Alors que Dave Harvey prend sa retraite de son poste de co-dirigeant chez Ami·es des parcs, il revient sur le chemin parcouru depuis la fondation de l'organisation en 2011.
Pourquoi les événements dans les parcs sont-ils importants ? Comment les subventions s'intègrent-elles dans les objectifs plus larges des Ami·es des parcs pour susciter des changements dans les parcs urbains ?
Quelques conseils utiles pour vous y aider a créer un environnement accueillant, sûr et respectueux pour tou·tes les participant·es, quelle que soit leur capacité physique ou mentale, leur origine, leur âge ou leur identité de genre.
L’hiver peut être éprouvant : il fait sombre, froid, et la neige s'accumule. Explorez des moyens concrets pour redécouvrir la joie de l'hiver.
Visionnez le webinaire de lancement du rapport avec les auteures pour en savoir plus sur les résultats de notre recherche.
L'expérience de la Ville de Charlottetown avec l'ouragan Fiona souligne l'importance des partenariats interservices et des infrastructures résilientes.
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Élaboré par le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ), ce rapport propose une typologie et dresse un portrait des initiatives d’appropriation citoyenne se déroulant dans les parcs montréalais.
En s’appuyant sur les 239 initiatives identifiées par l’équipe du CÉRSÉ entre 2020 et 2021, ce rapport donne un aperçu de la diversité des initiatives qui ont cours dans les parcs de Montréal. Il examine les différentes formes d’activités, les impacts tangibles et intangibles, leur temporalité, l’origines des ressources humaines, matérielles et financières déployées, les types de gouvernance et les motivations qui animent ces initiatives.
Ce travail de recherche a été rédigé par David Smith et Faten Kikano, chercheurs et conseillers en transfert au CÉRSÉ (Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté). Il s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « Initiatives d’appropriation citoyenne des parcs urbains à Montréal : modèles, enjeux, stratégies et résultats sociaux », réalisé en partenariat avec Ami·es des parcs et le Centre d’écologie urbaine.
Ce rapport de recherche, réalisé par le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ), vise à approfondir notre compréhension des initiatives d’appropriation citoyenne dans plusieurs disciplines et à documenter des études de cas pertinentes.
Pour ce faire, le rapport explore plusieurs théories relatives à l’appropriation de l’espace en psychologie environnementale, en sociologie urbaine et en aménagement. Il propose ensuite un aperçu des facteurs et des enjeux liés aux pratiques d’appropriation citoyenne, en s’appuyant sur des cas documentés dans différentes municipalités québécoises, incluant plusieurs parcs situés à Montréal. Cette synthèse est conçue comme une référence utile pour les chercheurs et les membres d’organismes partenaires engagés dans l’étude et la mise en œuvre de démarches inclusives d’appropriation citoyenne des parcs.
Les groupes citoyens qui s’impliquent dans les parcs urbains manquent souvent de balises pour définir le partage des rôles et responsabilités avec leur administration municipale. Cela complique beaucoup leurs relations et limite les synergies. Qui sont les partenaires clés à réunir pour se coordonner ? Quelle est l’étendue des champs d’actions de chacun ? Lisez comment un processus d’accompagnement du Réseau des ami·es des parcs de Montréal a permis de clarifier les rôles et responsabilités autour du projet de Corridor écologique Darlington !
Les citadins et citadines ont une appréciation grandissante des parcs et désirent s’impliquer de plus en plus, c’est ce que révèle le rapport sur les parcs urbains du Canada de 2022. Notamment, les gens perçoivent que les parcs ont des effets positifs sur leur santé mentale, physique et sociale. Cette affection pour les parcs s’est traduite par leur fréquentation accrue au cours des dernières années. Mais, malgré l’envie de s’impliquer, la plupart ne pensent pas avoir d’influence sur les décisions liées à leurs parcs ; moins du quart de la population a le sentiment d’avoir voix au chapitre ou la capacité d’influencer les décisions liées à leurs parcs. Plus préoccupant encore, parmi les groupes citoyens mobilisés pour les parcs, moins de la moitié disent entretenir des liens solides avec leur municipalité. Or, ceux-ci disent vouloir approfondir les relations, ce qui montre leur intérêt pour une plus forte collaboration.
C’est dans ce contexte que le Réseau des ami·es des parcs de Montréal a souhaité soutenir un groupe impliqué dans les parcs de la métropole du Québec pour favoriser l’émergence de mécanismes de cogestion de ces espaces publics avec l’administration municipale. Ami·es des parcs et le Centre d’écologie urbaine (CEU) ont donc élaboré une démarche d’accompagnement pouvant mener à la formulation d’une entente de cogestion entre l’organisme Éco-pivot et l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce pour la coordination des actions dans le Corridor écologique Darlington, un projet qui visait à recréer des liens entre les espaces naturels, mais aussi entre les gens et entre les humains et la nature.
Éco-pivot, fondé en 2021, est un organisme à but non lucratif (OBNL) qui s’appuie sur une approche socioécologique pour la création de connectivités urbaines pour répondre aux enjeux de fragmentation d’habitats et qui offre des services pour faciliter l’intégration des enjeux de biodiversité. Éco-pivot promeut par exemple la création de corridors écologiques utiles autant pour la biodiversité que pour les communautés locales (services écosystémiques et agriculture urbaine).
Un corridor écologique est un lien pour la biodiversité locale, constitué d’arbres, unissant des espaces verts existants dans la trame urbaine par une approche interdisciplinaire et visant l’atteinte d’une grande diversité d’objectifs propres à chaque milieu. Ces objectifs sont souvent associés aux défis que rencontreront les villes face aux changements climatiques.1
Éco-pivot est fiduciaire du projet du Corridor écologique Darlington, mais ce projet a pris forme en 2012 grâce au rêve et à l’implication d’Alexandre Beaudoin, conseiller en biodiversité à l’Université de Montréal et de l’architecte du paysage Marie Le Mélédo qui conçoivent un projet de corridor écologique vivrier entre des lieux d’importances :
Le but est de faciliter le déplacement de la faune, de la flore, mais aussi l’amélioration du cadre de vie des résidents et résidentes du quartier de Côte-des-Neiges, car le projet a aussi pour cible l’éducation à l’environnement, la gestion des eaux pluviales, la diminution des îlots de chaleur et bien d’autres choses encore.2 Dès ses débuts, c’est la collaboration de l’Université de Montréal et de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce qui permet la réalisation du projet.3
L’axe nord-sud du Corridor écologique Darlington, tel que rêvé, et ses principaux sites d’intervention :
Principaux sites d’intervention du Corridor écologique Darlington :
Le Corridor écologique Darlington se situe dans l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. C’est l’arrondissement de Montréal le plus populeux, avec près de 170 000 personnes qui y résident. C’est un arrondissement où 77 % de la population est issue de l’immigration et où plus de 24 % des personnes vivent en situation de pauvreté. La zone desservie par le Corridor est comprise entre le district Côte-des-Neiges et le district Darlington.4 Ces districts sont fort contrastés d’un point de vue socioéconomique ; notamment, le district Darlington compte une population plus défavorisée et moins scolarisée.5
La participation dans la ville n’est pas comprise par tous de la même manière, car plusieurs niveaux de participation et d’influence peuvent s’exercer. L’échelle de la participation décrit cinq paliers d’implication croissante qui commence par le partage d’information et se termine par la codécision (voir illustration6). C’est à ce dernier stade que se greffe le principe de cogestion.
