Typologie et portrait des initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs urbains de Montréal

Étude de cas | avril 12, 2023

Ce rapport suggère une typologie et dresse un portrait des initiatives d’appropriation citoyenne se déroulant dans les parcs montréalais. À partir d’un échantillon de 239 initiatives recensées de 2020 à 2021 par l’équipe du CÉRSÉ, le portrait donne un aperçu de la diversité des initiatives qui ont cours dans les parcs de Montréal, notamment à ce qui a trait à la pluralité des activités proposées, des impacts tangibles et intangibles, de leur temporalité, des origines des ressources humaines, matérielles et financières déployées, des types de gouvernance et des motivations qui les sous‐tendent.

Ce travail de recherche est disponible en version pdf.

A. Sommaire executif

Cette démarche s’inscrit dans un projet de recherche intitulé « Initiatives d'appropriation citoyenne des parcs urbains à Montréal : modèles, enjeux, stratégies et résultats sociaux », financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et en partenariat avec les Amis des parcs et le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM).

Une synthèse des résultats de l’étude est présentée dans le Tableau 1 ci‐dessous. Cependant, il est important de noter que le recensement effectué n’est ni exhaustif ni représentatif de l’ensemble des initiatives citoyennes présentes dans les parcs de la Ville de Montréal. Le portrait, quoique partiel, donne un intéressant aperçu de la diversité des initiatives qui ont cours dans les parcs de Montréal, notamment à ce qui a trait à la pluralité de leurs activités qu’elles mettent en place, des impacts tangibles et intangibles, de leur temporalité, des origines des ressources humaines, matérielles et financières déployées, des types de gouvernance et des motivations qui les sous‐tendent.

Source : Ville en Vert

 

De ce recensement, quelques constats méritent d’être soulignés :

  • Le portrait réalisé renforce l’idée que l’engagement citoyen dans les parcs participe à créer une infrastructure sociale dans les espaces publics. La plus grande portion des initiatives recensées sont des activités sociales et culturelles (32 %). Il y a aussi de nombreuses initiatives proposant des activités sportives et de loisir (17 %) et artistiques (12 %). Le faible nombre d’initiatives recensées liées à des activités d’aménagement (9 %) et de partage (8 %) ouvre la porte à une réflexion sur les barrières prévenant la réalisation de ces types d’initiatives citoyennes.
  • L’étude montre également qu’un dollar investi dans le soutien aux initiatives citoyennes fait des petits et qu’il y a une forte autonomisation des initiatives. Ainsi, dans la majorité des cas recensés, les investissements de la Ville et des Arrondissements servent de levier pour d’autres investissements. Cet investissement public se voit donc démultiplié grâce à la main‐d’œuvre, aux matériaux et aux sommes monétaires mises à disposition par les citoyen∙ne∙s et les OBNL. Seulement 32 % de l’apport financier public n’a pas été bonifié par d’autres appuis officiels.
  • Près de la moitié (47 %) des initiatives recensées sont mises en œuvre de manière autonome par des groupes citoyens, démontrant l’engouement pour l’engagement dans les parcs. Afin de renforcer les assises et la pérennité de ce mouvement qui aide à créer des parcs plus conviviaux et sécuritaires, les instances publiques pourraient faire une plus grande place aux initiatives citoyennes dans les leurs partenariats et leurs programmes de financement. En fait, les résultats suggèrent que l’appui public nécessaire n’est pas uniquement financier; la création de conditions favorables à un accès équitable aux parcs faciliterait sans doute la réalisation d’un plus grand nombre d’initiatives d’appropriation citoyenne des parcs, et ce, par une plus grande partie de la population.

 

Tableau 1 : Synthèse du portrait des initiatives recensées

Source : Mouvement ecologique du Haut Richelieu

 

B. Contexte et Approche méthodologique

1. Contexte du mandat

1.1 Résumé du projet de recherche

Les initiatives d'appropriation citoyenne de l'espace public se multiplient à Montréal, comme dans de nombreuses villes nord‐américaines et européennes. Le nombre d'organismes qui accompagnent les citoyen∙ne∙s dans ces initiatives augmente également, de même que les politiques et programmes municipaux qui les encouragent. Les parcs urbains sont des sites de choix pour les démarches d'appropriation citoyennes, en tant qu'espaces publics qui structurent les habitudes de vie dans les quartiers. Ce sont des lieux rassembleurs, des lieux de partage et des points d'ancrage locaux pour les communautés. Leurs effets positifs sont largement documentés, de la santé physique et mentale au développement du sentiment d'appartenance et à la création du lien social. Cependant, les appropriations citoyennes dans les parcs urbains soulèvent des questions très concrètes qui restent souvent peu documentées, ce qui empêche l’amélioration des pratiques d’un projet à l’autre.

