Alors que Dave Harvey prend sa retraite de son poste de co-dirigeant chez Ami·es des parcs, il revient sur le chemin parcouru depuis la fondation de l'organisation en 2011.
Erika Nikolai, directrice générale d’Ami·es des parcs, a reçu le prix de l’Individu d’exception décerné par World Urban Parks — l’une des reconnaissances internationales les plus prestigieuses dans le secteur des parcs et de l’espace public.
Découvrez comment les initiatives d’intendance des grands parcs urbains du Canada contribuent à des écosystèmes plus sains, au bien-être des participant·es et à un soutien essentiel pour les services municipaux.
Dans le quartier Champlain Heights, à l’est de Vancouver, nous avons rencontré deux organisations qui mènent des efforts pour restaurer les forêts indigènes et tisser des liens au sein de leur quartier.
L’hiver peut être éprouvant : il fait sombre, froid, et la neige s'accumule. Explorez des moyens concrets pour redécouvrir la joie de l'hiver.
Découvrez de quelles façons les initiatives menées par les organisations communautaires dans des parcs de Montréal peuvent contribuer à l’inclusion sociale.
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Cette étude de cas fait partie du Rapport 2024 sur les parcs urbains du Canada, mettant en lumière des projets, des personnes et des politiques inspirant·es à travers le Canada, qui offrent des solutions concrètes aux défis les plus urgents auxquels font face les parcs urbains.
Au fil des dernières années, nous avons collectivement pris conscience de la prévalence du racisme systémique dans les parcs et les espaces publics. Historiquement, ces espaces ont été des lieux où les personnes Noires, Autochtones et racisées ont été confrontées à la suspicion, à la surveillance, au harcèlement, à la violence, voire même à la mort.
Année après année, notre sondage a révélé qu’environ un· citadin·e sur 10 évite les parcs et espaces verts par crainte de discrimination ou de surveillance policière.
Cette année, lorsqu’on a demandé si les parcs urbains devraient faire davantage pour traiter l’équité et la justice raciale, plus des deux tiers (67 %) ont répondu par l’affirmative. De même, en 2023, 66 % des Villes ont reconnu le rôle des parcs dans la lutte contre le racisme.
En dépit d’une prise de conscience croissante, les mesures prises demeurent limitées. À peine 17 % des Villes s’estiment suffisamment outillées pour combattre le racisme, laissant les besoins des populations racisées de côté.
Comment les municipalités peuvent-elles passer de la prise de conscience à l’action ? Nous avons discuté avec Jay Pitter* à propos d’ “ÊTRE UNE PERSONNE NOIRE DANS L’ESPACE PUBLIC”, un sondage binational développé par Jay Pitter Placemaking (Chercheuse principale : Jay Pitter, co-chercheur : Professeur L. Anders Sandberg) et administré par l’Institute for Social Research. Le sondage posait la question suivante : « Quelles sont les politiques d’aménagement des espaces publics, les approches de conception et les attitudes sociales tacites qui diminuent ou améliorent l’expérience des personnes Noires dans les villes »?
Cette recherche met en lumière les zones d’ombre autour de l’expérience des personnes Noires dans les parcs et espaces publics au Canada et aux États-Unis. Jay Pitter a relevé un manque de données, en particulier au Canada, sur la perception et l’expérience des communautés Noires dans ces espaces. Beaucoup d’organisations mesurent l’inclusion de manière limitée, en mettant l’accent sur la sécurité ou l’absence de violence à l’égard des personnes Noires, mais Jay Pitter souligne que ce n’est pas suffisant : atténuer la violence ne doit être qu’un point de départ.
Ses recherches explorent également comment les traumatismes historiques et actuels liés au racisme, à la brutalité policière et à la violence dans les espaces publics, ainsi que les inégalités en matière de mobilité et le manque de voies vers la prospérité économique, affectent le bien-être des personnes Noires, leur sentiment d’appartenance sociale et leur droit à l’appropriation des lieux publics.
« Ce sondage vise à combler un vide laissé par les autres statistiques, en plaçant les personnes Noires au centre, en tant qu’êtres humains et spirituels à part entière. Les études et témoignages précédents omettent souvent de mentionner les répercussions des incidents liés à l’insécurité et aux restrictions. Que signifient ces chiffres ? Qu’en est-il de la santé mentale des personnes Noires, leur identité, leur sentiment d’appartenance, ainsi que leur imagination et leurs aspirations ? Un de mes principaux objectifs était de réhumaniser les individus et communautés Noires en leur offrant un espace pour une introspection, une guérison intérieure et l’expression libre de leurs rêves. »
Jay Pitter, Experte en aménagement, professeure adjointe en urbanisme et auteure
Le sondage ÊTRE UNE PERSONNE NOIRE DANS L’ESPACE PUBLIC adopte une approche axée sur les ressources tout en prenant en compte les traumatismes, afin de valoriser la joie et le savoir des personnes Noires. Les participant·es ont été invité·es à partager des souvenirs et expériences positives dans les espaces publics. Jay Pitter insiste sur l’importance d’apprendre des succès, et pas seulement des tragédies.
Jay Pitter met également en avant la contribution des communautés Noires aux espaces publics.
« Je ne voulais pas réduire notre présence dans l’espace public à une simple expérience de victimisation. Malgré l’esclavage, des siècles de politiques excluant les personnes noires des espaces publics et des expériences disproportionnées de violence et d’itinérance, le travail, le savoir-faire en création d’espaces publics et la culture des communautés noires ont grandement contribué à façonner et revitaliser ces espaces. Nous y apportons de la vie. »
En mettant l’accent sur la joie et en reconnaissant les contributions des personnes Noires dans la création d’espaces, cette approche illustre comment les villes peuvent collaborer avec les groupes méritant l’équité sans les contraindre à revisiter des récits d’oppression. Jay Pitter a mentionné que plusieurs personnes se sont dites reconnaissantes d’avoir pu partager leurs expériences positives.
