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À vous de décider : Essai pilote de budget participatif pour les parcs à Kitchener

août 9, 2017
Natalie Brown

Vous êtes-vous déjà dit en passant par un parc que vous aimeriez qu’il y ait plus de bancs pour s’asseoir ou plus d’arbres d’ombrage?

Il se peut que vous hochiez la tête pour signifier votre accord ou encore, que vous pensiez à un parc en particulier qui pourrait être mieux aménagé. Mais il peut être frustrant de s’exprimer dans le cadre du processus d’établissement du budget de la ville qui détermine les aménagements prévus pour votre parc. Quelquefois, votre opinion semble ne pas compter dans les décisions de dépenses qui façonnent votre ville.

C’est pourquoi la Ville de Kitchener travaille de concert avec l’Université de Waterloo et les collectivités locales pour tenter une nouvelle expérience. Si vous habitez près du parc Sandhills ou du parc Elmsdale à Kitchener, vous pourrez cette année contribuer aux décisions relatives aux parcs au moyen d’un processus appelé budget participatif (BP).

Mais qu’est-ce que le budget participatif?

« Le budget participatif (BP) est une façon différente de gérer les fonds publics et de faire participer la population aux décisions de l’État. C’est un processus démocratique par lequel les membres d’une collectivité décident de la façon de dépenser une partie d’un budget public. » – The Participatory Budgeting Project

Le processus de base est relativement simple : les citoyens participent à un remue-méninges pour trouver des idées, puis ils les transforment en propositions de projet de concert avec les fonctionnaires municipaux ou d’autres experts. Enfin, tous les citoyens votent pour déterminer les projets qui seront financés. Selon The Participatory Budgeting Project, c’est de « l’argent réel qui donne un réel pouvoir  ».

Park People s’est entretenu récemment avec Ryan Hagey, directeur de la Planification financière de la Ville de Kitchener, et avec Sean Geobey, directeur des programmes scolaires au Waterloo Institute for Social Innovation and Resilience et professeur adjoint à l’Université de Waterloo, au sujet de l’essai pilote, des résultats qu’ils espèrent obtenir et des surprises qu’ils ont obtenues en cours de route.

D’où est venue cette idée?

Ryan Hagey : Elle est venue du conseil municipal de Kitchener. Au début de leur mandat, les conseillers ont trouvé plus de 100 idées différentes pour Kitchener et qu’ils ont classées. Sur 103 priorités, le BP s’est retrouvé au 16e rang. Le conseil a donc décidé d’en faire une priorité pour les fonctionnaires municipaux. Notre travail consistait à comprendre comment explorer ce concept.

Pourquoi avoir choisi les parcs pour l’essai pilote?

Ryan : Les parcs sont des espaces de quartier durables qui sont importants pour la population et auxquels se rattachent des droits acquis. Un examen de notre processus participatif aux décisions liées aux parcs était déjà prévu. Nous disposons d’un processus général pour obtenir de la rétroaction sur les aménagements de parcs. Nous recueillons des idées excellentes, puis le personnel des parcs dresse deux ou trois plans conceptuels qu’il soumet à la population pour obtenir d’autres commentaires avant de finaliser le projet. C’était notre processus habituel et on nous a fait remarquer que ce n’était peut-être pas le meilleur. Alors nous nous sommes dit : pourquoi ne pas essayer le BP dans ce contexte?

Sean : Dès le départ, nous étions plutôt ouverts quant aux aspects à examiner. Les parcs présentent sans contredit beaucoup d’avantages : il s’agit d’espaces physiques délimités et les améliorations des immobilisations sont tangibles et faciles à visualiser. D’autres activités qui pourraient paraître semblables, comme les festivals communautaires, sont plus abstraites parce qu’il s’agit d’événements ou de services. Je crois qu’en choisissant les parcs pour cet essai pilote, nous pouvons vraiment accroître la capacité des citoyens à prendre des décisions. Et puis plus tard, quand les parcs seront utilisés, les résultats de la participation citoyenne seront tangibles et la contribution de chacun semblera plus réelle.

Qu’espérez-vous atteindre?

Ryan : Nous espérons que les citoyens participeront davantage parce qu’ils auront un pouvoir décisionnel direct, au lieu d’un rôle consultatif auprès des planificateurs de parc. Au début, nous demanderons aux citoyens de trouver des idées pour leur parc, comme nous le faisons actuellement. Le vrai changement arrivera plus tard dans le processus, quand ils voteront directement pour leur choix.

Nous espérons obtenir un résultat qui déborde du cadre du projet de parc en question pour nous rapprocher d’un véritable engagement civique. L’étude de l’Université de Waterloo révèle que le BP peut entraîner un meilleur engagement civique en général, notamment en incitant plus de gens à voter aux élections. Notre but ultime est la mobilisation civique dans les quartiers.

