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Villes chaudes, parcs frais

juillet 9, 2021
Jake Tobin Garrett

Après trois ans sans climatisation, nous en avons finalement acheté une. Avant cela, nous passions notre temps devant le ventilateur ou allions nous immerger dans le parc qui longe la rivière Don à Toronto pour combattre la chaleur de l’été. C’est là, à l’ombre des grands arbres feuillus, que je trouvais un peu de répit.

C’est à cela que j’ai pensé quand les résidents de la Colombie-Britannique ont été touchés par une vague de chaleur extrême. Pour avoir grandi à Vancouver, je sais que peu de gens disposent de la climatisation. Ceci me pousse à réfléchir au rôle que jouent les parcs en période de canicule et à me demander qui a accès aux arbres et aux espaces verts qui ont une importance vitale.

Rivière Elbow, Calgary. Crédit photo : James Tworow (FlickrCC)

Nous savons tous que nos villes se réchauffent à cause des changements climatiques, et que les températures au Canada augmentent plus rapidement* que dans le reste du monde. En construisant des villes bétonnées, nous avons créé des « îlots de chaleur urbains » qui absorbent la chaleur du soleil et maintiennent la température à un niveau élevé jusque dans la nuit.

Cette chaleur extrême crée non seulement de l’inconfort, mais présente aussi un risque mortel pour les résidents. Durant la canicule qui vient de se produire en Colombie-Britannique, plus de 700 personnes sont décédées. En 2018, 66 personnes sont décédées lors de la vague de chaleur de Montréal. À cet égard, le taux de mortalité était deux fois plus élevé* chez les personnes vivant dans des quartiers considérés comme des îlots de chaleur urbains.

Et la situation va continuer à se dégrader. Comme nous l’avons souligné dans notre dernier Rapport sur les parcs urbains du Canada, et comme l’a indiqué Santé Canada, d’ici le milieu du XXIe siècle, le nombre de jours où la température dépassera les 30 degrés doublera dans les villes canadiennes. Une étude de 2018* a révélé que, en fonction des mesures d’atténuation, le Canada pourrait connaître une augmentation de 45 % à 455 % des décès liés à la chaleur entre 2031 et 2080. S’il ne s’agit pas là d’une crise sanitaire nationale, alors je ne sais pas ce qui en constitue une.

Les espaces verts sont essentiels pour réduire l’effet des îlots de chaleur urbains. Nous sommes tous conscients du bonheur que suscite le fait de se trouver sous un arbre ombragé. Toutefois, la végétation contribue également à rafraîchir les villes par évapotranspiration. En effet, les feuilles des plantes libèrent des gouttelettes qui refroidissent l’air ambiant.

Pourtant, tous les parcs ne se ressemblent pas. Une étude de la Fondation David Suzuki* a révélé que la taille (les parcs plus grands ont davantage d’effets salutaires), la forme (les parcs de forme irrégulière accroissent les effets rafraîchissants) et la connectivité (les parcs à proximité d’autres parcs restent plus frais) agissent sur les capacités des parcs à atténuer la chaleur.

Même les espèces de plantes font la différence. Mauvaise nouvelle pour les amateurs de pelouse : les prairies naturalisées avec une végétation dense ont des effets plus rafraîchissants* que l’herbe. C’est pourquoi des projets comme celui de Vancouver encourageant les « prairies à tonte réduite »*, qui redonne aux pelouses des parcs leur caractère naturel afin de favoriser la biodiversité, jouent un rôle important en matière de résilience climatique.

 

Jardin en bordure de rue, Vancouver. Crédit photo : Jake Tobin Garrett

 

Les parcs sont également des endroits où les gens peuvent tisser des liens sociaux. En cas de crise, lorsque certaines personnes se retrouvent isolées ou exposées à des conditions extrêmes, comme une canicule, ces liens peuvent avoir une importance vitale, notamment pour les personnes âgées, qui peuvent faire appel à ces relations lorsqu’elles ont besoin d’aide. Comme l’a fait remarquer une étude*, les liens sociaux qu’offrent les parcs « peuvent être d’ordre vital [pour les personnes isolées] en cas de températures extrêmes »; ce qui souligne l’importance de corriger les inégalités dans l’accès à des espaces verts de qualité, un autre sujet abordé par les Amis des parcs dans leur Rapport sur les parcs urbains du Canada de 2021.

De multiples études ont montré que les quartiers plus riches, majoritairement blancs pour la plupart, sont aussi plus verts. Santé Canada indique à propos des chaleurs qui touchent certains quartiers que « leur effet est disproportionnellement grave pour les populations marginalisées et les résidents de quartier à faible revenu » qui disposent de moins d’espaces verts.

Même lorsqu’il y a des arbres, ceux-ci ont tendance à être plus sains dans les quartiers plus riches. Une étude canadienne a révélé que les quartiers présentant une forte vulnérabilité socioéconomique comptaient moins d’arbres et une couverture arborée moins résistante.

Comme l’a souligné la journaliste Jen St. Denis, il existe un lien entre les îlots de chaleur répertoriés à Vancouver et le revenu moyen des résidents vivant dans ces quartiers, les quartiers riches à l’ouest étant plus verts et donc plus frais que ceux situés à l’est.

Les Villes canadiennes commencent à prendre des mesures plus axées sur l’équité qui, associées à un financement et une mise en œuvre adaptés, pourraient commencer à corriger ces inégalités.

Le plan directeur adopté récemment par la Ville de Vancouver pour ses parcs comprend un outil pour répertorier les espaces verts en s’appuyant sur des indicateurs, comme la couverture forestière de la ville, afin d’établir des priorités en matière d’investissements dans les espaces verts. La région de Peel, en Ontario, a également recensé les îlots de chaleur; des données qui pourront être utilisées pour orienter les améliorations requises pour les populations vulnérables.

Pour relever ce défi, il faudra que tout le monde mette la main à la pâte. Ces mesures doivent impliquer les services des parcs, mais aussi les rues, les services d’urbanisme et les organisations locales. Le financement des infrastructures vertes et de la plantation d’arbres par le gouvernement fédéral doit contenir des directives en matière d’équité afin de garantir que les zones qui en ont le plus besoin bénéficient de ces améliorations.

En unissant nos forces, nous pouvons créer des villes plus équitables, plus vertes et avec des températures plus fraîches.

Image de couverture : Corktown Common, Toronto. Crédit photo : Jake Tobin Garrett

Cet article a été publié initialement le 7 juillet 2021 sur le site de TorontoStar.com*.

Nous tenons à remercier du fond du cœur la Fondation de la famille Weston de son soutien fondamental à la création et au lancement de ce rapport.

Fondation de la famille Weston

Les Amis des parcs remercient la Fondation RBC de son soutien pour le chapitre Nature du Rapport sur les parcs urbains du Canada.

Fondation RBC