Les conclusions de ce sondage seront partagées dans un rapport axé sur l’action en février 2025, offrant aux villes et institutions des pistes pour encourager une véritable inclusion des communautés Noires dans les parcs et autres espaces publics. Jay Pitter a révélé certaines conclusions préliminaires : les parcs figurent parmi les espaces publics les plus fréquentés par les communautés Noires et sont généralement perçus comme des lieux sécuritaires. Toutefois, les parcs peinent à promouvoir l’identité culturelle noire, un profond sentiment d’appartenance et des programmes inclusifs.
Selon Jay Pitter, il existe des opportunités considérables pour progresser, notamment à travers la co-création d’espaces, une représentation accrue des personnes Noires dans la gestion des parcs, le partage du pouvoir, ainsi que des événements qui valorisent les communautés Noires. Pour en savoir plus sur la manière dont votre ville peut favoriser l’inclusion des communautés Noires dans les espaces publics, consultez le site internet jaypitter.com* pour accéder au rapport complet à partir de février 2025.
Dans la région métropolitaine de Vancouver, une entente inédite entre les parcs régionaux du Grand Vancouver et la Première Nation Tsleil-Waututh redéfinit la gestion des parcs. Ce partenariat novateur met en lumière une nouvelle approche, alliant préservation de l’environnement et reconnaissance de l’héritage culturel, passé et présent, des Premières Nations.
S’étendant sur de 2 560 acres, le parc régional təmtəmíxʷtən/Belcarra* est deux fois et demie plus grand que le parc Stanley de Vancouver et accueille 1,2 million de visiteur·euses par an. Autrefois, ce parc abritait le plus grand village ancestral de la nation Tsleil-Waututh.
Gabriel George, membre de la Première Nation Tsleil-Waututh et directeur national du développement des terres et ressources issues des traités, souligne la fracture historique causée par la transformation de ce territoire en parc : « Cela nous a coupé·e·s de notre terre. Ce partenariat est un moyen essentiel pour nous de réaffirmer nos droits. »
Mike Redpath, directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver, a précisé que la collaboration avec la Première NationTsleil-Waututh a débuté en 2017, menant à l’élaboration d’un « Accord de coopération et de planification culturelle* » signé en 2020. L’accord établit des principes directeurs clairs pour la gestion conjointe du parc. Ce cadre inclut la préservation des ressources naturelles, la valorisation récréative du site, et une sensibilisation accrue du public à l’héritage de la Nation.
« L’accord reconnaît pleinement qu’il s’agit d’une terre publique. Cependant, il y a eu une utilisation traditionnelle du site, et l’accord vise à trouver un équilibre entre les deux », a déclaré Mike Redpath.
Une bonne gouvernance est la pierre angulaire d’un partenariat réussi. L’accord de coopération prévoit deux mécanismes de gouvernance : un comité de direction et un comité technique, composés à la fois de membres de la Nation et des parcs régionaux du Grand Vancouver.
Le comité technique établit les priorités des projets dans un plan de travail annuel, qui est ensuite approuvé par le comité de direction et soumis durant le processus budgétaire annuel. Chaque projet comprend un « accord d’engagement », qui définit les livrables et garantit que les deux partenaires comprennent bien leurs rôles et responsabilités.
L’accord comprend également des politiques de développement économique, notamment le recours à des entrepreneur·ses approuvé·es par la Première NationTsleil-Waututh pour encourager les entreprises locales à prospérer dans le parc.
« Nous avions une économie solide, mais elle nous a été largement confisquée », a souligné Gabriel George. « Nous avions des devises plus anciennes que le papier. Nous avions des systèmes d’échange. Nous avons perdu tout cela. » Il a rappelé que son peuple récoltait des palourdes depuis des millénaires, mais qu’il a ensuite été contraint de « se faufiler la nuit, après avoir été privé de ce droit ». Rechercher des occasions économiques aujourd’hui est donc, selon lui, « un droit inhérent ».
Bien que l’accord de coopération ait été signé il y a seulement quatre ans, plusieurs projets d’envergure ont déjà été réalisés depuis, et d’autres sont en cours.
L’un des premiers a été le renommage officiel du parc en 2021, désormais connu sous le nom de təmtəmíxʷtən/Belcarra Regional Park. C’était la première fois que les parcs régionaux du Grand Vancouver effectuaient une telle démarche en partenariat avec les communautés des Premières Nations.
Pour Gabriel George, il ne s’agit pas simplement de « renommer » le parc.
« C’est bien plus que cela. C’est reconnaître le véritable nom de cet endroit. C’est important parce que nous avons besoin d’être représenté·es. Nous devons être vu·es et entendu·es sur notre propre territoire. »
Gabriel George, Membre de la Première Nation Tsleil-Waututh et directeur national du développement des terres et ressources issues des traités
Mike Redpath a également souligné que cette initiative créait un précédent en matière de dénomination des parcs du Grand Vancouver, ouvrant la voie à son application dans d’autres lieux. En effet, un autre parc régional a récemment été renommé, abandonnant le nom de Colony Farm Regional Park pour devenir ƛ̓éxətəm (tla-hut-um) Regional Park*, un nom attribué par la Première Nation kʷikʷəƛ̓əm (Kwikwetlem), qui signifie « nous vous accueillons ».
Parmi les autres projets communs, un mât de bienvenue a été érigé sur l’ancien site du village traditionnel de la Nation. D’autres projets incluent des efforts de restauration environnementale, la mise en place de programmes éducatifs, ainsi qu’une étude sur le patrimoine culturel pour approfondir la compréhension de l’histoire du parc.
Malgré le temps nécessaire pour la mise en place de cet accord, Mike Redpath, directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver, souligne les bénéfices indéniables. Le personnel peut « décrocher le téléphone et parler à quelqu’un de la Nation qui leur est familier. Cela contribue à faire progresser les projets communs, et parfois même plus rapidement. »
La volonté d’essayer de faire les choses différemment est un facteur de réussite. « C’est un processus de changement », a déclaré Mike Redpath, ajoutant que c’est une manière différente de faire des affaires à bien des égards. Il a mis l’accent sur l’importance d’une communication initiale et soutenue pour bâtir la confiance nécessaire à une collaboration forte.