Ce projet de recherche s’intitule « Initiatives d'appropriation citoyenne des parcs urbains à Montréal : modèles, enjeux, stratégies et résultats sociaux ». Il a pour objectif de comprendre et de documenter les modèles, les motivations, les enjeux et les résultats sociaux des initiatives d’appropriation citoyennes ayant lieu dans les parcs urbains à Montréal selon les différents acteurs concernés, incluant les groupes citoyens, le milieu communautaire et les fonctionnaires municipaux. Ce projet de recherche vise aussi à identifier les meilleures pratiques et à renforcer la capacité d’innovation des organismes afin de maximiser la contribution sociale des parcs urbains montréalais aux milieux de vie.

Ce projet de recherche est mené conjointement par le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ), les Amis des parcs et le Centre d'écologie urbaine de Montréal (CEUM). Il est financé par le Conseil fédéral de recherches en sciences humaines dans le cadre du Fonds d’innovation sociale destiné aux collèges et aux communautés.

 

1.2 Objectifs spécifiques au présent rapport

Le présent rapport donne suite à deux jalons de recherche. Le premier consistait à une revue de littérature sur les initiatives d’appropriation citoyenne de parcs au Québec. Elle avait pour but de mieux comprendre comment les initiatives d’appropriation citoyenne peuvent être interprétées dans plusieurs disciplines, telles que la psychologie environnementale, la sociologie urbaine et l’aménagement, et de documenter quelques cas d’étude provenant de municipalités québécoises. Le deuxième jalon visait à dresser un portrait de la situation des parcs à Montréal en matière de gouvernance, de typologie, de réglementation, de superficie, et d’installations. Dans ce deuxième jalon, les analyses réalisées ont aussi révélé toute la complexité autour de la notion de « parc », tant en termes de typologie que de gouvernance et de législation. Les résultats de ces premières étapes de la recherche sont publiés en ligne.

Si cette dernière publication se concentrait sur les parcs montréalais comme objets d’analyse, le présent rapport se focalise quant à lui sur les initiatives d’appropriation citoyenne qui ont lieu dans ces parcs. Son objectif est de suggérer une typologie et dresser un portrait des initiatives d’appropriation citoyenne se déroulant dans les parcs montréalais. À partir d’un échantillon de 239 initiatives recensées de 2020 à 2021, le portrait donne un aperçu de la diversité des initiatives qui ont cours dans les parcs de Montréal notamment à ce qui a trait à la pluralité des activités proposées, des impacts tangibles et intangibles, de leur temporalité, des origines des ressources humaines, matérielles et financières déployées, des types de gouvernance et des motivations qui les sous‐tendent.

1.3 Clarification terminologique

Le rapport fait référence à plusieurs termes qui méritent d’être clarifiés. Ils sont définis dans le tableau suivant.

Tableau 2 : Définitions

Termes

Définition

Parc

Un espace accessible au public et en partie végétalisé ou boisé. Il est souvent, mais pas toujours, de propriété publique.1

Initiative d’appropriation citoyenne

« Une initiative d’appropriation citoyenne est une action entreprise par un.e citoyen.ne ou un groupe de citoyen.ne.s dans un espace donné, de manière à l’adapter à leurs besoins et à leurs aspirations et à le transformer en un lieu social auquel ils ou elles s’identifient et envers lequel ils ou elles développent un sentiment d’appartenance. Cette action peut être tangible ou intangible, permanente ou éphémère, revendicatrice ou ouvertement apolitique. Elle est influencée à la fois par l’environnement physique et par le contexte social, économique et politique. »2

Acteur privé

Un organisme à but lucratif, un organisme à but non lucratif (ONBL), un groupe de citoyen∙ne∙s ou un particulier.

Acteur public

Une municipalité ou un Arrondissement, ainsi que ses directions et ses services.

Impact tangible

Effet d’une initiative d’appropriation citoyenne qui transforme physiquement l’environnement.

Impact intangible

Effet social ou symbolique d’une initiative d’appropriation citoyenne qui ne laisse pas de trace dans l’environnement physique.

Gouvernance horizontale

À l’intérieur d’un organisme à but non‐lucratif ou non, gestion par les citoyen∙ne∙s qui réalisent l’initiative.

Gouvernance verticale

Gestion par un organisme à but lucratif ou non‐lucratif ou une institution publique qui prend les décisions quant à la mise en œuvre de l’initiative par les citoyen∙ne∙s.

Gouvernance collaborative

Gestion partagée entre les acteurs publics et privés.