La cogestion émane d’abord du monde entrepreneurial dans l’Allemagne d’après la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion des syndicats.7 Elle consiste en la « gestion en commun d’un organisme, d’une institution, etc., par les différents membres qui les composent ou par leurs représentants, notamment par le patronat et les travailleurs dans une entreprise ».8
Au Québec, comme ailleurs, les modes de gouvernance des parcs peuvent suivre plusieurs modèles. On y trouve le plus souvent un modèle qui implique uniquement les institutions publiques, lorsque les municipalités sont seules gestionnaires des lieux, par exemple. À l’inverse, on voit parfois un modèle pour lequel une ville conclut un accord afin qu’une organisation gère un espace public de manière assez indépendante. Mais on voit de plus en plus apparaître des modèles hybrides qui impliquent des partenariats formels, par exemple entre une ville et un OBNL, pour gérer ensemble des lieux publics, comme c’est le cas avec les Amis du champ des possibles ou avec les Amis de la montagne. Dans ce contexte, des ententes de gestion sont formulées pour préciser les rôles et responsabilités des différents partenaires.
Afin de favoriser l’établissement d’une entente de cogestion entre Éco-pivot et l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, un accompagnement a été proposé par le Réseau des ami·es des parcs de Montréal entre juillet et novembre 2022.
Les objectifs généraux de l’accompagnement étaient :
L’implication du Réseau des ami·es des parcs de Montréal a surtout consisté à organiser et à animer 3 ateliers collaboratifs au cours de l’automne 2022 pour inciter les parties prenantes à s’engager plus loin dans la collaboration. Éco-pivot s’est occupé des relations avec d’autres partenaires et de certains aspects logistiques associés aux rencontres. L’Arrondissement a coordonné la participation de son personnel, a fourni la salle de réunion pour tenir les ateliers et a imprimé des cartes en grand format.
Atelier 1 : Mieux connaître le corridor écologique Darlington ; enjeux avec les parties prenantes
Objectifs :
Atelier 2 : Rêver le corridor écologique Darlington ; identification d’orientations communes (Marche exploratoire de 5 arrêts et atelier en salle)
Atelier 3 : Un corridor écologique Darlington pour tous et toutes ; définition du type de gouvernance partagé
Alexandre Beaudoin, conseiller en biodiversité, Université de Montréal et initiateur du projet de corridor écologique, a partagé quant à lui la vision de son équipe pour la suite de la collaboration. Il croit qu’une table de coordination entre les parties prenantes serait la voie pour garder le dialogue et avancer de concert vers la mise en œuvre d’un Corridor écologique Darlington, tant pour son aménagement que pour son animation.
Le premier atelier a permis de brosser le portrait du Corridor écologique Darlington en révélant ses enjeux particuliers et d’extraire les thèmes principaux sur lesquels travailler lors de l’atelier suivant. par exemple, les participantes et les participants ont constaté le manque de clarté des rôles des parties prenantes et la déficience de leur coordination; la méconnaissance du Corridor écologique Darlington par la population du quartier et son manque de mobilisation ainsi que le déficit d’aménagements inclusifs et le manque d’employés ou de bénévoles pour le suivi des plantations.
Le second atelier a permis de préciser le portrait du Corridor écologique Darlington, mais surtout de déterminer des orientations pour guider les parties prenantes dans une possible gestion partagée des lieux. Ainsi, on souhaite spécifier les rôles de chacun afin de coordonner les ressources pour mieux répondre aux besoins sur le terrain. On veut également renforcer la communication entre les partenaires, ainsi qu’avec les résidents et résidentes, par exemple en partageant l’information sur les projets en développement dans une infolettre, en prévoyant un plan de mobilisation et en tenant des rencontres annuelles.
Thème 1: la concertation des parties prenantes
Thème 2: la cocréation et de la gestion participative du Corridor écologique Darlington
Lors du troisième atelier, l’exercice visant à définir des rôles possibles des parties prenantes impliquées dans le Corridor écologique Darlington a été fructueux. Il a révélé des complémentarités qui laissent voir une meilleure répartition des champs d’action et des responsabilités.
Si l’on attend de la part des organisations partenaires qu’elles consultent, mobilisent et animent l’espace du Corridor écologique Darlington, on s’attend à ce que la municipalité soutienne les organismes et qu’elle définisse un cadre réglementaire qui permette des zones de liberté pour les actions du milieu communautaire (tableau 1). Une interface inattendue a aussi été créée par les participants où l’on trouve des rôles communs et des responsabilités partagées, ce qui démontre une forte volonté de collaboration entre la Ville et ses partenaires. Quant aux citoyens et citoyennes, on souhaite leur implication grandissante ; on voudrait les voir exprimer leurs besoins et leurs rêves et qu’ils et elles participent à donner vie au Corridor écologique Darlington.
Tableau 1 : Pistes de cogestion du Corridor écologique Darlington (concertation, aménagement et animation)
Le dernier élément du processus d’accompagnement a été de faire émerger des éléments pouvant former une base d’entente de gouvernance partagée entre Éco-pivot et l’Arrondissement. C’est une étape très encourageante, mais les détails n’ont été partagés qu’entre les partenaires pour l’instant.
Le processus d’accompagnement nous apparaît comme un succès et les suites sont très prometteuses. L’ensemble des partenaires participants semble très satisfait du processus et enthousiaste à poursuivre des démarches de coopération pouvant mener à la formation d’une entente de cogestion. Voici quelques éléments que nous retenons de cette expérience.