« L’accord n’est qu’un bout de papier, ce sont les relations humaines et la collaboration qui font la véritable différence. »
Mike Redpath, Directeur des parcs régionaux du Grand Vancouver
Gabriel George appuie ces propos. « Il peut être si facile de ne pas changer les choses », a-t-il déclaré, mais il est important de sortir des zones de confort et de faire les choses différemment. « Vous ne pouvez pas tout résoudre, mais vous pouvez réfléchir à l’héritage que vous souhaitez laisser. »
« Je pense que, pour les Nations Autochtones, les parcs peuvent être des lieux importants à occuper et à reprendre en main », a-t-il déclaré, ajoutant qu’ils ont connu de grands succès dans certaines de leurs initiatives liées aux parcs « C’est notre maison. C’est comme l’extension de notre communauté. »
Ces cinq dernières années, les programmes axés sur l’alimentation dans les parcs, comme les forêts nourricières, les jardins collectifs et les plantes comestibles, ont gagné en ampleur et en popularité dans les villes canadiennes. Il est clair que les municipalités et leur population perçoivent tout le potentiel de l’agriculture urbaine et souhaitent le développer. Ces trois dernières années, 50 % des citadin·es ont déclaré à plusieurs reprises vouloir voir davantage d’agriculture urbaine et de jardins collectifs dans leurs parcs.
Si les villes prévoient d’investir dans des programmes d’agriculture urbaine dans les parcs, comment peuvent-elles s’assurer qu’ils sont utilisés et, surtout, que les fruits de leurs récoltes atteignent avant tout les personnes qui en ont besoin ?
Lancé en 2020, le programme Get Growing Victoria* de la Ville de Victoria adopte une approche de justice alimentaire en fournissant des outils et du matériel de jardinage aux quartiers dont les communautés sont particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire, notamment les personnes sans logement, les communautés autochtones et racialisées, ainsi que les personnes âgées et les jeunes.
Au lieu de se focaliser uniquement sur l’accès du grand public à des aliments frais, la justice alimentaire donne la priorité aux tranches de la population qui sont confrontées à des obstacles structurels et systémiques pour assurer leur sécurité alimentaire. En prenant en compte les obstacles au jardinage, le programme Get Growing parvient à fournir des aliments durables et sains à celles et ceux qui sont souvent exclu·es des programmes de jardins collectifs.
Le Service des parcs a vite constaté que le meilleur moyen d’atteindre ces groupes à risque était de collaborer avec des associations locales qui connaissent mieux leurs besoins. Cette collaboration a également permis à la municipalité d’apporter une aide efficace en intervenant là où se trouvent ces populations plutôt que d’attendre qu’elles s’identifient elles-mêmes et qu’elles suivent le processus d’inscription mis en place par la Ville.
Ce programme compte désormais 67 partenaires locaux parmi des organismes de santé publique, des prestataires de services en santé mentale, des organisations d’aide aux personnes immigrées et réfugiées, des prestataires de services sociaux ainsi que des organismes œuvrant pour l’accès à des logements abordables. Les organisations partenaires fournissent à leurs bénéficiaires et à leur famille du matériel de jardinage ainsi que des plants de légumes cultivés dans les serres de la Ville. Ils peuvent ainsi les utiliser dans leur propre jardin ou dans un jardin collectif près de chez eux. Get Growing offre à ses partenaires l’autonomie nécessaire dans leur programme pour distribuer le matériel de jardinage de la manière qui répond le mieux aux besoins de leurs publics.
Julia Ford, coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria, nous explique que ce programme ne pourrait fonctionner sans ces associations partenaires. « Ceci nous permet d’augmenter considérablement notre impact et d’aider des groupes à risque au sein de la population qui, autrement, n’auraient pas forcément d’interaction avec la municipalité. »
Appuyant le propos de Julia, notre sondage public de cette année a révélé que plus de 30 % des citadin·es ne savent pas vers qui se tourner s’ils rencontrent des problèmes ou souhaitent faire des commentaires sur leur parc. En collaborant avec des organisations locales qui entretiennent des relations étroites avec les résident·es des quartiers, la Ville de Victoria peut venir en aide à des personnes qui se sentent déconnectées des services municipaux.
Après quatre années d’existence, on estime la production de produits frais à 400 000 livres, soit près de 181 000 kg. Par ailleurs, une évaluation des personnes participant à ce programme a révélé que la grande majorité d’entre elles estimaient qu’il avait amélioré leur bien-être mental, leur consommation d’aliments sains et leur niveau global d’activité physique. Cette initiative démontre ce que l’on peut faire dans les parcs lorsque l’on adopte une perspective de santé publique.
« Je pense que ce programme illustre comment les Services des parcs peuvent exploiter les ressources existantes de manière innovante pour promouvoir activement la santé publique et améliorer la prévention. Selon moi, le secteur des parcs reconnaît l’importance de l’utilisation passive des parcs et de l’accès aux espaces verts pour la santé mentale et le bien-être. Mais comment pouvons-nous soutenir activement les membres de la population qui veulent paver la voie vers des utilisations plus innovantes de l’espace public ? Comment pouvons-nous aider les gens à explorer de nouvelles activités récréatives qui ont du sens et qui sont accessibles et équitables ? »
Julia Ford, Coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria
Alors que les changements climatiques font augmenter la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, les villes voient leurs parcs et infrastructures subir des dégâts plus importants. En 2024, 97 % des services des parcs municipaux ont déclaré que répondre aux effets des changements climatiques et des conditions météorologiques extrêmes était devenu un véritable défi. Tandis que les inondations, les sécheresses et les incendies présentent des risques importants, le vent a lui aussi engendré des dégâts considérables ces dernières années.
Les gestionnaires des parcs à qui nous avons parlé en 2023 ont mentionné des tempêtes de plus en plus intenses, caractérisées non seulement par une augmentation de la vitesse des vents, mais aussi des vents qui durent plus longtemps et causent beaucoup plus de dégâts. Bien que les municipalités aient commencé à réaménager leurs parcs et à modifier leurs palettes végétales pour leur permettre de mieux résister aux inondations ou de s’adapter à la sécheresse, il est difficile de se préparer à la survenue de vents violents.