 

2. Méthodologie

2.1 Collecte et analyse des données

La collecte et l’analyse des données se sont produites en cinq principales phases :

2.2. Liste des organismes, des groupes citoyens et des initiatives recensés

Pour consulter la liste complète des initiatives d’appropriation citoyenne recensées (281 initiatives), consultez les pages 9 à 14 de la version pdf du rapport.

2.3 Limites

Le recensement n’est ni exhaustif ni représentatif de l’ensemble des initiatives citoyennes présentes dans les parcs de la Ville de Montréal. Il n’est donc pas possible de généraliser les résultats. Le rapport brosse plutôt un portrait d’un échantillon de 239 initiatives recueillies par l’équipe de recherche. Cependant, cet échantillon permet de valider le cadre proposé sur les typologies des initiatives (Figure 1), de démontrer une grande diversité de types d’initiatives mises en œuvre dans les parcs montréalais et d’en dégager certaines caractéristiques. Cette étude exploratoire peut aussi servir de base pour de prochaines recherches plus approfondies et spécifiques sur la question des initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs de Montréal.

 

Source : Les ami.e.s du parc des gorilles

 

C. Une typologie d'inititatives d'appropriation citoyenne dans les parcs

Figure 1 : Typologie d’initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs

 

 

D. Portrait des initiatives d'appropriation citoyenne recensées (2020-2021)

 

1. Qui ?

Qui se cache derrière ces initiatives d’appropriation citoyennes ? Ces dernières ne peuvent en effet pas exister sans un nombre suffisant de personnes mobilisées pour la mettre en œuvre. Nous pouvons constater que le secteur privé contribue à presque la totalité de ces initiatives.

Figure 2 : Provenance des ressources humaines

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

En effet, près de neuf initiatives sur dix (86%) sont mises en place par des acteurs privés (un organisme à but lucratif, un organisme à but non lucratif (OBNL), un groupe de citoyen∙ne∙s ou des particuliers). Les activités de revitalisation et de conservation du parc Léon‐Provancher (ID 274) en sont un bon exemple. Ainsi, ce sont les employé∙e∙s de l’OBNL La société Provancher qui travaillent activement à l’amélioration et la protection de cette section du parc Maisonneuve.

Par ailleurs, un peu plus d’une initiative sur dix (13%) est le fruit d’une mobilisation mixte, ce qui signifie qu’elle provient à la fois du domaine privé et de celui public. L’initiative Faites comme chez vous ! (ID 251) dans le quartier Rosemont‐La‐Petite‐Patrie illustre bien cette idée. C’est la combinaison des ressources humaines de l’OBNL Nature‐Action Québec à la volonté des résident∙e∙s du quartier qui a rendu possible la création et la coordination de plusieurs ruelles vertes dans le secteur.

Seulement 1% des initiatives recensées sont mises en œuvre grâce à des ressources humaines provenant uniquement d’organismes ou d’institutions publiques. Pour cette catégorie, pensons à l’Arrondissement Saint‐Léonard qui mobilise ses employé∙e∙s afin d’offrir des activités sportives et récréatives dans les différents parcs du quartier (ID 214).

 

1. Quoi ?

Combien et quels types d’activités les initiatives d’appropriation citoyenne mettent‐en œuvre ? Quels en sont les impacts ? Voici quelques éléments de réponses que nous avons pu tirer de notre échantillon.

2.1 Nombre d’activités

Figure 3 : Activité unique ou activités multiples

 

Plus des trois quarts des initiatives recensées (81%) visent la mise en œuvre d’une seule et unique activité. C’est le cas, par exemple, de la représentation musicale Quiet Picture ‐ Spectacle de la rentrée! Cette dernière étant présentée à l’Espace Bonheur Masson (ID 2). Ainsi, autant l’organisation que la durée de ce type d’activité se veulent éphémères.

En revanche, près d’une initiative sur cinq (19%) consiste à des activités multiples. Ces initiatives sont souvent liées à une démarche d’un groupe d’individu∙e∙s ou d’une organisation spécifique. De ce fait, ce type d’activité a tendance à se répéter dans le temps et dans l’espace grâce notamment à une structure de gestion établie. Citons l’exemple du groupe Mouvement Citoyen ‐ Demain Verdun (ID 85) qui orchestre régulièrement des corvées de nettoyages dans différents espaces parcs et espaces publics de l’arrondissement, et ce depuis 2018.

Source : Les Amis du Champ Des Possible

 

2.2. Types d’activités

De plus, dans notre échantillon, nous constatons que les initiatives d’appropriation citoyenne portent une grande diversité d’activités dans les parcs urbains à Montréal. La classification que nous proposons l’illustre bien.