Bons coups
Défis
Recommandations
Dans le cadre du Réseau des ami·es des parcs de Montréal, Ami·es des parcs et le Centre d’écologie urbaine ont organisé une série d’ateliers collaboratifs pour favoriser le rapprochement des parties prenantes du Corridor écologique Darlington et pour formuler ensemble l’ébauche d’une entente de cogestion pour l’aménagement et l’animation de certains espaces publics.
Au-delà des ateliers, une série de réunions a eu lieu pour organiser et coordonner toutes les étapes du processus et décider des suivis à réaliser par chaque partie prenante. Ces rencontres ont aidé à formuler une stratégie, à planifier les actions, mais surtout à renforcer les liens de confiance entre le Réseau des ami·es des parcs de Montréal, Éco-pivot et les personnes représentant l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Grâce aux liens approfondis et aux habitudes de collaboration amplifiées au fil de cette démarche d’accompagnement, nous pressentons que la poursuite des efforts pourrait mener à l’établissement d’une entente de cogestion.
De manière générale, ce projet pilote fut un succès aux yeux des organisations participantes autant que pour le Réseau des ami·es des parcs de Montréal. Cette réussite nous encourage à améliorer la démarche d’accompagnement et à la proposer dans d’autres quartiers pour favoriser le rapprochement entre les organisations amies de parcs et les instances municipales. Ainsi, si les conditions s’y prêtaient à l’avenir, une telle démarche pourrait susciter la multiplication de la cogestion dans les parcs montréalais pour mieux servir les intérêts de la communauté tout en révélant le pouvoir des parcs.
1. Beaudoin, A., Bissonnette, J. F., Messier, C., Dupras, J. (soumis) Les corridors écologiques urbains : défis de gouvernance pour passer de la théorie à la pratique. Vertigo.
2. Sampson, X. (2022, 31 mai). Le corridor écologique Darlington, un rêve qui devient réalité. Société Radio‑Canada.
3. Corridor écologique Darlington. (s.d.).
4. Ville de Montréal (2017). Profil de district électoral : Darlington, Arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grace et Profil de district électoral : Côte-des-Neiges, Arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.
5. Ville de Montréal (2018). Atlas sociodémographique : Recensement 2016, Arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.
6. Santé Canada. (2000). Cité dans Centre d’écologie urbaine. (2015). L’urbanisme participatif : Aménager la ville avec et pour ses citoyens.
7. Sandoz, G. (1980). Principes et pratiques de la cogestion. Dans Autogestions, NS N° 2-3. Mouvements alternatifs et cogestions en Allemagne fédérale.
8. Université de Sherbrooke. (2022). Cogestion. Dans Usito : le dictionnaire.
Ce travail de recherche a été rédigé par le Réseau des ami·es des parcs de Montréal en collaboration avec le Corridor écologique Darlington et Éco-pivot.
Le Réseau des Ami·es des parcs de Montréal
Cette étude de cas fait partie du Rapport 2024 sur les parcs urbains du Canada, mettant en lumière des projets, des personnes et des politiques inspirant·es à travers le Canada, qui offrent des solutions concrètes aux défis les plus urgents auxquels font face les parcs urbains.
Au fil des dernières années, nous avons collectivement pris conscience de la prévalence du racisme systémique dans les parcs et les espaces publics. Historiquement, ces espaces ont été des lieux où les personnes Noires, Autochtones et racisées ont été confrontées à la suspicion, à la surveillance, au harcèlement, à la violence, voire même à la mort.
Année après année, notre sondage a révélé qu’environ un· citadin·e sur 10 évite les parcs et espaces verts par crainte de discrimination ou de surveillance policière.
Cette année, lorsqu’on a demandé si les parcs urbains devraient faire davantage pour traiter l’équité et la justice raciale, plus des deux tiers (67 %) ont répondu par l’affirmative. De même, en 2023, 66 % des Villes ont reconnu le rôle des parcs dans la lutte contre le racisme.
En dépit d’une prise de conscience croissante, les mesures prises demeurent limitées. À peine 17 % des Villes s’estiment suffisamment outillées pour combattre le racisme, laissant les besoins des populations racisées de côté.
Comment les municipalités peuvent-elles passer de la prise de conscience à l’action ? Nous avons discuté avec Jay Pitter* à propos d’ “ÊTRE UNE PERSONNE NOIRE DANS L’ESPACE PUBLIC”, un sondage binational développé par Jay Pitter Placemaking (Chercheuse principale : Jay Pitter, co-chercheur : Professeur L. Anders Sandberg) et administré par l’Institute for Social Research. Le sondage posait la question suivante : « Quelles sont les politiques d’aménagement des espaces publics, les approches de conception et les attitudes sociales tacites qui diminuent ou améliorent l’expérience des personnes Noires dans les villes »?
Cette recherche met en lumière les zones d’ombre autour de l’expérience des personnes Noires dans les parcs et espaces publics au Canada et aux États-Unis. Jay Pitter a relevé un manque de données, en particulier au Canada, sur la perception et l’expérience des communautés Noires dans ces espaces. Beaucoup d’organisations mesurent l’inclusion de manière limitée, en mettant l’accent sur la sécurité ou l’absence de violence à l’égard des personnes Noires, mais Jay Pitter souligne que ce n’est pas suffisant : atténuer la violence ne doit être qu’un point de départ.
Ses recherches explorent également comment les traumatismes historiques et actuels liés au racisme, à la brutalité policière et à la violence dans les espaces publics, ainsi que les inégalités en matière de mobilité et le manque de voies vers la prospérité économique, affectent le bien-être des personnes Noires, leur sentiment d’appartenance sociale et leur droit à l’appropriation des lieux publics.
« Au cœur de ce sondage se trouve la volonté de combler un vide laissé par les autres statistiques, en plaçant les personnes Noires au centre, en tant qu’êtres humains et spirituels à part entière. Les études et témoignages précédents omettent souvent de mentionner les répercussions des incidents liés à l’insécurité et aux restrictions. Que signifient ces chiffres ? Qu’en est-il de la santé mentale des personnes Noires, leur identité, leur sentiment d’appartenance, ainsi que leur imagination et leurs aspirations ? Un de mes principaux objectifs était de réhumaniser les individus et communautés Noires en leur offrant un espace pour une introspection, une guérison intérieure et l’expression libre de leurs rêves. »
Jay Pitter, Experte en aménagement, professeure adjointe en urbanisme et auteure
Le sondage ÊTRE UNE PERSONNE NOIRE DANS L’ESPACE PUBLIC adopte une approche axée sur les ressources tout en prenant en compte les traumatismes, afin de valoriser la joie et le savoir des personnes Noires. Les participant·es ont été invité·es à partager des souvenirs et expériences positives dans les espaces publics. Jay Pitter insiste sur l’importance d’apprendre des succès, et pas seulement des tragédies.