Parlez-nous du partenariat entre l’Université de Waterloo et la Ville de Kitchener pour l’essai pilote du BP.

Ryan : Au départ, le rôle de l’équipe de l’Université de Waterloo consistait à effectuer une analyse et une recherche documentaire. Elle a examiné les situations dans lesquelles le BP était utilisé et les points forts. Sa recherche lui a appris qu’il y avait peu de documentation sur le BP dans différents secteurs, et particulièrement en Ontario.

L’équipe aide maintenant à définir les projets pilotes pour les parcs Sandhills et Elmsdale.  La Ville de Kitchener mettra en œuvre les projets, tandis que l’équipe de l’Université de Waterloo observera les activités et rédigera la documentation. Nous sommes heureux d’être témoins de la transmission des connaissances sur le processus d’établissement d’un BP de l’Université à la Ville.

Sean : Mon rôle est de diriger l’équipe de recherche [à l’Université de Waterloo]. Ce projet est vraiment intéressant pour un certain nombre de raisons, notamment pour ce partenariat très créatif et enrichissant avec la Ville de Kitchener. Elle met en œuvre l’essai pilote, et nous l’aidons dans la conception et l’évaluation pour déterminer les aspects positifs. Notre analyse de plus de 200 processus BP en Amérique du Nord a révélé qu’une grande partie de la conception est très semblable et nous croyons que nous pourrions utiliser un beaucoup plus grand nombre de modèles de conception et de processus.

Nous aidons la ville à concevoir deux processus de BP qui fonctionnent légèrement différemment l’un de l’autre pour déterminer ce qui marche et ne marche pas, et pourquoi. Nous espérons travailler sur le long terme pour essayer plus de variantes afin d’explorer en profondeur le processus et ses diverses applications.

Pourquoi est-il important pour les universitaires de participer directement à l’innovation des politiques?

Sean : Nous aurions pu participer à ce type d’expérience de beaucoup d’autres façons. Nous aurions pu remplir quelques salles d’étudiants du premier cycle et leur demander de voter pour la meilleure pizza.

Mais les contraintes réelles auxquelles font face un gouvernement municipal et les citoyens participant au processus vont nous renseigner bien davantage que ce que nous aurions pu apprendre dans un contexte clinique ou expérimental, à la fois sur le plan de la diversité des participants et sur ce qui est faisable concrètement pour une municipalité. Le désordre de la vraie vie nous en apprendra beaucoup plus sur le fonctionnement de ces processus.

Quelles surprises vous a réservées ce projet jusqu’à maintenant?

Sean : Deux choses m’ont particulièrement surpris: premièrement, que le projet a déjà retenu l’attention des médias alors que le processus n’est même pas encore en branle, et deuxièmement, le soutien et l’intérêt marqué de la Ville de Kitchener. Nous savons que toutes les villes qui ont fait l’essai du BP n’ont pas été aussi enthousiastes que la Ville de Kitchener. Cette dernière s’est révélée un partenaire créatif, engagé et ouvert d’esprit, avec lequel c’est un plaisir de travailler.

Ryan : J’ai été surpris d’apprendre que ce n’était pas un phénomène nord-américain. C’est un processus très répandu dans certains pays d’Amérique du Sud, mais en Amérique du Nord, et surtout en Ontario, c’est très marginal. J’ai travaillé à Guelph, où une version limitée du BP est utilisée dans des groupes de quartier. D’une certaine façon, c’est un peu dommage qu’il n’y ait pas un modèle unique à appliquer, mais par ailleurs, c’est emballant parce que nous pouvons concevoir le nôtre. Aucune restriction ne nous est imposée.

Quelle est la suite des événements?

Ryan : Nous concevons les processus pour les essais pilotes pendant l’été. Puis, nous commencerons à mobiliser les citoyens à l’automne et un vote aura lieu avant la fin de l’année. Les travaux commenceront en 2018.

Quel conseil donneriez-vous à d’autres villes ou collectivités qui veulent faire l’essai du BP?

Ryan : C’est nouveau pour nous et nous commençons donc modestement. Notre conseil serait d’observer une certaine modération au départ, de ne pas s’éparpiller et d’apprendre ce que l’on peut à mesure que l’on progresse. Nous ne supposons pas le résultat du processus. Nous cherchons à mettre en application ce que nous avons appris.

Nous croyons qu’ensemble, le personnel de la Ville de Kitchener et l’équipe de l’Université de Waterloo peuvent parvenir à un résultat bénéfique pour la collectivité, la ville et l’Université.

Attribution de photo: “Participatory Budgeting Voting” par Costa Constantinides est licencié sous Creative Commons BY 2.0