Figure 4 : Quel type d'activité ?

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

La plus grande catégorie recensée est celle des initiatives qui mettent de l’avant des activités dites sociales ou culturelles (32%). Plus précisément, l’objectif de ces initiatives est la socialisation ou la réalisation d’une activité culturelle non artistique, c’est‐à‐dire qu’elle ne vise pas la création d’une œuvre. L’écoute d’un film à l’extérieur se classe bien dans cette première catégorie. C’est le cas d’ailleurs de l’initiative Projection sous les étoiles (ID 123) à la station Youville, dans le quartier Ahuntsic‐ Cartierville. Coordonnée par l’organisme Funambule médias, c’est une activité qui permet aux intéréssé∙e∙s de se ressembler tout en partageant un intérêt commun pour le cinéma.

Nous retrouvons ensuite les activités sportives ou de loisir (17%). On retrouve dans cette catégorie les initiatives dont l’objectif premier est la pratique d’un sport ou l’exécution d’activités qui visent à occuper un temps libre, comme l’artisanat ou les jeux de cartes. Les nombreux cours de Zumba (ID 16), qui se donnent dans plusieurs parcs, dont celui Jean‐Duceppe, appartiennent très bien à ce type d’appropriation citoyenne.

Source : Yoga Club et Biquette

 

Les activités artistiques forment la troisième catégorie, avec 12% des initiatives recensées. Elles ont pour objectif principal la réalisation, l’installation, l’échange ou encore la vente d’œuvres d’art. Elles incluent les spectacles musicaux et la réalisation d’un film. Les populaires séances de tam‐tams du Mont-Royal (ID 281) se classent parmi cette catégorie d’activités artistiques. En effet, plusieurs personnes se retrouvent tous les dimanches après‐midi au pied du Monument Sir George‐Étienne Cartier pour y jouer de différentes percussions.

Les activités d’entretien (11%) incluent les activités de maintenance, de nettoyage et de réparation d’installations déjà existantes. C’est le cas de l’écoquartier Mercier Hochelaga‐Maisonneuve, de l’organisme Y'a QuelQu'un l'aut'bord (YAM) et de quelques citoyen∙ne∙s engagé∙e∙s qui organisent chaque printemps un grand ménage du parc Thomas‐Chapais (ID 135).

Les activités de verdissement ou écologiques (11%) ont pour objectif principal l’ajout de végétaux et l’amélioration de la qualité écologique d’un parc ou d’une partie d’un parc. Elles incluent non seulement les plantations d’arbres, d’arbustes et de fleurs, mais également les initiatives visant une meilleure biodiversité d’espèces animales et d’insectes. Par exemple, l’Arrondissement de Saint‐Léonard a procédé à la plantation de diverses espèces d’arbres indigènes dans le parc Ladauversière en 2013 (ID 121) afin d’améliorer l’indice de canopée de son quartier et, du même coup, la qualité écologique de l’environnement. Par la suite, l’écoquartier de Saint‐Léonard – en collaboration avec quelques citoyen∙ne∙s engagé∙e∙s – a proposé un guide et des activités qui accompagnent la découverte du Boisé des aïeux du parc Ladauversière tout en sensibilisant la population aux nombreux bénéfices des arbres en ville.

Source : Les Amis du parc Angrignon

 

Les activités d’aménagement (9%) consistent à des activités qui modifient l’espace pour le rendre plus adéquat ou agréable. Le Lien vert (ID 262), dans le quartier Hochelaga‐Maisonneuve, incarne bien ce type d’activité. L’objectif principal de cette initiative était de réaménager et mettre en valeur l’ancienne emprise ferroviaire du Canadien National qui relie la place Simon‐Valois et la promenade Luc‐Larrivée en ajoutant du mobilier urbain et du terrassement, en plus d’activités de verdissement. Les citoyen∙ne∙s ont contribué également à cette démarche en plantant des fleurs, en ramassant les déchets et en aménageant certaines ruelles tout au long du parcours.

Finalement, la dernière catégorie est celle des activités de partage (8%) dont l’objectif premier est le transfert de connaissances, de biens ou de ressources. Ces activités comportent des dimensions de solidarité et de soutien tout en permettant aux citoyens d’apprendre sur un sujet donné ou d’obtenir certaines ressources. C’est le cas, par exemple, de l’Atelier mécanique Vélo (ID 5) situé au parc Lafond. Les personnes peuvent profiter de cet événement pour réparer leur bicyclette, apprendre de nouvelles notions sur le cyclisme et même tisser des liens avec les personnes qui partagent des intérêts communs pour le vélo.