Jay Pitter met également en avant la contribution des communautés Noires aux espaces publics.
« Je ne voulais pas réduire notre présence dans l’espace public à une simple expérience de victimisation. Malgré l’esclavage, des siècles de politiques excluant les personnes noires des espaces publics et des expériences disproportionnées de violence et d’itinérance, le travail, le savoir-faire en création d’espaces publics et la culture des communautés noires ont grandement contribué à façonner et revitaliser ces espaces. Nous y apportons de la vie. »
En mettant l’accent sur la joie et en reconnaissant les contributions des personnes Noires dans la création d’espaces, cette approche illustre comment les villes peuvent collaborer avec les groupes méritant l’équité sans les contraindre à revisiter des récits d’oppression. Jay Pitter a mentionné que plusieurs personnes se sont dites reconnaissantes d’avoir pu partager leurs expériences positives.
Les conclusions de ce sondage seront partagées dans un rapport axé sur l’action en février 2025, offrant aux villes et institutions des pistes pour encourager une véritable inclusion des communautés Noires dans les parcs et autres espaces publics. Jay Pitter a révélé certaines conclusions préliminaires : les parcs figurent parmi les espaces publics les plus fréquentés par les communautés Noires et sont généralement perçus comme des lieux sécuritaires. Toutefois, les parcs peinent à promouvoir l’identité culturelle noire, un profond sentiment d’appartenance et des programmes inclusifs.
Selon Jay Pitter, il existe des opportunités considérables pour progresser, notamment à travers la co-création d’espaces, une représentation accrue des personnes Noires dans la gestion des parcs, le partage du pouvoir, ainsi que des événements qui valorisent les communautés Noires. Pour en savoir plus sur la manière dont votre ville peut favoriser l’inclusion des communautés Noires dans les espaces publics, consultez le site internet jaypitter.com* pour accéder au rapport complet à partir de février 2025.
Dans la région métropolitaine de Vancouver, une entente inédite entre les parcs régionaux du Grand Vancouver et la Première Nation Tsleil-Waututh redéfinit la gestion des parcs. Ce partenariat novateur met en lumière une nouvelle approche, alliant préservation de l’environnement et reconnaissance de l’héritage culturel, passé et présent, des Premières Nations.
S’étendant sur de 2 560 acres, le parc régional təmtəmíxʷtən/Belcarra* est deux fois et demie plus grand que le parc Stanley de Vancouver et accueille 1,2 million de visiteur·euses par an. Autrefois, ce parc abritait le plus grand village ancestral de la nation Tsleil-Waututh.
Gabriel George, membre de la Première Nation Tsleil-Waututh et directeur national du développement des terres et ressources issues des traités, souligne la fracture historique causée par la transformation de ce territoire en parc : « Cela nous a coupé·e·s de notre terre. Ce partenariat est un moyen essentiel pour nous de réaffirmer nos droits. »
Mike Redpath, directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver, a précisé que la collaboration avec la Première NationTsleil-Waututh a débuté en 2017, menant à l’élaboration d’un « Accord de coopération et de planification culturelle* » signé en 2020. L’accord établit des principes directeurs clairs pour la gestion conjointe du parc. Ce cadre inclut la préservation des ressources naturelles, la valorisation récréative du site, et une sensibilisation accrue du public à l’héritage de la Nation.
« L’accord reconnaît pleinement qu’il s’agit d’une terre publique. Cependant, il y a eu une utilisation traditionnelle du site, et l’accord vise à trouver un équilibre entre les deux », a déclaré Mike Redpath.
Une bonne gouvernance est la pierre angulaire d’un partenariat réussi. L’accord de coopération prévoit deux mécanismes de gouvernance : un comité de direction et un comité technique, composés à la fois de membres de la Nation et des parcs régionaux du Grand Vancouver.
Le comité technique établit les priorités des projets dans un plan de travail annuel, qui est ensuite approuvé par le comité de direction et soumis durant le processus budgétaire annuel. Chaque projet comprend un « accord d’engagement », qui définit les livrables et garantit que les deux partenaires comprennent bien leurs rôles et responsabilités.
L’accord comprend également des politiques de développement économique, notamment le recours à des entrepreneur·ses approuvé·es par la Première NationTsleil-Waututh pour encourager les entreprises locales à prospérer dans le parc.
« Nous avions une économie solide, mais elle nous a été largement confisquée », a souligné Gabriel George. « Nous avions des devises plus anciennes que le papier. Nous avions des systèmes d’échange. Nous avons perdu tout cela. » Il a rappelé que son peuple récoltait des palourdes depuis des millénaires, mais qu’il a ensuite été contraint de « se faufiler la nuit, après avoir été privé de ce droit ». Rechercher des occasions économiques aujourd’hui est donc, selon lui, « un droit inhérent ».
Bien que l’accord de coopération ait été signé il y a seulement quatre ans, plusieurs projets d’envergure ont déjà été réalisés depuis, et d’autres sont en cours.
L’un des premiers a été le renommage officiel du parc en 2021, désormais connu sous le nom de təmtəmíxʷtən/Belcarra Regional Park. C’était la première fois que les parcs régionaux du Grand Vancouver effectuaient une telle démarche en partenariat avec les communautés des Premières Nations.
Pour Gabriel George, il ne s’agit pas simplement de « renommer » le parc.
« C’est bien plus que cela. C’est reconnaître le véritable nom de cet endroit. C’est important parce que nous avons besoin d’être représenté·es. Nous devons être vu·es et entendu·es sur notre propre territoire. »
Gabriel George, Membre de la Première Nation Tsleil-Waututh et directeur national du développement des terres et ressources issues des traités
Mike Redpath a également souligné que cette initiative créait un précédent en matière de dénomination des parcs du Grand Vancouver, ouvrant la voie à son application dans d’autres lieux. En effet, un autre parc régional a récemment été renommé, abandonnant le nom de Colony Farm Regional Park pour devenir ƛ̓éxətəm (tla-hut-um) Regional Park*, un nom attribué par la Première Nation kʷikʷəƛ̓əm (Kwikwetlem), qui signifie « nous vous accueillons ».
