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Pendant la première année de la pandémie de COVID-19, Geneviève a appris que le taux d’insécurité alimentaire montait en flèche à Montréal. Désireuse de changer les choses, elle a réfléchi à la manière de répondre durablement au problème de la faim dans son quartier et a décidé de créer un écosystème agricole vivant et pédagogique composé de trois jardins urbains. Ces espaces permettraient aux habitant·es de travailler main dans la main et de participer à la plantation et à l’entretien des jardins.

Vivant dans une zone urbaine de Montréal appelée Milton-Parc, elle savait que la tâche ne serait pas facile. Bien qu’il soit situé à proximité du mont Royal, le quartier manque cruellement de parcs publics et d’espaces verts. Au lieu d’améliorer les espaces verts existants pour répondre aux besoins des habitant·es, elle savait qu’elle devrait en créer de nouveaux. Après avoir passé des mois à frapper aux portes, elle a réussi à négocier trois zones pour y installer des jardinières surélevées, et même une serre. Elle a transformé ces espaces en terrains communaux et encouragé les habitant·es à s’investir dans des activités de jardinage – de la plantation des semences au désherbage en passant par la récolte d’herbes et de légumes à ramener chez soi – mais aussi en donnant aux gens les moyens de cultiver leurs propres plantes médicinales.

Geneviève Dubé et Michelle Della Corte, co-fondatrices de Jardins Pour Tous

Alors que l’intérêt des habitant•es pour ces jardins a grandi, Geneviève a pris de plus en plus conscience des problèmes plus profonds qui ont émergé après la pandémie. En plus de l’insécurité alimentaire, les habitant·es étaient confronté•es à des difficultés profondes comme l’isolement, le stress et la dépression. Geneviève a ainsi reconnu la nécessité de répondre à ces besoins de manière holistique. Elle a donc contacté Ami·es des parcs en lui proposant une idée afin d’améliorer le bien-être de ses voisin·es.

Elle souhaitait créer un sentiment de cohésion sociale et de confiance entre les habitant·es. En plus de favoriser leur accès alimentaire, Geneviève souhaitait créer un environnement propice au bien-être mental et aux liens sociaux.

Avec l’aide d’Ami•es des parcs, Geneviève a créé une série d’ateliers associant éducation aux plantes, bien-être mental et connexion avec la terre. Le premier événement s’est déroulé dans les jardins urbains de Notman, une oasis de verdure envahie par la végétation et dont l’accès était interdit au public. Celui-ci proposait un atelier de méditation, suivi d’un enseignement mené par une personne Autochtone sur les propriétés médicinales des plantes. 40 personnes ont ainsi assisté à l’événement et ont appris à voir le jardin comme une source de plantes médicinales. Ensemble, les participant•es ont appris à faire macérer de la mélisse et de l’écorce d’orange dans de l’eau pour améliorer l’humeur, la qualité du sommeil et la digestion. Ces participant•es ont touché, goûté et senti des herbes, suscitant autant de conversations que de découvertes.

Geneviève au jardin urbain Notman, Montréal

Récemment, une résidente a confié à Geneviève que l’atelier l’avait aidée à ressentir un sentiment d’appartenance et qu’elle avait créé des liens avec ses voisins et l’environnement; une expérience inédite pour elle. Elle a appris à identifier des plantes et leurs propriétés, ce qui lui a permis d’enrichir ses connaissances et de voir le monde qui l’entoure différemment. L’atelier l’a encouragée à travailler chaque semaine comme bénévole dans le jardin, une expérience qui est devenue indispensable dans sa vie. Au milieu de l’atmosphère urbaine bouillonnante de Montréal, les Jardins pour tous sont désormais plus qu’un jardin pour elle : ils sont devenus un havre de bien-être et un lieu de rencontre; un rendez-vous qu’elle attend avec impatience chaque semaine.

Découvrez d’autres histoires inspirantes avec Nawal à Toronto et Marie-Pierre à Vancouver. Ces récits soulignent le travail remarquable accompli par des citoyen·nes engagé·es pour favoriser les liens sociaux et la résilience des habitant·es grâce aux parcs et aux espaces verts à travers le Canada.

Comment la Ville de Victoria mise sur les parcs pour favoriser la justice alimentaire 

Cette étude de cas fait partie du Rapport 2024 sur les parcs urbains du Canada, mettant en lumière des projets, des personnes et des politiques inspirant·es à travers le Canada, qui offrent des solutions concrètes aux défis les plus urgents auxquels font face les parcs urbains.

Résumé

  • La municipalité de Victoria cultive des plants de légumes qu’elle distribue ensuite à des associations locales dans toute la ville pour les planter dans des jardins publics ou les offrir à des particuliers et leur famille. 
  • Les programmes alimentaires mis en place dans les parcs peuvent avoir des répercussions considérables sur la santé des habitantes et habitants. Ceux-ci reposent sur des partenariats avec des organisations axées sur la santé publique et la santé mentale ainsi que des organisations œuvrant auprès des personnes potentiellement exposées à l’insécurité alimentaire.
  • En tirant parti de leurs ressources existantes de manière innovante, les services des parcs ont le pouvoir de favoriser activement la santé collective.