Frank Quinn, responsable des parcs et des loisirs à la Ville de Charlottetown sur l’Île-du-Prince-Édouard, maîtrise bien la préparation aux tempêtes. Pourtant en septembre 2022, lorsque l’ouragan Fiona s’est abattu sur l’île, l’une des tempêtes les plus violentes à avoir frappé les côtes canadiennes, il a été confronté à un phénomène d’une envergure totalement inédite.
La tempête a été la plus coûteuse de l’Atlantique canadien*, causant 220 millions de dollars de dégâts rien que sur l’Île-du-Prince-Édouard. L’ouragan Fiona a duré plusieurs heures, endommageant sur son passage des infrastructures municipales et dévastant la canopée. Dans l’aire naturelle de Royalty Oaks, de nombreux arbres anciens ont été arrachés, certains âgés de 300 ans.
Frank Quinn a indiqué l’équipe des mesures d’urgence* de la Ville, composée de cadres supérieurs travaillant dans différents services, s’est réunie fréquemment avant et après la tempête. Charlottetown étant une petite municipalité, les membres des différents services ont l’habitude de travailler ensemble et de s’entraider. Ces liens se sont en effet avérés utiles après le passage de cet ouragan.
« Nous avions déjà de bonnes relations de travail, et tout le monde se connaissait. Nous disposions d’un large éventail d’expériences et d’expertise. » Les membres du personnel municipal ont ainsi pu mettre à profit leurs connaissances mutuelles à l’interne, mais aussi celles de prestataires externes pouvant leur apporter leur soutien.
Assurer la sécurité publique et les activités de nettoyage était en haut de la liste des priorités. Toutefois, Frank Quinn reconnaît qu’ « après quelques jours passés à l’intérieur, on a envie de sortir. » Durant les premiers jours, son équipe a donc évalué chaque aire de jeux et inspecté les réseaux de sentiers en affichant des avis sur ceux qui étaient fermés ou accessibles au public.
La communication était compliquée en raison des pannes de courant, ajoute-t-il. Des messages concernant l’avancement du déblaiement des sentiers et la réouverture des aires de jeux ont été publiés sur le site Web de la Ville et communiqués aux médias. Toutefois, c’est en collaborant avec des organisations communautaires, comme les associations religieuses, que la municipalité a pu le mieux relayer ses messages auprès du public.
La Ville intègre actuellement des solutions de secours dans ses systèmes et services. Par ailleurs, Frank Quinn indique que le carburant a été l’un des principaux problèmes rencontrés suite à la tempête. Bien que le personnel municipal ait rempli les réservoirs et les véhicules avant l’arrivée de la tempête, refaire le plein a été plus difficile, car le principal dépôt de carburant ne disposait d’aucun générateur de secours sur place.
« Auparavant, nous avions affaire à des tempêtes de moindre ampleur, avec des coupures de courant pendant un jour ou deux seulement. Mais lorsqu’une partie de la ville est privée d’électricité pendant deux semaines suite à une tempête, cela engendre de nombreux problèmes et défis », comme par exemple les sources d’approvisionnement en carburant.
Frank Quinn, Responsable des parcs et des loisirs à la Ville de Charlottetown sur l’Île-du-Prince-Édouard
Frank Quinn explique que la municipalité a tiré des leçons de son expérience après le passage de l’ouragan Fiona et a déjà commencé à se préparer à la prochaine tempête. « Nous construisons de nouvelles infrastructures et faisons en sorte qu’elles résistent mieux à des vents plus forts », dit-il. La Ville a également acheté de nouveaux équipements permettant de déblayer les arbres, mais pouvant aussi être utilisés pour d’autres usages quotidiens comme le nivellement des sentiers.
D’ici à 2030, 30 % des terres, des eaux et des zones marines du Canada seront protégés. À condition, bien sûr, que le pays atteigne cet objectif fixé par la communauté internationale lors de la 15ème Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15).
Atteindre un objectif aussi ambitieux requiert une solide collaboration. Il est essentiel que tous les niveaux de gouvernement, les communautés des Premières Nations, Inuits et Métis, les organisations locales à but non lucratif, les propriétaires privés ainsi que les habitantes et habitants agissent ensemble. Mais comment fait-on pour établir une coalition aussi large et aussi approfondie?
Nature Canada, une organisation nationale dédiée à la protection de la faune et de la flore sauvages au Canada, s’emploie à rassembler ces différentes parties prenantes. Son but : faire en sorte que celles-ci, dans un effort concerté, agissent à la fois à l’échelle nationale, mais aussi hyperlocale, notamment grâce au Programme municipal des aires protégées, afin de permettre au Canada d’atteindre son objectif 30×30.
Lorsque l’on parle de zones naturelles protégées, on imagine souvent de vastes territoires naturels encore vierges, bien loin de l’endroit où beaucoup d’entre nous vivons. Pourtant, selon Dylan Rawlyk, gestionnaire de l’équipe organisatrice de Nature Canada, protéger les terres en zones urbaines est vital.
La première raison est d’ordre pratique : les environnements les plus riches en termes de biodiversité au Canada se trouvent le long de sa frontière méridionale. C’est aussi là que vit la majorité de la population, dans une constellation de zones urbaines. La deuxième raison, moins évidente, est une question de sensibilisation. Protéger les zones naturelles proches de nos lieux de vie quotidiens permet de démontrer de manière plus tangible l’importance de la biodiversité.
« Les gens la connaissent, l’aiment et y sont attachés. »
Dylan Rawlyk
Si les municipalités disposent souvent toutes d’un plan de gestion et de restauration des zones naturelles, chacune d’entre elles mène ses efforts de conservation d’une manière légèrement différente. Afin d’atteindre l’objectif 30×30, il est donc nécessaire de travailler avec les villes pour « homogénéiser notre impact collectif ». Bien que la majorité des municipalités l’aient cité comme une priorité, seulement un tiers d’entre elles ont affirmé dans notre sondage de 2024 que répondre aux objectifs fédéraux en matière de biodiversité et de protection des terres constituait une priorité importante pour 2024.
Nature Canada a ainsi noué des partenariats à la fois nationaux et hyperlocaux pour établir ce que Dylan Rawlyk appelle un « maillage d’organisations ». À Nature Canada, « notre rôle est de rassembler tous ces groupes et de faire en sorte de montrer comment leurs actions respectives contribuent à l’objectif global ».