Parmi les autres projets communs, un mât de bienvenue a été érigé sur l’ancien site du village traditionnel de la Nation. D’autres projets incluent des efforts de restauration environnementale, la mise en place de programmes éducatifs, ainsi qu’une étude sur le patrimoine culturel pour approfondir la compréhension de l’histoire du parc.
Malgré le temps nécessaire pour la mise en place de cet accord, Mike Redpath, directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver, souligne les bénéfices indéniables. Le personnel peut « décrocher le téléphone et parler à quelqu’un de la Nation qui leur est familier. Cela contribue à faire progresser les projets communs, et parfois même plus rapidement. »
La volonté d’essayer de faire les choses différemment est un facteur de réussite. « C’est un processus de changement », a déclaré Mike Redpath, ajoutant que c’est une manière différente de faire des affaires à bien des égards. Il a mis l’accent sur l’importance d’une communication initiale et soutenue pour bâtir la confiance nécessaire à une collaboration forte.
« L’accord n’est qu’un bout de papier, ce sont les relations humaines et la collaboration qui font la véritable différence. »
Mike Redpath, Directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver
Gabriel George appuie ces propos. « Il peut être si facile de ne pas changer les choses », a-t-il déclaré, mais il est important de sortir des zones de confort et de faire les choses différemment. « Vous ne pouvez pas tout résoudre, mais vous pouvez réfléchir à l’héritage que vous souhaitez laisser. »
« Je pense que, pour les Nations Autochtones, les parcs peuvent être des lieux importants à occuper et à reprendre en main », a-t-il déclaré, ajoutant qu’ils ont connu de grands succès dans certaines de leurs initiatives liées aux parcs « C’est notre maison. C’est comme l’extension de notre communauté. »
Ces cinq dernières années, les programmes axés sur l’alimentation dans les parcs, comme les forêts nourricières, les jardins collectifs et les plantes comestibles, ont gagné en ampleur et en popularité dans les villes canadiennes. Il est clair que les municipalités et leur population perçoivent tout le potentiel de l’agriculture urbaine et souhaitent le développer. Ces trois dernières années, 50 % des citadin·es ont déclaré à plusieurs reprises vouloir voir davantage d’agriculture urbaine et de jardins collectifs dans leurs parcs.
Si les villes prévoient d’investir dans des programmes d’agriculture urbaine dans les parcs, comment peuvent-elles s’assurer qu’ils sont utilisés et, surtout, que les fruits de leurs récoltes atteignent avant tout les personnes qui en ont besoin ?
Lancé en 2020, le programme Get Growing Victoria* de la Ville de Victoria adopte une approche de justice alimentaire en fournissant des outils et du matériel de jardinage aux quartiers dont les communautés sont particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire, notamment les personnes sans logement, les communautés autochtones et racialisées, ainsi que les personnes âgées et les jeunes.
Au lieu de se focaliser uniquement sur l’accès du grand public à des aliments frais, la justice alimentaire donne la priorité aux tranches de la population qui sont confrontées à des obstacles structurels et systémiques pour assurer leur sécurité alimentaire. En prenant en compte les obstacles au jardinage, le programme Get Growing parvient à fournir des aliments durables et sains à celles et ceux qui sont souvent exclu·es des programmes de jardins collectifs.
Le Service des parcs a vite constaté que le meilleur moyen d’atteindre ces groupes à risque était de collaborer avec des associations locales qui connaissent mieux leurs besoins. Cette collaboration a également permis à la municipalité d’apporter une aide efficace en intervenant là où se trouvent ces populations plutôt que d’attendre qu’elles s’identifient elles-mêmes et qu’elles suivent le processus d’inscription mis en place par la Ville.
Ce programme compte désormais 67 partenaires locaux parmi des organismes de santé publique, des prestataires de services en santé mentale, des organisations d’aide aux personnes immigrées et réfugiées, des prestataires de services sociaux ainsi que des organismes œuvrant pour l’accès à des logements abordables. Les organisations partenaires fournissent à leurs bénéficiaires et à leur famille du matériel de jardinage ainsi que des plants de légumes cultivés dans les serres de la Ville. Ils peuvent ainsi les utiliser dans leur propre jardin ou dans un jardin collectif près de chez eux. Get Growing offre à ses partenaires l’autonomie nécessaire dans leur programme pour distribuer le matériel de jardinage de la manière qui répond le mieux aux besoins de leurs publics.
Julia Ford, coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria, nous explique que ce programme ne pourrait fonctionner sans ces associations partenaires. « Ceci nous permet d’augmenter considérablement notre impact et d’aider des groupes à risque au sein de la population qui, autrement, n’auraient pas forcément d’interaction avec la municipalité. »
Appuyant le propos de Julia, notre sondage public de cette année a révélé que plus de 30 % des citadin·es ne savent pas vers qui se tourner s’ils rencontrent des problèmes ou souhaitent faire des commentaires sur leur parc. En collaborant avec des organisations locales qui entretiennent des relations étroites avec les résident·es des quartiers, la Ville de Victoria peut venir en aide à des personnes qui se sentent déconnectées des services municipaux.
Après quatre années d’existence, on estime la production de produits frais à 400 000 livres, soit près de 181 000 kg. Par ailleurs, une évaluation des personnes participant à ce programme a révélé que la grande majorité d’entre elles estimaient qu’il avait amélioré leur bien-être mental, leur consommation d’aliments sains et leur niveau global d’activité physique. Cette initiative démontre ce que l’on peut faire dans les parcs lorsque l’on adopte une perspective de santé publique.
« Je pense que ce programme illustre comment les Services des parcs peuvent exploiter les ressources existantes de manière innovante pour promouvoir activement la santé publique et améliorer la prévention. Selon moi, le secteur des parcs reconnaît l’importance de l’utilisation passive des parcs et de l’accès aux espaces verts pour la santé mentale et le bien-être. Mais comment pouvons-nous soutenir activement les membres de la population qui veulent paver la voie vers des utilisations plus innovantes de l’espace public ? Comment pouvons-nous aider les gens à explorer de nouvelles activités récréatives qui ont du sens et qui sont accessibles et équitables ? »
Julia Ford, Coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria
Alors que les changements climatiques font augmenter la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, les villes voient leurs parcs et infrastructures subir des dégâts plus importants. En 2024, 97 % des services des parcs municipaux ont déclaré que répondre aux effets des changements climatiques et des conditions météorologiques extrêmes était devenu un véritable défi. Tandis que les inondations, les sécheresses et les incendies présentent des risques importants, le vent a lui aussi engendré des dégâts considérables ces dernières années.