 

2.3. Tangibilité des impacts

La nature des impacts des initiatives d’appropriation citoyenne représente aussi un autre élément distinctif à considérer.

Figure 5 : Impacts tangibles ou intangibles ?

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

D’une part, près de la moitié des initiatives de l’échantillon (46%) se composent d’activités qui transforment l’environnement du parc et sont donc considérées comme ayant des impacts tangibles. Les initiatives de verdissement, écologiques, d’entretien et d’aménagement en sont des cas évidents. Souvenons‐nous des exemples de plantation d’arbres au parc Ladauversière (ID 121) et du Lien vert (ID 262) qui ont modifié durablement le territoire.

D’autre part, plus de la moitié des initiatives (54%) recensées mettent plutôt l’accent sur des activités qui ont des impacts intangibles, c’est‐à‐dire qu’elles ne laissent pas de traces physiques dans l’environnement après leur réalisation. S’inscrivent dans cette catégorie plusieurs initiatives sociales, culturelles, sportives et de loisir, artistiques ou de partage. Rappelons‐nous ici de l’exemple des tam‐ tams du Mont‐Royal (ID 281). En revanche, le renforcement de liens sociaux ou le développement du sentiment d’appartenance s’inscrivent comme des impacts intangibles qui pourraient très bien émaner d’une initiative comme celle des tam‐tams du Mont‐Royal. Quelques initiatives appartenant à ces dernières catégories ont cependant des impacts tangibles. Par exemple, une initiative artistique peut fort bien embellir le territoire, et ce de façon permanente. La murale intitulée Provoquez la paix (ID 20), réalisée par l'artiste Carlito Dalceggio en juin 2011 dans le parc Howard du quartier Parc‐Extension, en est un bel exemple.

 

3. Quand ?

À quelle fréquence une initiative d’appropriation citoyenne a‐t‐elle lieu ? Combien de temps peut‐elle durer ? Les initiatives varient grandement quant à la fréquence des activités et leur durée.

Figure 6 : Temporalité des initiatives

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

D’abord, la majorité des initiatives recensées sont éphémères (59%). Elles regroupent des activités de courte durée, généralement mesurées en heures, et elles ont lieu qu’à une seule ou qu’à quelques reprises. Citons l’exemple du Minibioblitz du parc Jarry (ID 143). En 2019, La coalition des Amis du parc Jarry a organisé une rencontre de deux heures qui avait comme principal objectif de mieux connaître les espèces fauniques et végétales présentes dans le parc ainsi que leur état de santé.

À l’inverse, près du quart (23%) des initiatives recensées sont permanentes : leurs effets se veulent durables sur le milieu ou ces activités se répètent plusieurs fois durant l’année. La société d’animation de la promenade Bellerive (ID 246) correspond à cette catégorie. C’est en organisant régulièrement des activités tant culturelles que sociales, que cet organisme peut mettre en valeur le parc de la Promenade‐ Bellerive.

Enfin, on retrouve aussi des initiatives qualifiées de saisonnières (18%). Comme son nom l’indique, celles‐ci suivent un cycle saisonnier et, par extension, sont généralement plus longues que les activités catégorisées comme étant éphémères. C’est le cas de l’Érablière urbaine (ID 239) qui se tient chaque printemps dans le parc Baudet de l’arrondissement Saint‐Laurent.

Source : Pro-Vert

 

4. Comment ?

4.1 Les ressources matérielles et financières

D’où proviennent les ressources financières et matérielles nécessaires à la mise en œuvre d’initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs ? Tout comme les personnes mobilisées (Section 1 Qui ?), la provenance des ressources matérielles et financières nécessaires à la réalisation d’initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs de Montréal varie. Les ressources sont considérées comme étant publiques lorsqu’elles proviennent d’un organisme ou d’une institution publique ou gouvernementale. Elles sont identifiées comme étant privées lorsqu’elles proviennent d’un organisme à but lucratif, d’un organisme à but non lucratif, d’un groupe de citoyen∙ne∙s ou de particuliers. Les ressources sont mixtes lorsqu’elles proviennent à la fois du public et du privé.

Figure 7 : Provenance des ressources financières

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

Les ressources financières concernent les aspects monétaires de l’initiative. Près de 40% des initiatives recensées sont mises en œuvre grâce à une contribution financière mixte, ce qui signifie qu’elles sont subventionnées à la fois par le domaine public et par le privé. L’initiative d’agriculture urbaine au square Victoria (ID 195) en est un bon exemple. En effet, c’est en combinant les capitaux de la Ville de Montréal, de l’organisme Innovation jeunesse et de la société de développement commercial Destination Centre‐ Ville que se tiennent des ateliers sur les plantes comestibles aux résidents et résidentes de plusieurs secteurs de Montréal dont celui du centre‐ville.