Par exemple, à Hamilton, le travail mené par Ontario Nature contribue à rassembler différentes organisations pour permettre au réseau d’écoparcs de la ville d’accueillir davantage de terrains bénéficiant du statut de protection reconnu par le gouvernement fédéral. En travaillant avec la Ville, l’office de protection de la nature et le club de naturalistes d’Hamilton, Ontario Nature a pour objectif d’évaluer les terrains actuels et de déterminer ceux qui nécessitent des mesures de protection différentes pour répondre aux critères fédéraux et contribuer à l’objectif 30×30 global. Des projets comme celui-ci, alignés sur les programmes fédéraux tels que l’initiative des Parcs urbains nationaux menée par Parcs Canada, sont essentiels pour atteindre les objectifs de protection de la biodiversité.
Collaborer avec les communautés des Premières Nations et les organisations autochtones est « essentiel » pour ce travail, explique Dylan Rawlyk. Ceci est particulièrement important en raison des antécédents coloniaux des mouvements de conservation responsables de l’expropriation des peuples autochtones de leurs terres. Pour éviter que les erreurs du passé ne se répètent, Dylan Rawlyk cite l’exemple du travail réalisé récemment par le Réseau de milieux naturels protégés au Québec. Celui-ci « a organisé un atelier avec plusieurs fiducies foncières et des communautés des Premières Nations pour tenter de construire des ponts entre elles. »
Nature Canada a également établi des partenariats avec des organisations régionales, comme Ontario Nature et BC Nature, possédant une meilleure compréhension des contextes locaux ainsi que des liens politiques solides pour faire avancer la législation. En outre, il est également crucial de travailler avec des organisations hyperlocales, comme la Whistler Naturalists Society. Ces groupes connaissent bien des lieux spécifiques et organisent souvent certaines activités, comme des inventaires-éclairs des espèces naturelles ou bioblitz en anglais.
« Ce niveau de connaissance des espèces dans une zone particulière est extrêmement important pour faire avancer les choses », souligne Dylan Rawlyk. De plus, les habitantes et habitants jouent également un rôle clé dans ces efforts : en plaidant pour l’intensification des mesures de conservation, et en servant de vigiles pour veiller à ce que ces endroits restent protégés.
Les municipalités ont un besoin urgent de trouver des terrains pour créer de nouveaux parcs. Malgré cette nécessité, il arrive que des problèmes de financement, de contamination environnementale et de propriété repoussent de plusieurs années la conception et les travaux définitifs dans ces sites destinés à devenir des parcs.
Pour relever ce défi, le service des Parcs, forêts et loisirs de la Ville de Toronto collabore avec le service du Développement économique et de la culture de la Ville ainsi qu’avec des organisations externes de développement culturel et économique afin de mettre en place et d’animer des espaces publics faisant cruellement défaut à l’heure actuelle.
Paul Farish, directeur de la planification des parcs à Toronto, explique qu’au lieu d’attendre parfois des années pour achever le processus officiel, qui comprend la conception et l’acquisition de terrain, – et de laisser le site vacant pendant ce temps – la Ville « le rend accessible au public afin qu’il puisse en profiter et même le façonner à leur image dès le départ. »
Selon lui, le service du Développement économique et de la culture de la Ville de Toronto représente un « partenaire très utile ». Il permet d’introduire « des idées et des personnes tierces capables de mettre en œuvre des programmes et d’organiser des événements », jusqu’à ce que le service des Parcs, forêts et loisirs de la Ville soit prêt à en faire un parc pleinement opérationnel.
Citons l’exemple d’un futur parc situé à l’angle des rues Front et Bathurst. Des problèmes de contamination environnementale signifient qu’il faudra plusieurs années avant que la Ville puisse transformer le terrain en parc public. En attendant, la Ville collabore avec Stackt Market* qui a mis en place depuis 2019 un marché abrité dans des conteneurs d’expédition – le plus grand d’Amérique du Nord – ainsi qu’un espace événementiel en plein air sur le site. Grâce à ce partenariat, le lieu accueille des milliers de personnes pour des événements gratuits ou payants*. Il permet aussi à des entreprises locales de vendre leurs produits dans des boutiques éphémères, offre un espace pour se restaurer et donne la priorité aux programmes destinés au grand public.
« Il s’agit d’un lieu quasi public », déclare Paul Farish, en ajoutant qu’il « il est important de faire preuve de flexibilité et de reconnaître les différentes manières de concrétiser la vocation d’un site, comme celle d’être un lieu public. »
Les stationnements représentent eux aussi une opportunité. Selon Paul Farish, la Ville prévoit au cours des prochaines années de convertir un certain nombre de zones de stationnement en parcs. Toutefois, en raison d’un manque de financement ou d’autres facteurs, « leur conversion en parc ne sera pas pour demain.
« En attendant, nous devons faire preuve d’un peu de créativité et faire appel à des partenaires pour les animer et les rendre aussi attrayants que possible. »
Paul Farish, Directeur de la planification des parcs à Toronto
Mais l’une des difficultés est que les usager·ère·s risquent de s’attacher à l’utilisation actuelle du site et de se montrer réticent·e·s lorsque viendra le moment de la phase de conception du parc lui-même. « Nous en avons conscience », explique Paul Farish. Dans certains endroits, la Ville émet l’idée d’installer un terrain de pickleball ou de basketball sur une zone de stationnement, une utilisation qui pourrait s’ancrer dans les esprits, même si elle est censée être provisoire. « Mais il faut s’en accommoder », dit-il. « C’est moins préoccupant parce que la finalité de ce lieu public reste la même, en offrant des avantages récréatifs ou environnementaux à la population. »
Dans le quartier de Yonge et Eglinton à Toronto, une zone de stationnement municipal est sur le point de devenir le plus grand parc dans cette partie de la ville depuis des décennies. Il comblerait une forte demande en espaces publics dans ce quartier qui se densifie rapidement. Dans le cadre de la « phase 1 », la Ville y installe des terrains de pickleball et de basketball ainsi que des tables, des bancs et d’autres équipements avant la conception et les travaux définitifs du parc.