Les gestionnaires des parcs à qui nous avons parlé en 2023 ont mentionné des tempêtes de plus en plus intenses, caractérisées non seulement par une augmentation de la vitesse des vents, mais aussi des vents qui durent plus longtemps et causent beaucoup plus de dégâts. Bien que les municipalités aient commencé à réaménager leurs parcs et à modifier leurs palettes végétales pour leur permettre de mieux résister aux inondations ou de s’adapter à la sécheresse, il est difficile de se préparer à la survenue de vents violents.
Frank Quinn, responsable des parcs et des loisirs à la Ville de Charlottetown sur l’Île-du-Prince-Édouard, maîtrise bien la préparation aux tempêtes. Pourtant en septembre 2022, lorsque l’ouragan Fiona s’est abattu sur l’île, l’une des tempêtes les plus violentes à avoir frappé les côtes canadiennes, il a été confronté à un phénomène d’une envergure totalement inédite.
La tempête a été la plus coûteuse de l’Atlantique canadien*, causant 220 millions de dollars de dégâts rien que sur l’Île-du-Prince-Édouard. L’ouragan Fiona a duré plusieurs heures, endommageant sur son passage des infrastructures municipales et dévastant la canopée. Dans l’aire naturelle de Royalty Oaks, de nombreux arbres anciens ont été arrachés, certains âgés de 300 ans.
Frank Quinn a indiqué l’équipe des mesures d’urgence* de la Ville, composée de cadres supérieurs travaillant dans différents services, s’est réunie fréquemment avant et après la tempête. Charlottetown étant une petite municipalité, les membres des différents services ont l’habitude de travailler ensemble et de s’entraider. Ces liens se sont en effet avérés utiles après le passage de cet ouragan.
« Nous avions déjà de bonnes relations de travail, et tout le monde se connaissait. Nous disposions d’un large éventail d’expériences et d’expertise. » Les membres du personnel municipal ont ainsi pu mettre à profit leurs connaissances mutuelles à l’interne, mais aussi celles de prestataires externes pouvant leur apporter leur soutien.
Assurer la sécurité publique et les activités de nettoyage était en haut de la liste des priorités. Toutefois, Frank Quinn reconnaît qu’ « après quelques jours passés à l’intérieur, on a envie de sortir. » Durant les premiers jours, son équipe a donc évalué chaque aire de jeux et inspecté les réseaux de sentiers en affichant des avis sur ceux qui étaient fermés ou accessibles au public.
La communication était compliquée en raison des pannes de courant, ajoute-t-il. Des messages concernant l’avancement du déblaiement des sentiers et la réouverture des aires de jeux ont été publiés sur le site Web de la Ville et communiqués aux médias. Toutefois, c’est en collaborant avec des organisations communautaires, comme les associations religieuses, que la municipalité a pu le mieux relayer ses messages auprès du public.
La Ville intègre actuellement des solutions de secours dans ses systèmes et services. Par ailleurs, Frank Quinn indique que le carburant a été l’un des principaux problèmes rencontrés suite à la tempête. Bien que le personnel municipal ait rempli les réservoirs et les véhicules avant l’arrivée de la tempête, refaire le plein a été plus difficile, car le principal dépôt de carburant ne disposait d’aucun générateur de secours sur place.
« Auparavant, nous avions affaire à des tempêtes de moindre ampleur, avec des coupures de courant pendant un jour ou deux seulement. Mais lorsqu’une partie de la ville est privée d’électricité pendant deux semaines suite à une tempête, cela engendre de nombreux problèmes et défis », comme par exemple les sources d’approvisionnement en carburant.
Frank Quinn, Responsable des parcs et des loisirs à la Ville de Charlottetown sur l’Île-du-Prince-Édouard
Frank Quinn explique que la municipalité a tiré des leçons de son expérience après le passage de l’ouragan Fiona et a déjà commencé à se préparer à la prochaine tempête. « Nous construisons de nouvelles infrastructures et faisons en sorte qu’elles résistent mieux à des vents plus forts », dit-il. La Ville a également acheté de nouveaux équipements permettant de déblayer les arbres, mais pouvant aussi être utilisés pour d’autres usages quotidiens comme le nivellement des sentiers.
D’ici à 2030, 30 % des terres, des eaux et des zones marines du Canada seront protégés. À condition, bien sûr, que le pays atteigne cet objectif fixé par la communauté internationale lors de la 15ème Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15).
Atteindre un objectif aussi ambitieux requiert une solide collaboration. Il est essentiel que tous les niveaux de gouvernement, les communautés des Premières Nations, Inuits et Métis, les organisations locales à but non lucratif, les propriétaires privés ainsi que les habitantes et habitants agissent ensemble. Mais comment fait-on pour établir une coalition aussi large et aussi approfondie?
Nature Canada, une organisation nationale dédiée à la protection de la faune et de la flore sauvages au Canada, s’emploie à rassembler ces différentes parties prenantes. Son but : faire en sorte que celles-ci, dans un effort concerté, agissent à la fois à l’échelle nationale, mais aussi hyperlocale, notamment grâce au Programme municipal des aires protégées, afin de permettre au Canada d’atteindre son objectif 30×30.
Lorsque l’on parle de zones naturelles protégées, on imagine souvent de vastes territoires naturels encore vierges, bien loin de l’endroit où beaucoup d’entre nous vivons. Pourtant, selon Dylan Rawlyk, gestionnaire de l’équipe organisatrice de Nature Canada, protéger les terres en zones urbaines est vital.
La première raison est d’ordre pratique : les environnements les plus riches en termes de biodiversité au Canada se trouvent le long de sa frontière méridionale. C’est aussi là que vit la majorité de la population, dans une constellation de zones urbaines. La deuxième raison, moins évidente, est une question de sensibilisation. Protéger les zones naturelles proches de nos lieux de vie quotidiens permet de démontrer de manière plus tangible l’importance de la biodiversité.
« Les gens la connaissent, l’aiment et y sont attachés. »
Dylan Rawlyk
Si les municipalités disposent souvent toutes d’un plan de gestion et de restauration des zones naturelles, chacune d’entre elles mène ses efforts de conservation d’une manière légèrement différente. Afin d’atteindre l’objectif 30×30, il est donc nécessaire de travailler avec les villes pour « homogénéiser notre impact collectif ». Bien que la majorité des municipalités l’aient cité comme une priorité, seulement un tiers d’entre elles ont affirmé dans notre sondage de 2024 que répondre aux objectifs fédéraux en matière de biodiversité et de protection des terres constituait une priorité importante pour 2024.