Toutefois, près d’un tiers des initiatives sont financées uniquement par les organismes ou institutions publiques (32%). On peut penser au financement de la Ville de Montréal pour le jardin collectif au parc de Gaspé ainsi que dans les ruelles avoisinantes (ID 24). En effet, la Ville de Montréal déboursa près de 6000 $ pour financer des 5@7 jardinages aux résident∙e∙s et travailleur∙se∙s du secteur durant l’été.

Enfin, et dans une proportion similaire (28%), on retrouve aussi des initiatives financées uniquement par le secteur privé tel que Mégofest (ID 90) dans l’arrondissement de Verdun. Ce dernier se veut une initiative de ramassage des mégots de cigarettes entièrement financée et organisée par le Mouvement citoyen ‐ Demain Verdun dans le but de sensibiliser la population à ce type de déchet dans notre société.

Figure 8 : Provenance des ressources matérielles

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

Les ressources matérielles incluent les outils, les objets et les espaces particuliers requis pour la réalisation de l’initiative. Pour la grande majorité des initiatives recensées (73%), il y a une mise en commun (mixte) des ressources matérielles puisqu’elles proviennent à la fois des organismes ou des institutions publiques et du privé. Citons comme exemple le partenariat entre l’OBNL Grand potager et l’Arrondissement de Verdun (ID 98). En combinant leurs ressources matérielles, ces deux organisations peuvent offrir une série d’activités familiales d’agriculture urbaine. Plus précisément, l’Arrondissement s’occupe de fournir les serres, alors que l’organisme Gand Potager utilise ses propres outils de jardinage afin d’animer les activités avec auprès des familles.

En revanche, les ressources matérielles de près du quart des initiatives (23%) proviennent uniquement du secteur privé. C’est le cas de l’initiative Club Oust (ID 270) dans Rosemont‐La‐Petite‐Patrie. Initiée en hiver 2019 par deux mamans du quartier, cette démarche permet de rassembler les jouets, vêtements et autres objets des parents du quartier et de leurs enfants dans le but de favoriser le jeu extérieur dans les parcs. C’est en partageant tout ce matériel que les parents espèrent rendre les activités extérieures plus attrayantes pour les enfants.

Enfin, seulement 4% des initiatives dépendent des ressources matérielles publiques. Souvenons‐nous de l’Arrondissement de Saint‐Léonard (ID 214) qui mobilise autant leurs ressources humaines que leurs ressources matérielles (équipement sportif et matériel récréatif) afin de proposer une programmation variée d’activités dans les parcs pour les personnes vivant dans l’arrondissement.

4.2 Types de structures de gouvernance

Figure 9 : Milieu d’origine

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

Qui est à l’origine de ces initiatives d’appropriation citoyenne ? Comment sont‐elles gérées ? Dans notre échantillon, près de la moitié (53%) de ces initiatives ont commencé par une volonté explicite ou l’établissement d’un programme d’une organisation ou d’une institution publique. Le programme À travers Saint‐Henri (ID 146) se classe parmi cette catégorie. Menée par les initiatives environnementales du YMCA Pointe‐Saint‐Charles et de l'écoquartier du Sud‐Ouest, cette démarche vise un ensemble de nouveaux projets de verdissement participatifs auxquels les citoyen∙ne∙s du secteur sont appelé∙e∙s à contribuer. Le tout peut prendre différentes formes telles que la plantation de fleurs, d’arbustes ou de vignes, la création de ruelles vertes et la mise en place de corridors verts près de certaines écoles.

À l’inverse, les citoyen∙ne∙s ont initié l’autre moitié (47 %) des initiatives. Le groupe citoyen Comité de surveillance Louis‐Riel (ID 170) incarne bien cette idée. Portée par des résident∙e∙s engagé∙e∙s depuis plus de 50 ans dans le quartier, cette entité organise chaque semaine de la saison estivale, sans aide ni support d’un organisme public, une longue marche au parc Félix‐Leclerc.

Figure 10 : Type de gouvernance

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

Nous constatons dans notre échantillon qu’il peut y avoir une différence entre les personnes ou l’organisation à l’origine de l’initiative (section précédente) et le type de gouvernance établi par la suite. Une partie significative des initiatives recensées (40%) est gérée uniquement par des citoyen∙ne∙s ou des membres d’une organisation communautaire. Ces initiatives sont considérées comme ayant une gouvernance « horizontale, » dans la mesure où ce sont les citoyen.ne.s qui réalisent l’initiative et qui la gère.