Dans le centre-ville de Toronto, qui est lui aussi confronté à un manque criant de parcs, la Ville a fait l’acquisition d’une des dernières zones de stationnement encore non aménagées. Pendant que les travaux environnementaux et les processus de conception du parc sont en cours, le site a été temporairement converti en terrasse de restaurant, devenue très populaire. Reconnu comme un lieu emblématique dans la ville, le site a fait l’objet d’un concours d’architecture* a abouti à un projet innovant doté d’un budget de 10 millions de dollars.
Sur un autre site, au bord du lac Ontario, une zone de stationnement récemment fermée sur la jetée Spadina devrait être réaménagée à court terme pour accueillir des événements culturels et divers, en vue de mettre en valeur son potentiel en tant que futur parc permanent. Paul Farish mentionne un certain nombre d’organisations locales pouvant servir de partenaires pour la mise en œuvre de ces programmes.
La première est l’organisme de conservation du site The Bentway, qui a créé un espace public sous une partie de la voie express surélevée de la Gardiner, afin d’animer le site pendant l’événement Nuit Blanche de 2023 à Toronto. L’installation de The Bentway (réalisée en partenariat avec la Ville) a permis de tester et de faire connaître ce projet à proximité du lac Ontario, en organisant notamment des projections artistiques sur les silos centenaires récemment restaurés de Canada Malting.
« Cette approche progressive aide le personnel municipal, le public et les partenaires à réfléchir à l’objectif à long terme de ce parc en créant des animations temporaires, des programmes innovants et des expérimentations sur le terrain. »
Ce processus permet aussi de tirer des enseignements sur ce qui fonctionne sur un site spécifique afin d’orienter la future conception et les besoins opérationnels du parc.
Cette approche offre également « une certaine souplesse en termes de partenariats et de modèles de gestion », déclare-t-il. « Elle favorise aussi la créativité et l’expérimentation tout en soulignant les avantages de ce lieu public et des terrains municipaux. »
L’un des principaux défis que rencontrent les villes en pleine croissance est d’acquérir de nouvelles parcelles pour l’implantation de parcs dans des quartiers en cours de densification, dans un contexte marqué par une pénurie de terrains encore non construits. En 2023, 69 % des municipalités ont déclaré que l’acquisition de nouveaux terrains destinés à l’implantation d’un parc constituait un défi majeur pour elles. Le plan à long terme de Mississauga montre qu’une approche cohérente et transparente pour l’acquisition de logements existants peut générer des bénéfices durables en matière d’espaces verts pour une population en pleine croissance.
Le quartier de Cooksville, une zone désignée comme centre de croissance urbaine, est déjà confronté à une pénurie de parcs, comme le montre le plan de développement des parcs de la Ville. Alors que la municipalité a pour objectif de dédier 12 % de sa superficie foncière aux parcs dans les centres de croissance urbaine, Cooksville se situe bien en deçà de cet objectif. Selon Sharon Chapman, gestionnaire de la planification des parcs et de la culture de la Ville de Mississauga, l’arrivée du futur système léger sur rail et la construction de tours d’habitation dans le quartier ne feront qu’accroître la démographie.
Pour répondre à la situation, la Ville doit donc prévoir l’acquisition de terrains dans le quartier de Cooksville afin d’accroître la superficie actuelle des parcs pour qu’ils puissent accueillir plus de monde et d’activités différentes. Le conseil municipal a approuvé cette mesure en 2017*. L’identification de 31 propriétés permettant d’acquérir 10 hectares de terrain au total vise à « créer de grandes superficies homogènes de parcs avec des réseaux de sentiers continus ».
Si l’extension des parcs est l’objectif premier, elle présente aussi un deuxième avantage : la résilience climatique. Certaines propriétés identifiées se trouvent actuellement sur des terrains inondables qui n’auraient pas pu être construits de nos jours. Cette situation pourrait donc inciter davantage de propriétaires à vendre leur bien à la Ville, sachant que les maisons ayant été inondées sont plus difficiles à vendre, indique Sharon Chapman.
Cependant, ce projet n’est pas sans controverse. Les projets de démolition de ces habitations ont provoqué le mécontentement de certain·es propriétaires dans le quartier qui affirment ne pas avoir l’intention de vendre leur bien à la Ville*. Sharon Chapman explique que la résistance initiale des propriétaires était liée à une mésinformation et à des inquiétudes concernant ces changements. La Ville s’est donc attachée à clarifier son intention en précisant que l’acquisition de ces propriétés suivait le principe d’un consentement mutuel entre acheteur et vendeur et que l’expropriation n’était donc pas à l’ordre du jour. Les négociations avec les propriétaires désireux de vendre se basent sur des rapports préparés par des agences d’évaluation indépendantes et accréditées estimant la juste valeur marchande du bien.
« Notre approche a été de coopérer réellement avec chaque propriétaire. Nous avons respecté les propriétaires qui ne souhaitaient plus en parler. »
Sharon Chapman, Gestionnaire de la planification des parcs et de la culture de la Ville de Mississauga
Comme c’est souvent le cas, la situation a mis en opposition les activistes en faveur des parcs et les activistes défendant le logement, comme s’il fallait choisir entre l’un ou l’autre. Reconnaissant cette situation, Sharon Chapman explique que la Ville était consciente que « le projet pourrait être perçu comme contribuant à réduire le nombre de logements ». Toutefois, elle précise qu’il ne s’agissait que de quelques maisons individuelles et que les 31 propriétés ne comportaient pas toutes des habitations. « Il est vrai que nous perdrons un petit nombre de maisons individuelles, mais la zone va connaître une croissance démographique considérable avec la construction de nouveaux logements. Nous devons donc garder une vue d’ensemble pour faire en sorte de créer suffisamment de parcs dans ce quartier. »
À ce jour, la Ville a acquis 19 propriétés. Cela représente déjà plus de 8 hectares de terrains sur les 10 hectares qu’elle s’est fixée comme objectif. La démolition des habitations se fait au fur et à mesure afin que celles-ci ne demeurent pas vacantes et que le terrain puisse être converti immédiatement en parc.