Nature Canada a ainsi noué des partenariats à la fois nationaux et hyperlocaux pour établir ce que Dylan Rawlyk appelle un « maillage d’organisations ». À Nature Canada, « notre rôle est de rassembler tous ces groupes et de faire en sorte de montrer comment leurs actions respectives contribuent à l’objectif global ».
Par exemple, à Hamilton, le travail mené par Ontario Nature contribue à rassembler différentes organisations pour permettre au réseau d’écoparcs de la ville d’accueillir davantage de terrains bénéficiant du statut de protection reconnu par le gouvernement fédéral. En travaillant avec la Ville, l’office de protection de la nature et le club de naturalistes d’Hamilton, Ontario Nature a pour objectif d’évaluer les terrains actuels et de déterminer ceux qui nécessitent des mesures de protection différentes pour répondre aux critères fédéraux et contribuer à l’objectif 30×30 global. Des projets comme celui-ci, alignés sur les programmes fédéraux tels que l’initiative des Parcs urbains nationaux menée par Parcs Canada, sont essentiels pour atteindre les objectifs de protection de la biodiversité.
Collaborer avec les communautés des Premières Nations et les organisations autochtones est « essentiel » pour ce travail, explique Dylan Rawlyk. Ceci est particulièrement important en raison des antécédents coloniaux des mouvements de conservation responsables de l’expropriation des peuples autochtones de leurs terres. Pour éviter que les erreurs du passé ne se répètent, Dylan Rawlyk cite l’exemple du travail réalisé récemment par le Réseau de milieux naturels protégés au Québec. Celui-ci « a organisé un atelier avec plusieurs fiducies foncières et des communautés des Premières Nations pour tenter de construire des ponts entre elles. »
Nature Canada a également établi des partenariats avec des organisations régionales, comme Ontario Nature et BC Nature, possédant une meilleure compréhension des contextes locaux ainsi que des liens politiques solides pour faire avancer la législation. En outre, il est également crucial de travailler avec des organisations hyperlocales, comme la Whistler Naturalists Society. Ces groupes connaissent bien des lieux spécifiques et organisent souvent certaines activités, comme des inventaires-éclairs des espèces naturelles ou bioblitz en anglais.
« Ce niveau de connaissance des espèces dans une zone particulière est extrêmement important pour faire avancer les choses », souligne Dylan Rawlyk. De plus, les habitantes et habitants jouent également un rôle clé dans ces efforts : en plaidant pour l’intensification des mesures de conservation, et en servant de vigiles pour veiller à ce que ces endroits restent protégés.
Les municipalités ont un besoin urgent de trouver des terrains pour créer de nouveaux parcs. Malgré cette nécessité, il arrive que des problèmes de financement, de contamination environnementale et de propriété repoussent de plusieurs années la conception et les travaux définitifs dans ces sites destinés à devenir des parcs.
Pour relever ce défi, le service des Parcs, forêts et loisirs de la Ville de Toronto collabore avec le service du Développement économique et de la culture de la Ville ainsi qu’avec des organisations externes de développement culturel et économique afin de mettre en place et d’animer des espaces publics faisant cruellement défaut à l’heure actuelle.
Paul Farish, directeur de la planification des parcs à Toronto, explique qu’au lieu d’attendre parfois des années pour achever le processus officiel, qui comprend la conception et l’acquisition de terrain, – et de laisser le site vacant pendant ce temps – la Ville « le rend accessible au public afin qu’il puisse en profiter et même le façonner à leur image dès le départ. »
Selon lui, le service du Développement économique et de la culture de la Ville de Toronto représente un « partenaire très utile ». Il permet d’introduire « des idées et des personnes tierces capables de mettre en œuvre des programmes et d’organiser des événements », jusqu’à ce que le service des Parcs, forêts et loisirs de la Ville soit prêt à en faire un parc pleinement opérationnel.
Citons l’exemple d’un futur parc situé à l’angle des rues Front et Bathurst. Des problèmes de contamination environnementale signifient qu’il faudra plusieurs années avant que la Ville puisse transformer le terrain en parc public. En attendant, la Ville collabore avec Stackt Market* qui a mis en place depuis 2019 un marché abrité dans des conteneurs d’expédition – le plus grand d’Amérique du Nord – ainsi qu’un espace événementiel en plein air sur le site. Grâce à ce partenariat, le lieu accueille des milliers de personnes pour des événements gratuits ou payants*. Il permet aussi à des entreprises locales de vendre leurs produits dans des boutiques éphémères, offre un espace pour se restaurer et donne la priorité aux programmes destinés au grand public.
« Il s’agit d’un lieu quasi public », déclare Paul Farish, en ajoutant qu’il « il est important de faire preuve de flexibilité et de reconnaître les différentes manières de concrétiser la vocation d’un site, comme celle d’être un lieu public. »
Les stationnements représentent eux aussi une opportunité. Selon Paul Farish, la Ville prévoit au cours des prochaines années de convertir un certain nombre de zones de stationnement en parcs. Toutefois, en raison d’un manque de financement ou d’autres facteurs, « leur conversion en parc ne sera pas pour demain.
« En attendant, nous devons faire preuve d’un peu de créativité et faire appel à des partenaires pour les animer et les rendre aussi attrayants que possible. »
Paul Farish, Directeur de la planification des parcs à Toronto
Mais l’une des difficultés est que les usager·ère·s risquent de s’attacher à l’utilisation actuelle du site et de se montrer réticent·e·s lorsque viendra le moment de la phase de conception du parc lui-même. « Nous en avons conscience », explique Paul Farish. Dans certains endroits, la Ville émet l’idée d’installer un terrain de pickleball ou de basketball sur une zone de stationnement, une utilisation qui pourrait s’ancrer dans les esprits, même si elle est censée être provisoire. « Mais il faut s’en accommoder », dit-il. « C’est moins préoccupant parce que la finalité de ce lieu public reste la même, en offrant des avantages récréatifs ou environnementaux à la population. »
Dans le quartier de Yonge et Eglinton à Toronto, une zone de stationnement municipal est sur le point de devenir le plus grand parc dans cette partie de la ville depuis des décennies. Il comblerait une forte demande en espaces publics dans ce quartier qui se densifie rapidement. Dans le cadre de la « phase 1 », la Ville y installe des terrains de pickleball et de basketball ainsi que des tables, des bancs et d’autres équipements avant la conception et les travaux définitifs du parc.
