À la rencontre des amis de parc de Montréal : Les AmiEs du Parc des Gorilles

Étude de cas | juillet 6, 2021

Quand les efforts soutenus d’un groupe de citoyens participent à la renaissance d’un espace vert.

Le Parc des Gorilles, en bref :

  • Arrondissement : Rosemont-la-Petite-Patrie.
  • Emplacement : 6535 Waverly St, Montreal, Quebec H2V 4M2, quadrilatère des rues Beaubien Ouest, Saint-Urbain, Saint-Zotique Ouest et l’avenue de l’Esplanade.
  • Format : L’aménagement du nouveau parc des Gorilles vient adhérer au développement du grand projet MIL Montréal. Il permettra d’offrir un lieu naturel aux résidents du secteur tout en reflétant l’histoire du secteur et l’ancienne emprise ferroviaire. L’objectif consiste aussi à l’intégrer dans le Réseau-Vert montréalais, afin d’offrir un milieu de vie vert et agréable pour les résidents.
  • Superficie : 7000 m2.
  • Équipements : Pas d’équipements existants, espace industriel délaissé qui sera converti en parc, début des travaux pour l’année 2022.
  • Faits historiques : Ancienne emprise ferroviaire sur l’ensemble du site.
  • Accessibilité : À 10 minutes de marche de la station de Castelnau ou Beaubien.

Mise en contexte

Virginie Gauvin, ingénieure mécanique, étudiante à la maîtrise en urbanisme et sixième et dernière membre du conseil d’administration à s’être jointe à l’organisme en 2019, nous résume d’entrée de jeu l’évolution du secteur où sera aménagé le nouveau parc des Gorilles.

 

 

Avant même d’être reconnu comme un parc, ce lieu était déjà porteur de sens, car il est imprégné d’une histoire forte. Appartenant anciennement au Canadien Pacific, on pouvait y retrouver une emprise ferroviaire qui longeait l’ensemble du site afin de connecter la Gare Jean Talon et le Port de Montréal. Après son retrait vers les années 1990, la nature a rapidement pris le dessus et s’est emparée du site. C’est à ce moment que les résidents de Marconi-Alexandra ont commencé à le côtoyer, notamment dû à un manque d’espaces verts dans le secteur. D’ailleurs, l’artiste Frances Foster, résidente du quartier ayant nommé le site, définissait le lieu comme étant sauvage et habité par ses occupants, des gorilles. Puis, après sa vente au développeur immobilier Olymbec en 2013, du jour au lendemain, la friche et le boisé qu’on retrouvait sur le site n'étaient plus.

« Ils ont rasé tous les arbres sur le terrain sans permis, et même s’ils avaient eu un permis ça se serait soulevé quand même. C’est à ce moment là que les citoyens se sont rassemblés, parce qu’on venait de détruire un des derniers espaces naturels du quartier et du secteur. » - Virginie Gauvin

Ce regroupement, composé de quelques citoyens, s’est mobilisé pour défendre leurs intérêts et empêcher la construction de condos prévue par le nouveau propriétaire. C’est à ce moment que le regroupement Les AmiEs du Parc des Gorilles a été créé par cinq membres fondateurs. Depuis, le groupe milite pour la revitalisation de l’espace. Plusieurs activités comme des marches exploratoires faisant référence au passé du secteur ou des ateliers de co-création pour l’aménagement du futur parc ont eu lieu. En 2016, après 4 ans de mobilisation informelle, le regroupement s’incorpore en tant qu’organisme à but non lucratif (OBNL) et produit son premier rapport annuel officiel en 2017.

« Je pense que tout l’imaginaire qui a été créé autour du parc, qui était quand même nécessaire d’un point de vue de mobilisation citoyenne, a été un point fort de nos démarches. » - Virginie Gauvin

Aujourd’hui, grâce à la pression populaire, le site a été racheté par la Ville de Montréal qui compte le transformer en parc pour l’année 2022. La Ville compte établir une entente de co-gestion avec les AmiEs du parc des Gorilles. Après de nombreuses consultations publiques et un atelier de co-création pour l’aménagement du futur parc, la séance d’information virtuelle du 31 mars 2021 présentait le concept d'aménagement final. L’OBNL se retrouve désormais impliqué dans une nouvelle dynamique de gestion, soit une entente de cogestion avec la Ville de Montréal (ex.: certaines tâches d’entretien et l’animation communautaire).

Vision et aspirations

 

« On essaye de donner une voix à tout le monde. » - Virginie Gauvin

Virginie nous évoque que la structure décisionnelle a toujours été très organique, mais que le conseil d’administration (CA) se charge des suivis prioritaires. En janvier 2020, l’OBNL se dote de Statuts et règlements pour encadrer la gestion de leurs activités. Les rencontres entre les membres du CA se font une fois par mois et toutes les décisions sont prises par ceux-ci. La mission globale de l’OBNL consiste à « contribuer au verdissement du domaine public dans le secteur Marconi-Alexandra par la restauration d’un espace vert et l’aménagement d’un espace public avec, par et pour la communauté ». Toutefois, dans la vie de tous les jours, Virginie rapporte que le groupe mène plusieurs dossiers de front.

