentes pour résoudre certaines problématiques, et ce, à la lumière des besoins et des valeurs des personnes qu’elles représentent. Cette approche peut contribuer à remédier à certaines injustices actuelles et passées en créant des relations basées sur la confiance et en instaurant un dialogue ainsi que des partenariats entre les municipalités et les groupes de population les plus touchés par les changements climatiques.

    « La justice climatique reflète ce à quoi les résidentes et résidents aspirent et prendra une tournure différente pour chaque personne... Quelles que soient ces aspirations, cette justice climatique doit être remise dans son contexte, notamment au vu de l'histoire coloniale et précoloniale, et tenir des événements actuels. » – Larissa Crawford

  4. Prendre des engagements plus directs dans les politiques et les mesures adoptées

    Le thème de l’équité n’est souvent que mentionné au passage dans les plans de résilience climatique et les stratégies concernant les parcs. Il est rare que ce genre de considérations soient formulées clairement dans les politiques et mesures municipales.

    Or, nous constatons que de nombreuses villes s'intéressent de plus en plus à la justice environnementale et climatique. Toutefois, il peut être difficile de comprendre comment agir au quotidien sur les questions de justice climatique ou environnementale, contrairement aux initiatives environnementales traditionnelles comme la réduction de la consommation ou le recyclage.

    Selon Lorien Nesbitt, comprendre à quoi ressemblent les inégalités dans une ville en recensant les zones prioritaires par ex. peut constituer une bonne première étape. Néanmoins, cela ne suffit pas à faire bouger les choses ni à donner la parole aux personnes directement concernées.

    Pour ce faire, nous devons établir des relations solides avec les différents groupes de population, comprendre leurs besoins et leurs priorités, et traduire cela dans des politiques menant à des changements réels.

  5. S’investir dans un domaine familier

    Nous avons terminé notre discussion en revenant sur la phrase utilisée par Zamani Ra dans sa conclusion : « S’investir dans un domaine familier ». Beaucoup de gens font face à divers obstacles, comme le manque de temps, d'argent ou de connaissances préalables, pour participer à certaines discussions et militer contre les changements climatiques ou en faveur de la justice environnementale. Le slogan « S’investir dans un domaine familier » s’adresse à celles et ceux qui souhaitent agir pour la justice climatique.

    Au lieu de faire le grand saut du jour au lendemain – qui peut paraître intimidant et difficile, et dissuader des personnes formidables de se joindre à ce mouvement – vous investir dans un domaine qui vous intéresse et dans lequel vous vous sentez à l'aise peut vous permettre d’embrasser ce mouvement plus facilement.

    Nous aurons à cœur de poursuivre ensemble cette discussion et d’œuvrer pour trouver des solutions afin de corriger ces inégalités dans le système des parcs.

    Dans notre Rapport sur les parcs urbains du Canada à venir, nous vous communiquerons d'autres informations, notamment sur de nouvelles méthodes de mobilisation citoyenne, sur les parcs en tant que lieux de bienveillance collective, et sur le rôle que joue la nature pour notre bien-être collectif. Ne le manquez pas!

     

    Légende photo de couverture : Leading The Way Together Nighttime, Hawlii Pichette 

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    Regarder le webinaire en entier (uniquement disponible en anglais)

     

Rendu possible grâce au généreux soutien de

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