Dans le centre-ville de Toronto, qui est lui aussi confronté à un manque criant de parcs, la Ville a fait l’acquisition d’une des dernières zones de stationnement encore non aménagées. Pendant que les travaux environnementaux et les processus de conception du parc sont en cours, le site a été temporairement converti en terrasse de restaurant, devenue très populaire. Reconnu comme un lieu emblématique dans la ville, le site a fait l’objet d’un concours d’architecture* a abouti à un projet innovant doté d’un budget de 10 millions de dollars.
Sur un autre site, au bord du lac Ontario, une zone de stationnement récemment fermée sur la jetée Spadina devrait être réaménagée à court terme pour accueillir des événements culturels et divers, en vue de mettre en valeur son potentiel en tant que futur parc permanent. Paul Farish mentionne un certain nombre d’organisations locales pouvant servir de partenaires pour la mise en œuvre de ces programmes.
La première est l’organisme de conservation du site The Bentway, qui a créé un espace public sous une partie de la voie express surélevée de la Gardiner, afin d’animer le site pendant l’événement Nuit Blanche de 2023 à Toronto. L’installation de The Bentway (réalisée en partenariat avec la Ville) a permis de tester et de faire connaître ce projet à proximité du lac Ontario, en organisant notamment des projections artistiques sur les silos centenaires récemment restaurés de Canada Malting.
« Cette approche progressive aide le personnel municipal, le public et les partenaires à réfléchir à l’objectif à long terme de ce parc en créant des animations temporaires, des programmes innovants et des expérimentations sur le terrain. »
Ce processus permet aussi de tirer des enseignements sur ce qui fonctionne sur un site spécifique afin d’orienter la future conception et les besoins opérationnels du parc.
Cette approche offre également « une certaine souplesse en termes de partenariats et de modèles de gestion », déclare-t-il. « Elle favorise aussi la créativité et l’expérimentation tout en soulignant les avantages de ce lieu public et des terrains municipaux. »
L’un des principaux défis que rencontrent les villes en pleine croissance est d’acquérir de nouvelles parcelles pour l’implantation de parcs dans des quartiers en cours de densification, dans un contexte marqué par une pénurie de terrains encore non construits. En 2023, 69 % des municipalités ont déclaré que l’acquisition de nouveaux terrains destinés à l’implantation d’un parc constituait un défi majeur pour elles. Le plan à long terme de Mississauga montre qu’une approche cohérente et transparente pour l’acquisition de logements existants peut générer des bénéfices durables en matière d’espaces verts pour une population en pleine croissance.
Le quartier de Cooksville, une zone désignée comme centre de croissance urbaine, est déjà confronté à une pénurie de parcs, comme le montre le plan de développement des parcs de la Ville. Alors que la municipalité a pour objectif de dédier 12 % de sa superficie foncière aux parcs dans les centres de croissance urbaine, Cooksville se situe bien en deçà de cet objectif. Selon Sharon Chapman, gestionnaire de la planification des parcs et de la culture de la Ville de Mississauga, l’arrivée du futur système léger sur rail et la construction de tours d’habitation dans le quartier ne feront qu’accroître la démographie.
Pour répondre à la situation, la Ville doit donc prévoir l’acquisition de terrains dans le quartier de Cooksville afin d’accroître la superficie actuelle des parcs pour qu’ils puissent accueillir plus de monde et d’activités différentes. Le conseil municipal a approuvé cette mesure en 2017*. L’identification de 31 propriétés permettant d’acquérir 10 hectares de terrain au total vise à « créer de grandes superficies homogènes de parcs avec des réseaux de sentiers continus ».
Si l’extension des parcs est l’objectif premier, elle présente aussi un deuxième avantage : la résilience climatique. Certaines propriétés identifiées se trouvent actuellement sur des terrains inondables qui n’auraient pas pu être construits de nos jours. Cette situation pourrait donc inciter davantage de propriétaires à vendre leur bien à la Ville, sachant que les maisons ayant été inondées sont plus difficiles à vendre, indique Sharon Chapman.
Cependant, ce projet n’est pas sans controverse. Les projets de démolition de ces habitations ont provoqué le mécontentement de certain·es propriétaires dans le quartier qui affirment ne pas avoir l’intention de vendre leur bien à la Ville*. Sharon Chapman explique que la résistance initiale des propriétaires était liée à une mésinformation et à des inquiétudes concernant ces changements. La Ville s’est donc attachée à clarifier son intention en précisant que l’acquisition de ces propriétés suivait le principe d’un consentement mutuel entre acheteur et vendeur et que l’expropriation n’était donc pas à l’ordre du jour. Les négociations avec les propriétaires désireux de vendre se basent sur des rapports préparés par des agences d’évaluation indépendantes et accréditées estimant la juste valeur marchande du bien.
« Notre approche a été de coopérer réellement avec chaque propriétaire. Nous avons respecté les propriétaires qui ne souhaitaient plus en parler. »
Sharon Chapman, Gestionnaire de la planification des parcs et de la culture de la Ville de Mississauga
Comme c’est souvent le cas, la situation a mis en opposition les activistes en faveur des parcs et les activistes défendant le logement, comme s’il fallait choisir entre l’un ou l’autre. Reconnaissant cette situation, Sharon Chapman explique que la Ville était consciente que « le projet pourrait être perçu comme contribuant à réduire le nombre de logements ». Toutefois, elle précise qu’il ne s’agissait que de quelques maisons individuelles et que les 31 propriétés ne comportaient pas toutes des habitations. « Il est vrai que nous perdrons un petit nombre de maisons individuelles, mais la zone va connaître une croissance démographique considérable avec la construction de nouveaux logements. Nous devons donc garder une vue d’ensemble pour faire en sorte de créer suffisamment de parcs dans ce quartier. »
À ce jour, la Ville a acquis 19 propriétés. Cela représente déjà plus de 8 hectares de terrains sur les 10 hectares qu’elle s’est fixée comme objectif. La démolition des habitations se fait au fur et à mesure afin que celles-ci ne demeurent pas vacantes et que le terrain puisse être converti immédiatement en parc.
« Les propriétés que nous avons acquises sont presque suffisantes pour commencer à planifier l’aménagement d’un parc »
La municipalité s’apprête désormais à entamer le processus de concertation publique* pour décider des aménagements naturels et construits du parc.