« D’abord, vu que ça a été racheté par la Ville de Montréal et qu’il y aura un parc construit en 2022, ce qui occupe beaucoup de notre temps c'est toute la coordination de la future entente avec la ville. On est comme les porte-parole des citoyens! » - Virginie Gauvin

D’ailleurs, on retrouve plusieurs fonctionnaires durant ces comités de suivi selon l’ingénieure, entre autres: « Le chargé de projet de la ville de Montréal assisté d’urbanistes, des gens qui travaillent en aménagement paysager, il y a beaucoup de monde. Ensuite le chargé de projet à l’arrondissement, notre contact direct. Après ça change à chaque fois, il y a tout le temps l’architecte paysager. Et il y a des membres du CA. Au départ il y avait juste un membre qui assistait en vrai, mais depuis que c’est en ligne on y va tous ».

 

 

De plus, vu le passé unique du site, l’OBNL s’intéresse aussi à la préservation de ce patrimoine industriel et veut s’assurer qu’il soit rappelé dans les aménagements permanents.

« On est vraiment à un point tournant parce que l’organisation change complètement ses objectifs. Jusqu'à maintenant c'était des objectifs de mobilisation, de l’activisme pour faire passer un message. Et là on va rentrer dans une phase de gestion de l’espace, et nous même on doit se redéfinir là dedans. » - Virginie Gauvin

Besoins et défis

 
Par rapport au parc :

Un des plus grands enjeux dans le parc est toute la question liée à la sécurité. L’espace est en transformation constante, en attente d’un aménagement permanent, ce qui complexifie le processus de sécurisation. « L’espace est sécurisé de blocs de béton, mais récemment ils les ont tassé, il y a des gens qui se stationnent, il y a le déneigement… On avait pensé à utiliser les buttes de neige pour faire un espace de glisse, mais il y a quand même des enjeux de sécurité », évoque Virginie Gauvin. Donc, les activités sur le site sont assez limitées.

 

 

De plus, l’entretien du lieu reste un grand défi, surtout lorsque l’espace est utilisé pour des événements. Comme ce dernier n’est pas officiellement un parc, l’arrondissement semble être limité dans sa capacité d’implication au niveau de l’entretien.

« Par exemple, cet été on voulait utiliser l’espace mais on ne pouvait pas avoir de poubelles, on ne pouvait pas avoir de toilettes, on n’avait pas accès à de l’eau, c’est pas nécessairement quelque chose que les organismes pouvaient nous donner mais c'est sûr qu’on se trouve vite limité si l’arrondissement dit “non on ne peut pas ajouter un point de collectes de déchets.” On ne va pas aller ramasser les poubelles nous même ... » - Virginie Gauvin

Pour ce qui est du futur parc prévu pour 2022, le groupe prône davantage l’idée d’avoir un milieu relativement sauvage, une mini forêt urbaine qui inclurait des plantations ainsi que des traverses piétonnes. L’intérêt pour la vocation naturelle se témoigne aussi par un désir de ramener la biodiversité dans le secteur, par le verdissement extensif et la déminéralisation. Donc, selon l’étudiante en urbanisme, il faudra miser sur l’éducation et la sensibilisation environnementale afin que les usagers du parc adoptent des comportements exemplaires pour préserver l'équilibre fragile de cet écosystème.

La question des potentiels conflits d’usages (ex.: piétons et cyclistes) constitue aussi une préoccupation importante pour le groupe. Elle évoque que l’OBNL ne veut pas que le parc des Gorilles deviennent une extension de la piste cyclable des Carrières, qui pourrait compromettre un usage sécuritaire pour les piétons.

 

Pour le groupe :

Parallèlement, l’OBNL est confronté à plusieurs enjeux internes, notamment au plan des communications et des ressources humaines. Avec l’appel à projets qu’ils ont organisé l’été dernier afin d’offrir une programmation estivale sur le site, les membres ont rapidement compris qu’il y avait plusieurs défis à surmonter. «C’est beaucoup de coordination (courriels, gestion d’un horaire de planification, communication assidue), et ça demande du temps et de la réactivité et c’est ça qui est un peu plus difficile quand c’est un travail bénévole», nous évoque Virginie Gauvin.

L’entente de co-gestion à signer avec la Ville de Montréal soulève des inquiétudes chez Virginie quant à l’investissement en temps et en énergie pour des bénévoles qui ont aussi d’autres obligations. La délégation de certaines tâches administratives aux bénévoles est compliquée puisque le parc est en processus de formalisation: «Quand il y avait les projets plus concrets d’aménagement cet été, c’était plus facile». L’OBNL, qui vit présentement une redéfinition de ses objectifs, se retrouve dans une position complexe, car ces membres doivent créer des nouveaux comités et déléguer certaines responsabilités.

L’OBNL est également confronté à des opportunités de financement provenant d’entreprises privées et doit instaurer une procédure de sélection afin d’éviter une visibilité de commanditaires trop flagrante sur le site qui dénaturerait le paysage. « On s’est posé la question justement comment on accepte ce type de financement privé (commandite)? Est-ce qu’on l’accepte à certaines conditions? Par exemple, pas d’affichage. C’est quelque chose qu'on ne sait pas encore comment gérer », évoque Virginie Gauvin.

 

 

Bien que le parc des Gorilles ait été le sujet de plusieurs études universitaires, l’expertise des membres de l'OBNL n'a été que peu sollicitée auprès des étudiants et chercheurs déplore l’étudiante en urbanisme. Elle croit que ce type de collaboration mériterait d’être mieux développé, afin de répondre à certains besoins spécifiques du groupe.

« Tout le monde en parle mais personne ne nous parle. » Virginie Gauvin

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