Ces cinq dernières années, les programmes axés sur l’alimentation dans les parcs, comme les forêts nourricières, les jardins collectifs et les plantes comestibles, ont gagné en ampleur et en popularité dans les villes canadiennes. Il est clair que les municipalités et leur population perçoivent tout le potentiel de l’agriculture urbaine et souhaitent le développer. Ces trois dernières années, 50 % des citadin·es ont déclaré à plusieurs reprises vouloir voir davantage d’agriculture urbaine et de jardins collectifs dans leurs parcs. 

Si les villes prévoient d’investir dans des programmes d’agriculture urbaine dans les parcs, comment peuvent-elles s’assurer qu’ils sont utilisés et, surtout, que les fruits de leurs récoltes atteignent avant tout les personnes qui en ont besoin ?

Lancé en 2020, le programme Get Growing Victoria* de la Ville de Victoria adopte une approche de justice alimentaire en fournissant des outils et du matériel de jardinage aux quartiers dont les communautés sont particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire, notamment les personnes sans logement, les communautés autochtones et racialisées, ainsi que les personnes âgées et les jeunes.

Au lieu de se focaliser uniquement sur l’accès du grand public à des aliments frais, la justice alimentaire donne la priorité aux tranches de la population qui sont confrontées à des obstacles structurels et systémiques pour assurer leur sécurité alimentaire. En prenant en compte les obstacles au jardinage, le programme Get Growing parvient à fournir des aliments durables et sains à celles et ceux qui sont souvent exclu·es des programmes de jardins collectifs.

Participants au programme Get Growing Victoria à Fernwood. Crédit : Ville de Victoria, Kingtide Films.

Le Service des parcs a vite constaté que le meilleur moyen d’atteindre ces groupes à risque était de collaborer avec des associations locales qui connaissent mieux leurs besoins. Cette collaboration a également permis à la municipalité d’apporter une aide efficace en intervenant là où se trouvent ces populations plutôt que d’attendre qu’elles s’identifient elles-mêmes et qu’elles suivent le processus d’inscription mis en place par la Ville. 

Ce programme compte désormais 67 partenaires locaux parmi des organismes de santé publique, des prestataires de services en santé mentale, des organisations d’aide aux personnes immigrées et réfugiées, des prestataires de services sociaux ainsi que des organismes œuvrant pour l’accès à des logements abordables. Les organisations partenaires fournissent à leurs bénéficiaires et à leur famille du matériel de jardinage ainsi que des plants de légumes cultivés dans les serres de la Ville. Ils peuvent ainsi les utiliser dans leur propre jardin ou dans un jardin collectif près de chez eux. Get Growing offre à ses partenaires l’autonomie nécessaire dans leur programme pour distribuer le matériel de jardinage de la manière qui répond le mieux aux besoins de leurs publics.

Julia Ford, coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria, nous explique que ce programme ne pourrait fonctionner sans ces associations partenaires. « Ceci nous permet d’augmenter considérablement notre impact et d’aider des groupes à risque au sein de la population qui, autrement, n’auraient pas forcément d’interaction avec la municipalité. » 

Appuyant le propos de Julia, notre sondage public de cette année a révélé que plus de 30 % des citadin·es ne savent pas vers qui se tourner s’ils rencontrent des problèmes ou souhaitent faire des commentaires sur leur parc. En collaborant avec des organisations locales qui entretiennent des relations étroites avec les résident·es des quartiers, la Ville de Victoria peut venir en aide à des personnes qui se sentent déconnectées des services municipaux. 

Après quatre années d’existence, on estime la production de produits frais à 400 000 livres, soit près de 181 000 kg. Par ailleurs, une évaluation des personnes participant à ce programme a révélé que la grande majorité d’entre elles estimaient qu’il avait amélioré leur bien-être mental, leur consommation d’aliments sains et leur niveau global d’activité physique. Cette initiative démontre ce que l’on peut faire dans les parcs lorsque l’on adopte une perspective de santé publique. 

City-grown seedlings. Credit: City of Victoria, Kingtide Films.

« Je pense que ce programme illustre comment les Services des parcs peuvent exploiter les ressources existantes de manière innovante pour promouvoir activement la santé publique et améliorer la prévention. Selon moi, le secteur des parcs reconnaît l’importance de l’utilisation passive des parcs et de l’accès aux espaces verts pour la santé mentale et le bien-être. Mais comment pouvons-nous soutenir activement les membres de la population qui veulent paver la voie vers des utilisations plus innovantes de l’espace public ? Comment pouvons-nous aider les gens à explorer de nouvelles activités récréatives qui ont du sens et qui sont accessibles et équitables ? »

Julia Ford, Coordonnatrice des systèmes alimentaires de la Ville de Victoria

Recommandations 

  • S’ouvrir à l’idée d’établir des programmes d’agriculture urbaine dans les parcs. Reconnaître qu’il ne s’agit pas uniquement d’une occasion de cultiver des fruits et légumes, mais aussi d’un levier puissant pour renforcer la cohésion sociale, les partenariats et la santé mentale des citadin·es.
  • Collaborer avec les associations locales qui œuvrent auprès des personnes confrontées à l’insécurité alimentaire pour veiller à ce que celles-ci aient accès aux programmes d’agriculture urbaine dans les parcs. 
  • Donner aux associations partenaires l’autonomie nécessaire pour utiliser les ressources de manière innovante afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques de leurs publics.