Une portion importante des initiatives (34%) sont quant à elles gérées de manière « verticale », c’est‐à‐ dire que c’est un organisme à but lucratif, un organisme à but non lucratif ou une institution publique qui prend les principales décisions quant à la mise en œuvre de l’initiative par les citoyen∙ne∙s.

Nous avons aussi réalisé que près d’un quart des initiatives recensées ont un type de gouvernance « collaborative » (26%). Les décisions et la gestion sont alors partagées ou réparties entre les membres et les gestionnaires d’une organisation ou institution publique. On parle ici principalement de partenariat ou de cogestion d’initiatives d’appropriation citoyenne.

Source : Yoga Club et Biquette

 

5. Pourquoi ?

Quelles sont les motivations des citoyen∙ne∙s à participer à la réalisation d’une initiative d’appropriation citoyenne dans un parc ? S’il y a une grande diversité d’initiatives d’appropriation citoyenne dans les parcs, il y a aussi diverses motivations qui soutiennent ces initiatives. Nous notons aussi qu’il peut y avoir plusieurs motivations dernière une initiative.

Figure 11 : Motivations et raisons d'être des initiatives

FISCC 2020‐2023, n=239, source : CÉRSÉ

Une majorité (56%) des initiatives sont mises en œuvre dans une perspective de regroupement social, de socialisation, ou de bon voisinage. Pour cette catégorie, on peut penser au club de Bowling extérieur de l’arrondissement Pierrefonds‐Roxboro (ID 250). Voilà un type d’activité où l’une des motivations premières se veut de passer un moment avec des personnes qui partagent ce même intérêt pour se faire des abats !

Près de la moitié (48%) des initiatives visent l’animation d’un lieu. Le Square Dézéry (ID 259), par exemple, il s’agit d’un espace vert du quartier Hochelaga‐Maisonneuve où plusieurs organismes communautaires et citoyen∙ne∙s se concertent afin d’offrir des activités variées et, surtout, stimulantes pour les résident∙e∙s.

Les citoyen∙ne∙s et les organisations sont aussi motivé∙e∙s par l’amélioration physique de l’environnement existant du parc (43%). Souvenons‐nous des activités de revitalisation et de conservation du parc Léon‐Provancher (ID 274) initiées par les employé∙e∙s de l’organisme La société Provancher. Cette initiative contribue à rendre attrayante et vivante cette partie du parc Maisonneuve pour la population montréalaise.

Près du tiers des initiatives comportent un volet éducatif (30%) : elles visent le partage de connaissances, l’éducation ou la sensibilisation des citoyen∙ne∙s à un enjeu particulier et/ou sur un sujet donné. Citons l’exemple de l’initiative Les insectes du jardin (ID 238) où la mission première était de partager de l’information au sujet de la gestion des insectes dans différents parcs. Cette activité était motivée par la sensibilisation des citoyen∙ne∙s aux différents bienfaits et risques de la présence d’insectes en milieu urbain.

Quelques initiatives (16%) visent l’aide, la solidarité ou l’inclusion de personnes. Pensons à l’initiative Tricoter son tissu social (ID 254). Gérés par la Société écocitoyenne de Montréal, ces ateliers de tricot ont permis des rencontres singulières entre les différentes personnes qui habitent le quartier de Sainte‐ Marie. Au travers de cette initiative, il y avait la volonté de rassembler les habitant∙e∙s du quartier et, par extension, de contribuer à briser l’isolement social.

D’autres initiatives (15%) visent le bien‐être physique ou mental d’un groupe de citoyen∙ne∙s. Pour cette catégorie, on peut parler de Série Corona 2020 (ID 121). En pleine pandémie, plusieurs citoyen∙ne∙s ont eu l’idée d’organiser une course à obstacles dans le parc Angrignon : cette initiative cherchait à faciliter la pratique d’activité physique tout en respectant les règles sanitaires.

Quelques initiatives (6%) ont un caractère militant. Les citoyen∙e∙s ou les organismes qui organisent ce genre d’initiatives revendiquent un changement, militent pour une cause ou manifestent leur désaccord. C’est le cas par exemple des nombreuses manifestations contre les évictions et les hausses du prix de loyer. L’une d’elles s’est d’ailleurs tenue dans le carré Saint‐Louis, en face du métro Sherbrooke, en juin 2021 (ID 156).

Seulement une poignée d’initiatives de notre échantillon (4%) ont une motivation économique. Elles visent la promotion d’une marque, d’une image ou d’une entreprise ou la réalisation de profits.