« Les propriétés que nous avons acquises sont presque suffisantes pour commencer à planifier l’aménagement d’un parc »
La municipalité s’apprête désormais à entamer le processus de concertation publique* pour décider des aménagements naturels et construits du parc.
En général, les parcs de quartier possèdent souvent des toboggans et des balançoires pour les enfants et des bancs pour les adultes, mais qu’en est-il des ados? Comment cette tranche de la population se divertit-elle et quels aménagements pourraient permettre de répondre à ses besoins?
C’est un sujet auquel Stephanie Watt réfléchit beaucoup. Avec Margaret Fraser, elles sont les codirectrices et cofondatrices de Metalude, une entreprise de conseil dédiée à la mobilisation des jeunes (jusqu’à 18 ans) en vue de promouvoir la participation publique, des espaces publics ludiques et des villes accueillantes pour les enfants.
Selon Stephanie, les jeunes ont bien conscience de leur « statut minoritaire » dans les espaces publics. Leur participation aux discussions sur la conception des parcs est en effet rarement sollicitée. Les lieux publics étant soit conçus pour les enfants avec des aires de jeux, soit pour les adultes avec d’autres types d’aménagements, ces jeunes ont parfois l’impression de nager entre deux eaux. D’après elle, la question n’est pas de concevoir des structures et des éléments de divertissement à proprement parler, mais d’établir une atmosphère ludique dans l’espace lui-même.
Prenons l’exemple de la placette éphémère du parc Marcelin-Wilson dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville de Montréal. Le parc est situé près de deux grandes écoles secondaires. En réalisant un sondage auprès du public et en discutant avec le personnel de ces écoles, nous avons constaté la nécessité d’avoir un « lieu de rencontre pour les jeunes », déclare David Sauvé, agent de développement au Service de la culture, des loisirs, du sport et du développement social à Ahuntsic-Cartierville. L’arrondissement a donc décidé de tester une « placette éphémère » dans le parc, située également à proximité d’un arrêt de bus et vouée à devenir un lieu de rencontre pour les jeunes. La structure a été conçue avec plusieurs endroits pour s’asseoir afin de favoriser les échanges sociaux.
Metalude a été embauché pour comprendre comment cette placette était utilisée par le public. Les méthodes retenues pour cette étude étaient l’observation directe des usages de cet espace, des entretiens semi-structurés auprès des jeunes sur le site et dans d’autres zones du parc, et même dans un centre commercial à proximité où les jeunes se rendent parfois pour manger. Ces observations ont permis de recueillir des données auprès de 500 personnes environ, et des entretiens ont été menés auprès d’une cinquantaine d’adolescent·es pour connaître leur expérience.
Établir un dialogue avec les jeunes demande d’adopter une approche différente, explique Stephanie Watt. Cela demande de changer les méthodes de concertation utilisées habituellement et perçues comme « professionnelles ». Cela veut dire, par exemple, d’écouter de la musique avec les jeunes pendant une séance de concertation, une méthode qui ferait probablement grincer des dents lors d’une réunion de participation publique traditionnelle. Il faut soit garder une ambiance vraiment légère, soit être très bref, dit-elle. Les jeunes doivent souvent jongler entre plusieurs priorités : s’occuper de leurs frères et sœurs, participer à des activités sportives ou faire leurs devoirs. L’important est d’apprendre à « mener des séances de concertation de 10 ou 15 minutes qui soient riches », précise la codirectrice de Metalude.
Cette participation publique menée auprès de la jeunesse a été riche d’enseignement pour le personnel de l’arrondissement.
« Cela nous a rappelé notre adolescence, quand nous nous rassemblions dans des espaces publics. Ce sont des choses que nous avons tendance à oublier quand nous devenons adultes. »
David Sauvé, Agent de développement au Service de la culture, des loisirs, du sport et du développement social à Ahuntsic-Cartierville
La méthode de l’étude basée sur l’observation a permis de déterminer les usages spontanés de cette placette, qui guideront potentiellement les futures décisions pour la conception d’une structure permanente. Citons, par exemple, la disposition des bancs en cercle afin de permettre à quatre à six personnes de s’y asseoir et de socialiser, au lieu de la disposition habituelle des bancs alignés dans les parcs qui oblige les gens à s’asseoir dans la même direction, formant ainsi « une rangée de personnes qui ne se parlent pas,» précise Stephanie Watt.
« Ce mobilier urbain favorise les [interactions] en face-à-face, tandis que les autres types de mobiliers était principalement utilisé par des personnes seules qui attendant le bus. »
Stephanie Watt, Codirectrice et cofondatrice de Metalude
Une autre observation porte sur l’utilisation d’une structure particulière : le filet installé sur la placette, qui est perçu de manière très différente selon le genre des utilisateurs. Les garçons, le qualifiant de trampoline, avaient tendance à sauter dessus, tandis que les filles le considéraient comme un hamac. Stephanie Watt recommande donc de concevoir deux structures distinctes : l’une pour sauter et l’autre pour se détendre.
« Il est possible d’anticiper certaines choses, mais il est très important d’aller sur le terrain et de voir comment le public les utilise. Et il faut ensuite s’adapter à ces usages. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire »
Concevoir des projets favorisant l’inclusion et l’accessibilité semble faire partie des priorités de nombreuses municipalités. D’après nos sondages, 78 % des municipalités ont indiqué que concevoir des espaces accessibles à toutes et à tous était une priorité dans leur travail. Cependant, bien que beaucoup se réfèrent aux directives provinciales pour répondre aux normes de base, notre sondage publique de 2022 a révélé que 10 % des citadines et citadins estiment que le manque d’aménagements favorisant l’accessibilité les décourageait de fréquenter et de profiter des parcs de la ville. Cela semble indiquer que les parcs ne sont pas encore accessibles à tout le monde.
L’agence trigouvernementale Waterfront Toronto* a relevé des lacunes dans les directives provinciales et municipales en matière d’accessibilité lors de la conception de nouveaux espaces publics, en particulier les espaces riverains. Certaines de ces lacunes concernent les normes relatives à la conception des rampes de mise à l’eau des embarcations, des passerelles en bois, des plages et des points d’accès au lac.
Pour créer des espaces publics réellement accessibles, l’organisation avait conscience qu’elle devait solliciter, écouter et faire participer les personnes qui comprennent le mieux les défis et les possibilités en matière d’accessibilité : les personnes vivant avec un handicap.
Waterfront Toronto a créé un comité consultatif composé de membres possédant une expertise professionnelle et technique, dont la plupart sont des personnes en situation de handicap, pour élaborer de nouvelles directives* pour la conception de ses projets. L’objectif de ces directives est d’aller au-delà des exigences existantes et de faire en sorte que les zones au bord de l’eau puissent être appréciées par tout le monde. Parmi les exigences les plus notables, citons les normes selon lesquelles toutes les plages doivent disposer de sentiers accessibles pour accéder à l’eau, et des rampes de mise à l’eau doivent être prévues pour les canoës et les kayaks spécialement adaptés.
Inclure des résidentes et résidents ayant un vécu particulier dans un comité consultatif ne constitue pas une nouvelle pratique de concertation publique. Ce qui distingue vraiment cette initiative est le fait que ces directives sont dotées d’un mécanisme permanent incluant les personnes ayant une expérience vécue dans tous les projets à venir.
Le comité consultatif a adopté le principe directeur « rien sur nous sans nous » et l’idée qu’aucune personne ne peut parler au nom de l’ensemble des personnes en situation de handicap. Les membres du comité ont également souligné l’importance de la phase de mise en œuvre.
L’un des moyens utilisés par Waterfront Toronto pour aborder cet aspect a été de créer un comité permanent sur l’accessibilité. Il examinera tous les projets du domaine public à venir et donnera son avis sur les futures mises à jour de ces directives. Ce comité chargé du suivi, nommé comité consultatif sur l’accessibilité, est composé de personnes ayant une expertise professionnelle, de défenseur des droits des personnes handicapées et de personnes aidantes. La plupart s’identifient comme des personnes en situation de handicap et reçoivent des honoraires pour le temps qu’elles y consacrent. Lors de la constitution du comité, Waterfront Toronto a recherché des personnes avec différents types de handicaps et expériences pour mieux refléter la diversité des besoins en matière d’accessibilité.
Pour tout nouveau projet de parc ou d’espace public, le comité consultatif sur l’accessibilité est sollicité au moins deux fois pendant le processus. Afin de signaler tout problème d’accessibilité, il donne son avis dès les premières étapes de la phase de conception et une fois la phase de construction terminée. D’autres possibilités de contribuer leur sont également proposées si nécessaire. Cet « examen » de l’ensemble des projets permet d’identifier les aspects susceptibles d’être améliorés. Waterfront Toronto reflétera ces commentaires sous forme d’amendements dans les directives et les appliquera aux projets à venir. L’organisation s’est également engagée à tenir compte de ces commentaires dans les sites concernés lorsque des rénovations ou des réparations sont nécessaires.
Ces directives définissent de nouvelles normes pour les espaces publics inclusifs en comblant les lacunes et en dépassant les exigences actuelles, tout en intégrant proactivement les personnes ayant une expérience vécue pour orienter les projets à long terme.
Améliorer l’accessibilité aux espaces bleus permet à quiconque de profiter des bienfaits réparateurs de la nature. Si la mise en œuvre de ces nouvelles directives garantit que les personnes vivant avec un handicap puissent fréquenter ces lieux publics, les espaces conçus dans une optique d’accessibilité sont aussi bénéfiques pour l’ensemble de la population.
« Nous savons que, pour créer des zones riveraines dynamiques qui appartiennent à tout le monde, nous devons prendre l’engagement ferme de prioriser l’accessibilité dans tout ce que nous concevons et réalisons. Avec le soutien du comité consultatif sur l’accessibilité, nous faisons de l’accessibilité un autre domaine d’excellence en matière de conception. »
Pina Mallozzi, Vice-présidente principale chargée de la conception à Waterfront Toronto
Pour en savoir plus
Ce rapport de recherche documente certains impacts sociaux d’initiatives mises en œuvre par des groupes citoyens ou des organisations à but non lucratif et qui visent l’appropriation citoyenne de parcs à Montréal – qu’ils soient reconnus ou non par les autorités municipales. Pour ce faire, les activités de trois groupes ou organisations ont été étudiées : Biquette-Écopâturage (parc Maisonneuve), Mobilisation 6600 Parc-nature MHM (Parc-nature MHM) et UrbaNature Éducation (falaise Saint-Jacques).
Les résultats reposent sur trois principaux outils de collecte : des grilles d’observation, un questionnaire et des guides d’entretien. Au total, l’équipe a réalisé quinze périodes d’observation de juillet à octobre 2023. Près de 200 personnes ont répondu au questionnaire, en ligne et sur place, et l’équipe a réalisé 9 entretiens avec des personnes impliquées dans la réalisation des initiatives.
Pour chaque cas étudié, le rapport explique l’origine et l’évolution de l’initiative, décrit les activités réalisées et l’environnement dans lequel ces activités ont lieu, brosse un portrait du profil sociodémographique et d’engagement des personnes qui réalisent ou participent à ces initiatives et documente l’impact de ces initiatives sur le bien-être, l’attachement au parc et à la nature, et la création de liens sociaux du point de vue de ces personnes.
L’étude établit quatre constats pertinents pour le réseau des Ami∙es des parcs de Montréal :
Ce travail de recherche a été rédigé par David Smith, Ph. D., chercheur et conseiller en transfert au CÉRSÉ (Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté), Émilie Guay-Charpentier technicienne de recherche au CÉRSÉ, et France Lavoie, professeure en Techniques de recherche et de gestion des données au Collège de Rosemont. L’étude est la troisième et dernière phase d’un projet de recherche s’intitulant « Initiatives d’appropriation citoyenne des parcs urbains à Montréal : modèles, enjeux, stratégies et résultats sociaux », réalisé de 2020 à 2024. Ce projet est financé par le Fonds d’innovation sociale destiné aux collèges et aux communautés (FISCC) du Conseil fédéral de recherches en sciences humaines (CRSH), en partenariat avec Ami∙es des parcs et le Centre d’écologie urbaine.