Conclusion

Ce rapport a présenté une typologie des initiatives d’appropriation citoyenne et a brossé un portrait d’un échantillon de 239 initiatives, recensées de 2020 à 2021, se déroulant dans les parcs montréalais. Ce portrait donne un aperçu de la grande diversité des initiatives en cours dans les parcs de Montréal, notamment à ce qui a trait à la pluralité de leurs activités qu’elles mettent en place, des impacts tangibles et intangibles, de leur temporalité, des origines des ressources humaines, matérielles et financières déployées, des types de gouvernance et des motivations qui les sous‐tendent. En outre, quelques résultats particuliers méritent d’être soulignés et brièvement discutés.

D’abord, la Ville et les Arrondissements ne sont pas les seuls à s’occuper des parcs et à contribuer à leur mise en valeur : les citoyen∙ne∙s et les organismes à but non‐lucratifs sont aussi grandement impliqué∙e∙s dans leur amélioration. Le portrait réalisé démontre que les citoyen∙ne∙s et les organismes qui mettent en œuvre les initiatives d’appropriation citoyenne des parcs peuvent être motivé∙e∙s par la création d’opportunités de regroupement social, par l’animation des lieux et par l’amélioration de l’environnement physique des parcs. À ce titre, près de la moitié des activités recensées entreprises par les citoyen∙ne∙s ont des impacts tangibles sur l’environnement des parcs, que ce soient par des installations artistiques, des nouveaux aménagements potagers et paysagers, ou des activités d’entretien.

Source : Pro-Vert

 

Par ailleurs, ce portrait des initiatives d’appropriation citoyennes des parcs montréalais révèle l’importance de l’apport institutionnel dans l’amorce des projets. La contribution des citoyen∙ne∙s et des organismes à but lucratifs et non‐lucratifs se remarque alors davantage dans la réalisation des initiatives d’appropriation citoyenne des parcs. En d’autres mots, les efforts investis par la Ville et les Arrondissements pour encourager et pour faciliter les initiatives sont par la suite récompensés ; les citoyen∙ne∙s et les ONBL participent à l’amélioration des parcs avec de la main d’œuvre, des matériaux et des sommes monétaires. Ainsi, une majeure partie de l’investissement public se voit donc bonifiée par la collaboration des organismes privés et des citoyen∙ne∙s dans le développement des parcs montréalais.

La contribution notable des citoyen∙ne∙s et des OBNL à l’aménagement des parcs – qui resterait à quantifier – méritent donc l’attention des décideur∙se∙s, afin de mieux les encourager et de les supporter. Cela peut passer, entre autres, par une gouvernance des parcs qui inclurait les responsables municipaux, les citoyen∙ne∙s et les OBNL actifs dans les parcs. En effet, seulement le quart des initiatives recensées sont gouvernées de manière collaborative et le Rapport sur les parcs urbains du Canada publié en 2022 montrent que seulement 22% des citoyen∙ne∙s ont déclaré avoir l’opportunité de s’exprimer et la capacité d’influencer les décisions sur leurs parcs. Des approches collaboratives et partenariales auraient l’avantage de faire place aux citoyen∙ne∙s et aux organismes à la hauteur de leurs contributions à la vitalité des parcs montréalais.

Annexe

1. Wolff, P. (2022). Les parcs à Montréal – qui, quoi, comment ? Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ). https://parkpeople.ca/fr/resources/case‐study/parcs‐montreal‐cerse

2. Smith, D., Kikano, F. (2022). Les initiatives d’appropriation citoyenne des parcs au Québec : revue de littérature (Document de travail). Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ). https://cerse.crosemont.qc.ca/pouvoir‐ dagir/initiatives‐dappropriation‐citoyenne‐des‐parcs‐urbains‐a‐montreal‐modeles‐enjeux‐strategies‐et‐resultats‐sociaux/

3. La phase de validation a permis d’identifier des initiatives qui ne correspondent pas aux critères d’inclusion (voir section Méthodologie). Ces initiatives ont été enlevées de l’échantillon et portent la mention « Annulé » dans le tableau.

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Ce travail de recherche a été rédigé par David Smith, Ph. D., chercheur et conseiller en transfert au CÉRSÉ (Centre d'étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté) et Émile Bérard et Lou Legay, assistant·e·s de recherche au CÉRSÉ. Ce projet de recherche est mené conjointement par le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ), les Amis des parcs et le Centre d'écologie urbaine de Montréal (CEUM). Il est financé par le Conseil fédéral de recherches en sciences humaines dans le cadre du Fonds d’innovation sociale destiné aux collèges et aux communautés.

Consultez la version pdf du rapport.

 

   

 

   

 

 

Le Réseau des amis des parcs de Montréal